Affaire Tapie-Crédit lyonnais : la cour d'appel annule l'arbitrage

jeudi 19 février 2015
AP

La cour d'appel a décidé, mardi 17 février, d'annuler l'arbitrage qui avait attribué en 2008, 403 millions d'euros à Bernard Tapie dans l'affaire qui l'opposait au Crédit lyonnais concernant la vente d'Adidas. La cour d'appel a approuvé la demande de révision émise par le ministère public et le Consortium de réalisation (CDR), chargé de solder les comptes du Crédit lyonnais, qui souhaitaient une révision de l'arbitrage, jugeant que celui de 2008 est entaché de fraude. Une révision que le camp Tapie souhaitait éviter.
La décision prise en 2008 a été annulé et la cour estime que l'arbitrage qui concerne l'affaire est national et relève donc de la justice française. Tapie avance de son côté que l'arbitrage est international et que l'affaire ne peut être tranchée que par un tribunal arbitral. Le tribunal de commerce de Paris doit d'ailleurs se prononcer le 3 mars prochain sur la demande émise par Bernard Tapie de nommer un nouveau tribunal arbitral. Mais ce sont les juges, qui lors d'un procès civil qui débutera devant la cour d'appel le 29 septembre, décideront de la conclusion de cette affaire et non une juridiction commerciale. Ce nouveau rebondissement dans cette affaire pourrait avant tout donner lieu à une nouvelle et longue bataille de procédures.

Un nouveau procès


Plus de vingt ans après les faits, un nouveau procès est prévu le 29 septembre au cours duquel la cour d'appel devra se pencher sur l'ensemble de l'affaire. En 1995, Bernard Tapie accusait d'escroquerie le  Consortium de réalisation, chargé de gérer le passif du Crédit lyonnais, puis trois ans plus tard de « montage frauduleux ». En 2005, la cour d'appel rendait une décision favorable à Bernard Tapie, en condamnant la banque à lui verser 135 millions d'euros de dommages et intérêts. Si la cour d'appel suit le même raisonnement qu'en 2005, elle pourrait condamner le CDR à verser davantage de dommages et intérêts à l'ancien politique. Toutefois, selon le journal Le Monde, un rapport de la brigade financière rédigé en juillet 2014 met à mal le bien-fondé des dédommagements réclamés par Bernard Tapie. Des investigations lancées au pénal par les juges d'instruction établissent clairement qui y aurait eu « simulacre d'arbitrage ». Par ailleurs, les policiers chargés de l'enquête estiment que l'ancien patron d'Adidas a fourni « des attestations inexactes, voire mensongères ». Une version que réfute Bernard Tapie lui-même. Ces éléments nouveaux versés au dossier pourraient aboutir à une décision différente de celle prise en 2005 par la cour d'appel. Une décision que voulait éviter Bernard Tapie qui risque de tout perdre. L'homme d'affaires peut toujours se pouvoir en cassation mais devra très certainement rembourser les sommes perçues si la cour l'y contraint.

Arbitrage à 405 millions d'euros


L'affaire remonte à 1992, lorsque Bernard Tapie qui rêvait d'une carrière politique entre au gouvernement. A la demande du Premier ministre Pierre Bérégovoy et de François Mitterrand, l'homme d'affaires doit céder l'essentiel de ses entreprises, notamment l'équipementier sportif allemand Adidas. Il confie le mandat de vente pour deux milliards de francs (soit 472 millions d'euros) à sa banque, le Crédit lyonnais. L'équipementier sportif est en cours de redressement et perd de l'argent. Le Crédit lyonnais vend Adidas à Robert Louis-Dreyfus via un montage financier opaque, lui permettant d'engranger une plus-value de 2,6 milliards de francs (soit 396 millions d'euros). Seulement, berné par la banque, Bernard Tapie engage une longue bataille judiciaire pour obtenir des dommages et intérêts. Pendant dix ans, Tapie a affronté le Consortium de réalisation, organisme public chargé de liquider les vieilles affaires du Crédit lyonnais. En octobre 2007, Christine Lagarde ministre de l'Economie de Nicolas Sarkozy ordonne au CDR de régler le conflit par un arbitrage privé plutôt que de saisir la justice ordinaire. Selon elle, ce recours était justifié afin de mettre fin à une procédure longue et coûteuse. Trois arbitres sont désignés et donnent raison à Bernard Tapie. Il obtient alors en 2008 du tribunal arbitral 403 millions d'euros de dommages et intérêts (243 pour les dommages, 115 pour les intérêts et 45 pour le préjudice moral). Seulement, l'un des trois magistrats de l'arbitrage, Pierre Estoup, est un proche de l'avocat de Bernard Tapie, Maître Lantourne. C'est cette arbitrage rendu en 2008 que la cour d'appel vient d'annuler.


Vanessa Gondouin-Haustein


Pour en savoir plus:

La cour d'appel de Paris accepte la révision de l'arbitrage (Le Monde)

23 années de tempête politico-judiciaire (Libération)

 

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