Ministère délégué aux anciens combattants : Qui est Kader Arif ?

mardi 10 juillet 2012

Ce fils de harki né le 3 juillet 1959 à Alger représente la diversité au sein du gouvernement Ayrault mais sa nomination au ministère des anciens combattants constitue aussi un symbole très fort. Les harkis étaient en effet ces supplétifs de l’armée française qui avaient choisi de se battre avec elle contre les nationalistes algériens pendant la guerre d’Algérie (1954-1962). Or, après la guerre, ils furent abandonnés par la France et massacrés en Algérie. Ainsi, nommer Kader Arif aux anciens combattants est le signe d’une reconnaissance certes tardive mais reconnaissance  tout de même, de ces soldats de l’armée française. D’ailleurs François Hollande alors candidat,  s’était engagé dans un manifeste du 5 avril 2012  « à reconnaître publiquement les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des harkis, le massacre de ceux restés en Algérie et les conditions d’accueil des familles transférées dans des camps en France ».

 

L’ancien rugbyman

Dès la fin de la guerre, la famille de Kader Arif s’exile en France et s’installe dans le Sud Ouest où le jeune garçon âgé de quatre ans, prendra son accent chantant. Il noue alors pour le rugby une vraie passion qui ne le quittera plus. Pendant des années, il sera talonneur au Castres Olympique et exportera son sport au parlement européen où il fonde en 2009, l’intergroupe rugby. Même s’il se définit lui-même comme un « citoyen européen, et un Français républicain », il admet rester surtout « de manière viscérale, un enfant du Sud-Ouest, avec une forte identité toulousaine et tarnaise ».  Le président de la fédération du parti socialiste de Haute-Garonne Sébastien Denard, le décrit comme « un homme brillant qui a su monter tous les échelons grâce au travail, un bosseur capable de s’adapter à toutes les situations ».

Les deux hommes se sont connus à la fin des années 1990 à la faculté de Toulouse le Mirail où le jeune Denard étudiait alors que Kader  Arif, diplômé de l’École supérieure d’audiovisuel, travaillait pour l’université. De 1992 à 1995, on le retrouve chargé d’affaires dans un cabinet d’architecture puis responsable régional de Nouvelle Liberté, voyagiste d’Air Liberté de 1995 à 1998.

 

Jospin,  le mentor politique

Ce fils d’illettrés a toujours refusé d’être comme il le dit « l’Arabe de service » et entré au parti socialiste en 1983, il en grimpe tous les échelons à Toulouse et dirige la fédération de la Haute-Garonne, de 1999 à 2008.  « Je ne suis pas le représentant d’une communauté: c’est d’abord l’appartenance à une classe sociale qui compte, le fait d’être immigré ajoute à la difficulté », déclare-t-il. Quand à sa détermination, il la définit de cette façon : « J’avais la rage au ventre, une envie de donner toute mon énergie, un besoin d’appartenance à la République et de reconnaissance citoyenne ».

Il est repéré par Lionel Jospin en 1987 alors que ce dernier est encore conseiller général de Haute-Garonne et Premier Secrétaire du Parti socialiste. Une rencontre qui marquera toute la carrière de Kader Arif qui lui restera fidèle même dans les pires moments comme au lendemain de la défaite du 21 avril 2002, où il déclare, attristé : « Nous sommes orphelins d’un homme qui nous a appris à faire de la politique et le plus bel hommage qu’on puisse lui rendre c’est de se fondre dans sa filiation ». C’est Kader Arif qui a permis à l’ancien Premier ministre de renouer pour la première fois avec un meeting politique en l’invitant à Toulouse au cours de sa campagne pour les élections européennes de juin 2004.

 

Ascension et visées européennes

Alors qu’au plan régional, il dirige depuis 1999 une des fédérations qui obtient les meilleurs résultats nationaux, au plan national, Kader Arif entre Bureau national du Parti socialiste en 2000, lors du congrès de Grenoble. Il s’investit alors dans les relations internationales en particulier transméditerranéennes. En 2003, il devient Secrétaire national chargé de la mondialisation et assiste à ce titre au Forum social mondial de Porto Allegre.

Poursuivant son investissement international, il est nommé en 2004, tête de liste aux élections européennes pour la « région » Sud-Ouest. Il est d’ailleurs signataire du manifeste du Groupe Spinelli pour une Europe fédérale. Lionel Jospin fidèle, lui accorde tout son soutien et tient à l’occasion de sa candidature son premier vrai meeting politique depuis la campagne présidentielle d’avril 2002, avec un discours de politique générale. Elu au parlement européen le 13 juin 2004, Kader Arif est nommé titulaire de la commission du commerce international de deux assemblées parlementaires mixtes (Euromed et ACP-UE) et de la CPM UE-Turquie et suppléant de la Commission Environnement et Santé Publique et de la sécurité alimentaire.

Proche de Hollande également disciple de Lionel Jospin, Kader Arif fait figure de Hollandais de la première heure tout au long de la longue pérégrination qui a menée François Hollande à la Présidence de la République. Il dit du président : « Hollande incarne le rêve français, qui consiste à dire à chacun, quelle que soit son origine, qu’il appartient à une nation commune ».

 

Polémique autour de l’accord commercial anti contrefaçon

Le 26 janvier 2012,  alors que Kader Arif est rapporteur au Parlement européen sur le traité d’accord commercial anti-contrefaçon (ACTA), il démissionne avec fracas, de sa fonction le jour même de la ratification de ce traité par l’exécutif de l’Union Européenne, dénonçant la mascarade qui a présidé selon lui à sa signature. Dans un communiqué au vitriol, il dénonce : « de la manière la plus vive l’ensemble du processus qui a conduit à la signature de cet accord : non association de la société civile, manque de transparence depuis le début des négociations, reports successifs de la signature du texte sans qu’aucune explication ne soit donnée, mise à l’écart des revendications du Parlement Européen pourtant exprimées dans plusieurs résolutions de notre assemblée ». Kader Arif poursuit avec la même colère : « Chacun le sait, l’accord ACTA pose problème, qu’il s’agisse de son impact sur les libertés civiles, des responsabilités qu’il fait peser sur les fournisseurs d’accès à internet, des conséquences sur la fabrication de médicaments génériques ou du peu de protection qu’il offre à nos indications géographiques ». Il va plus loin en estimant que : « Cet accord peut avoir des conséquences majeures sur la vie de nos concitoyens, et pourtant tout est fait pour que le Parlement européen n’ait pas voix au chapitre. Ainsi aujourd’hui, en remettant ce rapport dont j’avais la charge, je souhaite envoyer un signal fort et alerter l’opinion publique sur cette situation inacceptable. Je ne participerai pas à cette mascarade ».

Véronique Pierron

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