Ouverture dominicale, la guerre est déclarée

vendredi 21 novembre 2014
Crédit: Fohla do Sao Paulo

Travail dominical, la bataille continue avec au menu de lourdes incertitudes pour les salariés. Un sujet d’autant plus brûlant que les Français dans leur grande majorité se sentent concernés. Si l’on en croit une étude publiée mardi 19 novembre par Randstad, pour près d'un Français sur deux (49%), travailler le soir ou le week-end menace l'équilibre entre vie-privée et vie professionnelle. D’ailleurs, selon  le ministère du Travail, près de trois salariés sur dix (29%) travaillaient le dimanche de façon occasionnelle ou habituelle en 2011, dont 13% de manière habituelle. Aujourd’hui, le débat passe sur le terrain de la loi puisque le futur projet de loi sur l'activité « pour déverrouiller l'économie française », qui doit être présenté mi-décembre par le ministre de l'Économie Emmanuel Macron, comporte un volet « travail dominical et en soirée » qui entend répondre au « développement du tourisme international »  et « libérer le commerce ».

 Le tout dans une atmosphère délétère où face à des syndicats qui  montrent les dents,  des patrons belliqueux montent au filet. Plusieurs affaires ont déjà atterri devant les tribunaux comme le parfumeur Séphora condamné le 23 septembre 2013 à ne plus faire travailler ses salariés au-delà des 21 heures. Le parfumeur avait aussi été débouté par le Conseil Constitutionnel qu’il avait saisi car il y voyait une entrave à la liberté d’entreprendre.  D’autres chargent aussi pour le travail dominical comme  le PDG de la Fnac, Alexandre Bompard, qui souhaite l'ouverture dominicale pour les commerces de biens culturels.

 

Trois zones touristiques créées par arrêtés ministériels

Un projet de loi qui inquiète les syndicats du commerce car résolument opposés au travail dominical et de nuit. Ils redoutent en effet, l'absence de contreparties pour les salariés d’autant plus que parmi les trois nouvelles zones – commerciales, touristiques et touristiques internationales -  que le gouvernement prévoit  de créer pour règlementer l’ouverture dominicale, celles de tourisme international bénéficient  d'un régime très particulier. Elles seront créées par arrêté ministériel et non par décision du maire comme c'est le cas à Paris et auront le droit d'ouvrir jusqu'à minuit.  De plus, la version provisoire du projet de loi prévoit d’étendre de 5 à 12 le nombre de dimanches autorisés par le maire.

Réactive, la maire de Paris Anne Hidalgo a déclaré mardi que les zones touristiques de dimension internationale ne lui paraissaient « pas une bonne chose » et qu'elle n'accepterait pas « que les pouvoirs du maire soient captés par Bercy ». Lors d’une assemblée générale mercredi, de l'intersyndicale du commerce parisien Clip-P (CGT, SUD, CFDT, CFE-CGC et Seci-Unsa), la  quarantaine de délégués des Galeries Lafayette, Printemps, Monoprix, BHV, Franprix, Carrefour et Gibert Joseph présents à l'assemblée générale sont tombés d'accord sur le fait qu' « à terme, cette loi porte la généralisation des ouvertures des magasins 7 jours sur 7 et 24H sur 24 ». Ils ont appelé à « une grande manifestation » le 16 décembre.

 

Contreparties pour les seules entreprises de plus de 20 salariés

Car ce qui fait le plus bondir les syndicats et les salariés du commerce sont les contreparties sociales au travail dominical. Si celles-ci sont identiques dans les trois zones et contiennent un repos compensateur et un doublement de la rémunération, ces contreparties ne sont obligatoires que pour les établissements de plus de 20 salariés car en deçà, l’employeur  pourra « fixer des contreparties différentes » sans plus de précisions selon le texte. Les syndicats sont atterrés et lors de l’assemblée générale de l'intersyndicale du commerce parisien Clip-P, Karl Ghazi  de la CGT lâchait : « C'est la pire chose de ce projet. Les magasins de moins de 20 salariés constituent 80 à 90% des commerces » avant d’ajouter : « On se doute bien que le Medef qui pleure toute l'année sur le coût excessif du travail ne va pas accepter de payer le double des rémunérations ad vitam æternam ». Eric Scherrer (Seci-Unsa) remarquait de son coté que « Kiabi par exemple, qui est une grande chaîne de prêt-à-porter, n'a que des établissements de moins de 20 salariés ».

Véronique Pierron

Pour en savoir plus :

Séphora débouté par le Conseil Constitutionnel (Les Echos)

Alexandre Bompard pour l’ouverture dominicale des commerces de biens culturels (Le Monde)

Anne Hidalgo pas favorables aux zones touristiques de dimension internationale (Le Figaro)

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