Macron secoue le Totem de l’assurance-chômage

lundi 13 octobre 2014

Panique ? Ce week-end lors d’une interview parue dans  le JDD, le ministre de l’économie Emmanuel Macron a fait souffler un petit vent de panique en se prononçant en faveur d’une réforme plus approfondie de l’assurance-chômage.  «Il ne doit pas y avoir de tabou ni de posture», affirme-t-il en rappelant que le système d'indemnisation présente aujourd'hui un déficit de 4 milliards d'euros dont l’Etat « ne peut pas se satisfaire ». «Il y a eu une réforme, elle est insuffisante, on ne pourra pas en rester là», ajoute-il. Le ministre de l'Économie assure que c'est aux partenaires sociaux de s'emparer du dossier et «de faire avancer les choses», mais estime qu'en cas de blocages lourds, l'État pourrait reprendre la main.

Au premier abord, on pourrait penser à un nouveau dérapage dont semble coutumier ce quinquennat, d’autant plus que le président de la République avait déjà dû recadrer le ministre de l’économie sur le sujet. Pourtant… à y regarder de plus près, il n’en est rien. D’abord parce que l’interview d’Emmanuel Macron au JDD a été soigneusement relue au préalable de sa publication et par l’Elysée et par Matignon. On peut donc raisonnablement penser que si ce passage avait semblé outrepasser les pouvoir du ministre ou déraper de ses fonctions, il aurait été tout bonnement supprimé.

L’Elysée avait relu l’interview de Macron

Ensuite, l’Elysée a indiqué lundi via une source de l’AFP, que la négociation sur l'assurance-chômage « viendra le moment venu » mais n’aura pas lieu « immédiatement ». Cette « question relève de la responsabilité des partenaires sociaux en lien avec l'Etat », poursuit la source. Dans ces conditions, on ne peut que raisonnablement penser qu’il ne s’agit en rien d’un dérapage mais peut être d’une stratégie pour annoncer et préparer les esprits à une future  - et incontournable ?  -  réforme de l’assurance-chômage.  La manœuvre d’une interview « autorisée » pour mettre d’ores et déjà dans le débat public, une réforme qui se fera « en temps voulu ». 

Qu’à cela ne tienne, si à droite, on se frotte plutôt les mains, les réactions à gauche ont été à la hauteur de l’annonce. Le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, a demandé d’emblée au gouvernement de se conformer aux récentes déclarations de François Hollande, qui lui semblait-il, avait pris ses distances avec Manuel Valls sur ce débat. « La gauche n'a pas de tabous mais elle a quelques totems. En particulier le fait que quand un président de la République s'exprime, les ministres appliquent », a-t-il déclaré à la presse. Du Chirac [presque] dans le texte.

La gauche très énervée

De son coté, Jean-Luc Mélenchon s’est énervé à la manière « mélenchonne » : « Regardez comme ces gens sont ignobles ! », a attaqué le député européen. « C'est un gouvernement de gauche en principe. Ils parlent de tabou mais ce n'est pas un tabou, Monsieur le banquier, c'est un acquis social ! ».  Très échauffée aussi l’aile gauche du PS dénonce les déclarations du patron de Bercy par la voix d’Emmanuel Maurel, l’un des animateurs du courant « Maintenant la gauche ». « C'est une nouvelle provocation, ou une nouvelle boulette ou un nouveau couac. Et c'est regrettable », s’est-il énervé avant  que le frondeur  Laurent Baumel abonde en ce sens en déclarant : « Il y a mieux à faire que de pointer du doigt la responsabilité individuelle des chômeurs ».

De son coté, la prudente Marisol Touraine a appelé son collègue du gouvernement à ne pas céder à l’empressement. Interrogée par BFMTV, la ministre de la santé  a concédé : « Aucun sujet n'est tabou mais il faut savoir prendre le temps de la réflexion et associer les acteurs qui sont directement concernés ».

Véronique Pierron

Pour en savoir plus :

Interview parue dans  le JDD

Du Chirac : « Je décide, il exécute »

 

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