Un rapport défend l’exploitation « maîtrisée » du gaz de schiste

lundi 10 juin 2013
AP

Comment exploiter le gaz de schiste sans causer de tort à l’environnement ? C’est à cette vaste question qu’ont tenté de répondre le député PS Christian Bataille et le sénateur UMP Jean-Claude Lenoir. En début d’année, les deux parlementaires avaient été chargés par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), organisme qui rassemble des élus de tout bord, d’étudier les « techniques alternatives » à la fracturation hydraulique. Leur conclusion tombe comme une provocation pour tous les pourfendeurs de l’exploitation du gaz de schiste : « La fracturation hydraulique reste la technique la plus efficace et la mieux maîtrisée pour extraire les hydrocarbures non conventionnels, et (...) des solutions existent pour le faire avec un impact acceptable sur l'environnement, à condition de respecter quelques règles », écrivent les parlementaires.

Quelques définitions d’abord. Le gaz de schiste, ou gaz de roche-mère est un gaz naturel contenu dans des roches dont la particularité est de rester piégée dans les porosités de la roche imperméable où il s'est formé. Il est donc nécessaire de fracturer la roche pour pouvoir le récupérer. D’où les sempiternelles questions concernant les techniques d’extraction. L’une de ces méthodes est la fracturation hydraulique qui consiste à la dislocation ciblée de formations géologiques peu perméables via l'injection sous très haute pression, d'un fluide destiné à fissurer et micro-fissurer la roche.

Vers une fracturation hydraulique propre ?

Le rapport d'étape, présenté jeudi par les deux parlementaires, avance que la fracturation hydraulique aurait déjà été utilisée en France « à au moins 45 reprises » entre les années 1980 et la loi d'interdiction de 2011, « sans qu'aucun dommage n'ait été signalé ». Ils estiment aussi que « la France possède toutes les compétences scientifiques, techniques et industrielles, à tous les niveaux de la filière, pour créer une filière de fracturation propre ».

A partir de cette analyse, Christian Bataille et Jean-Claude Lenoir recommandent alors d’évaluer les ressources françaises en gaz et en pétrole de schiste, via des forages expérimentaux faisant appel à la fracturation hydraulique mais n’excluent par de tester d’autres techniques alternatives. « Nous voulons convaincre l'ensemble de la classe politique que ce que nous proposons doit être appliqué », ce qui passera par « des adaptations législatives », a déclaré M. Lenoir en présentant ce rapport à la presse.

Les co-rapporteurs ont ensuite enfoncé le clou en soutenant l’idée d’Arnaud Montebourg d’exploiter sans tarder les gisements de gaz de houille (gaz associé au charbon) dans le Nord et l'Est de la France. Gaz définit par le ministre du redressement productif de « gaz made in France, le gaz en marinière, en quelque sorte » mais dont la proposition avait fait l’effet d’une petite bombe dans la cour des écolos.  « Nous pourrions avoir une ressource comparable à celle de Lacq en Lorraine et dans le Nord-Pas-de-Calais, et approvisionner la France en gaz national pour 30 % de ses achats pendant 40 ans », et ce d'ici 5 ans, a plaidé M. Bataille.

Opposition obstinée des écolos

C’est sans compter avec l’opposition farouche de la ministre de l'Ecologie Delphine Batho, opposée à toute exploitation des hydrocarbures de schiste, quelle que soit la méthode, et à tout assouplissement de la loi bannissant la fracturation. Lors d’un débat télévisé radio-télévisé diffusé mercredi sur RMC avec la dirigeante patronale Laurence Parisot, qui affirme voir dans le gaz de schiste une possibilité pour « relancer l'économie » française, Mme Batho a réaffirmé, têtue, que son exploitation comme aux Etats-Unis « n'est ni possible ni souhaitable » en France. Elle a défendu en revanche des investissements massifs « dans les économies d'énergies et les énergies renouvelables ». Pourtant, le Président de la République s’était montré beaucoup moins intégriste dans ses positions. Tout en réaffirmant l'interdiction de la fracturation hydraulique, il avait déclaré fin 2012 qu'il « prendr(ait) ses responsabilités » si une nouvelle technique respectueuse de l'environnement voyait le jour.

Le flot de ces annonces n’a pas réjoui les ONG qui ont réagies avec leur verdeur et leur vivacité habituelles. La première à monter au filet fut Anne Vallette, chargée de campagne énergie-climat chez Greenpeace : « Nous sommes en profond désaccord avec ces recommandations, qui font fi de la crise climatique », a-t-elle martelé. Sur quoi Elisabelle Bourgue, présidente de l'association No Fracking France, a renchéri : « Il est absolument irresponsable de la part des décideurs parlementaires de notre pays d'envisager de poursuivre dans la voie de ce qui a déjà démontré ses failles dans les pays qui ont expérimenté la fracturation ». Elle a ensuite comparé la situation à « celle qui a précédé le scandale de l'amiante ». En revanche, bien sûr, les industriels ont salué ce rapport. « C'est un travail sérieux et approfondi, et qui nous semble objectif. C'est un pas positif, et peut-être un premier pas pour faire avancer ce sujet », a déclaré à l'AFP Jean-Louis Schilansky, président de l'Union française des industries pétrolières. Le gaz de schiste en France, aurait-il des relents de Dallas ?

Véronique Pierron

Pour en savoir plus :

Le gaz de schiste (Futura Sciences)

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Assemblée nationale)

L’idée d’Arnaud Montebourg d’exploiter les gisements de gaz de houille (Les Echos)

Le débat télévisé radio-télévisé sur RMC entre Laurence Parisot et Delphine Batho (RMC)

 

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