La « Cahuzaction » de la vie politique en marche

mercredi 19 juin 2013

« Un seul être vous ment et tout est dévasté ». C’est par ce trait d’humour que le député PS et président de la commission des Lois, Jean-Jacques Urvoas a salué l’examen du projet de loi transparence de la vie publique par l’Assemblée Nationale. Annoncée après le coup de tonnerre Cahuzac dans la vie publique, le projet arrive dans l’hémicycle au lendemain de l’élimination du PS dans la circonscription de Villeneuve-sur-Lot. Une belle gifle quand on sait qu’un an plus tôt, passait victorieux Jérôme Cahuzac, la barre des 60 % au second tour.

 Inutile de souligner que la rédaction du projet par le gouvernement  a été un peu précipitée mais il comprend des mesures sur les déclarations de patrimoine et d’intérêts des élus.  Bien entendu à gauche, les ovations ne manquent pas pour accueillir ce projet qui joue les « monsieur propre » dans une gauche effrayée à l’idée de resombrer dans les « affaires ». C’est Alain Vidalies, le ministre chargé des Relations avec le Parlement qui s’exclame : « Les Français ne pourront nous écouter, si ce n'est nous entendre, qu'à la condition que la parole publique retrouve son crédit » ou Jean-Jacques Urvoas qui insiste : « C'est un changement de culture et pas seulement de règles ».

Projet taillé et… retaillé

Reste que le projet de loi a bien été élagué comme une haie au printemps. On se souvient qu’à peine a-t-il été annoncé, le président de l’Assemblée Nationale s’est posté en premier dissident en montant au créneau pour dénoncer la publication de patrimoine, suivi par une grande majorité de députés PS. Début d’un bras de fer car le président de la Vénérable assemblée n’a pas lâché prise, ce qui a obligé à la négociation d’un compromis entre le gouvernement et sa majorité. Le résultat de cette négociation a eu l’effet d’un peu édulcorer l’effet « coup de poing » attendu de ces mesures car la consultation des déclarations de patrimoine restent possible mais seulement en préfecture et sans possibilité de publication sous peine de sanction.

La droite commente évidemment comme l’ex-ministre UMP Laurent Wauquiez qui tire à vu en affirmant que le texte est une « capitulation de François Hollande devant les barons socialistes ». Patrick Devedjian (UMP) fait lui, dans l’humour en ironisant sur « les petites cuillères en argent » ou « les chaussures » qu'il faudrait ou non déclarer, de quoi alimenter des « débats et polémiques interminables » puis montrant qu’il a des lettres, il cite à l’envie un mot d’esprit d’un homme politique du XIXème sicle Ernest Picard : « Un pur trouve toujours un plus pur qui l'épure ».

Régime actuel vs régime futur

Heureusement pour la démocratie, le régime actuel des déclarations oblige les députés à déclarer leur patrimoine auprès de la commission pour la transparence. Mais celle ci, créée en 1988, s'est révélée inefficace et impuissante au fil du temps et l’ensemble des déclarations seront donc désormais contrôlées par une nouvelle autorité, la Haute Autorité de la Transparence de la vie publique (HAT). Celle-ci est  indépendante et sera dotée d'une autonomie budgétaire et de pouvoir de sanctions. Interrogé sur le budget de cet organisme, qui aura des milliers de contrôles à effectuer, les députés PS René Dosière et Jean-Jacques Urvoas ont évacué une quelconque estimation. Mais les déclarations d’intérêts qui remonteront aux cinq dernières années, seront cette fois publiques de même que les revenus d’activité des parlementaires. Alors que le gouvernement avait imaginé dans un premier temps interdire certaines professions, seule celle de conseil stricto sensu et bien difficile à border, sera interdite. Celle d’avocat-conseil restera autorisée malgré le fait qu’elle avait défrayée la chronique. Les débats à l’Assemblée avaleront aussi la question du contrôle de l'indemnité pour frais de mandat (IRFM) des députés ou celle des collaborateurs parlementaires. Et pour sanctuariser le chapitre Cahuzac dans les esprits, le paquet transparence comprend aussi un projet de loi qui aggrave les sanctions pénales en cas de fraude fiscale et crée notamment un délit de fraude fiscale en bande organisée.

Véronique Pierron

Pour en savoir plus :

L’affaire Cahuzac (Le Monde)

L’élimination du PS dans la circonscription de Villeneuve-sur-Lot. (20 Minutes)

Les affaires  du PS (Le Monde. Blog)

La publication de patrimoine (Huffington Post)

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