Le retour de la France aux Émirats arabes unis : 1 milliard d’euros de matériel vendu

vendredi 26 juillet 2013
(photo: Astrium)

Jean-Yves Le Drian, en visite à Abou Dabi du 22 juillet au 23 juillet, a annoncé la signature de deux contrats de fourniture de matériel de défense portant sur deux satellites d’observation et 17 radars de défense aérienne. Premiers contrats militaires de cette ampleur depuis 2007, ils illustrent la volonté du ministre de la Défense d’instaurer une relation de confiance entre les deux États.

 

 

La visite de Jean-Yves Le Drian à Abou Dabi du 22 au 23 juillet a été fructueuse. Il revient avec deux commandes des Émirats arabes unis d’un montant d’un milliard d’euros. Les constructeurs Astrium (filiale d’EADS), et Thales Alenia Space (TAS) (filiale de Thales et de Finmeccanica) ont remporté, face à l’américain Lockheed Martin, le marché émirati pour la fourniture et le lancement de deux satellites d’observation – le contrat de plus de 700 millions d’euros comprend également une station de contrôle et la formation d’une vingtaine d’ingénieurs émiratis - et Thales a obtenu un contrat portant sur la vente de 17 radars de défense aérienne de l’ordre d’environ 250 millions d’euros. Mais le chemin vers la reprise des relations commerciales en matière militaire avec les Émiratis a été pavé d’embuches. Et c’est au terme de plusieurs années de tractations, dont les derniers mois ont été riches en rebondissements, que la France a obtenu ces deux contrats.

 

 

Retour sur cinq années de négociations ardues

 

En discussion depuis 2008, le projet « Falcon Eye » d’Astrium et de TAS, ayant évincé ses concurrents au fur et à mesure comme l’explique La Tribune, notamment l’américain Raytheon, semblait en bonne voie fin 2012. C’était sans compter la proposition inopinée de Lockheed Martin. Très attractive, elle portait sur un satellite à résolution supérieure à celle mentionnée par l’appel d’offre (34 cm contre 50 cm) et s’accompagnait d’un accord intergouvernemental sur les conditions d’utilisation. Un rival de taille au vu de l’avance technologique dont  jouissent les Etats-Unis en matière de satellite de surveillance, selon le spécialiste des questions d’armement Alexandre Vautravers, cité par France 24.

 

Le ministre de la Défense a alors intensifié ses contacts avec son homologue, Cheikh Mohamed bin Zayed Al Nahyane, précisant « Je ne viens pas aux Émirats avec un catalogue d’armements mais pour avoir une relation de confiance dans la compréhension de l’un et de l’autre ». Assisté de la Direction générale de l’armement et de l’Ambassade de France, il a contre-attaqué et une nouvelle offre conjointe a été proposée par les deux industriels sur un satellite de type Pléiades techniquement amélioré et s’accompagnant, lui aussi, d’un accord intergouvernemental offrant des conditions d’utilisation plus souples que celles imposées par les Américains.

 

Jean-Yves Le Drian et le PDG de Thales, Jean-Bernard Lévy se sont également rendus sur place le 7 juillet pour trois jours d’âpres négociations, mais il faudra attendre la visite des négociateurs émiratis le 15 et un engagement sur la réduction du délai de livraison pour qu’elles aboutissent à un accord avant sa signature le 22 juillet à Abou Dabi : Deux satellites devraient donc être lancés en 2019 et des militaires français apporteront leur aide quant à l’interprétation des images et un partage d’information recueillies aura lieu.

 

Mais comme un succès n’arrive jamais seul, le lendemain, le 23 juillet, le ministre de la Défense a annoncé la signature d’un second contrat de vente de matériel militaire portant sur des radars de défense aérienne.

 

 

Un contrat peut en cacher un autre…

 

Après les satellites, Thales a remporté un second contrat d’un montant d’environ 250 millions d’euros, celui-là relatif à la fourniture de 17 radars de défense aérienne Ground master 200 (GM 200) conçus à Limours. Là encore les négociations ont été ardues – elles ont débuté en 2009 - et agrémentées de rebondissements et de contre-propositions inattendues. Mais là encore, le constructeur a réussi à distancer ses concurrents, parmi lesquels Saab et EADS.

 

Ce contrat, représentant quelque 250 millions d’euros, porte la commande émiratie à une somme d’environ 1 milliard d’euros. Il s’agit du premier contrat militaire de cette ampleur du quinquennat pour François Hollande – qui s’est rendu aux Émirats arabes unis en janvier - et même « le premier contrat de ce montant depuis 2007 » rappelle le ministère des Affaires étrangères. Il le qualifie de « succès important pour (…) la diplomatie économique » chère à Laurent Fabius, dont il souligne le rôle, notamment lors de son déplacement à Abou Dabi les 25 et 26 mai. Ce succès est également attribué à Jean-Yves Le Drian, qui s’est beaucoup impliqué dans la construction d’une nouvelle relation entre la France et les Émirats arabes unis.

 

 

« Un cadre de confiance et un dialogue respectueux » à rétablir entre les deux États

 

Très investi dans cette négociation, Jean-Yves Le Drian s’est appliqué à construire une relation de confiance avec Cheikh Mohamed bin Zayed Al Nahyane, prince héritier et ministre de la Défense d’Abou Dabi, et ceci dès avant l’élection de 2012. Et après de multiples contacts et visites, il s’est rendu une nouvelle fois à Abou Dabi, ce lundi 22 juillet, afin d’assister à la cérémonie pour la signature du contrat militaire sur les deux satellites et a annoncé, le lendemain, la signature du contrat sur les 17 radars de défense aérienne de Thales.

 

Un succès dans la vente de matériel de défense avec un partenaire de longue date, en particulier en matière de coopération de défense, qui avait freiné ses relations commerciales dans ce domaine. Aucune commande significative n’avait été passée depuis 2007 et, comme le rapporte Michel Cabirol, le ministre de la Défense a déclaré : « Nous devions rétablir un cadre de confiance et un dialogue respectueux entre la France et les Émirats arabes unis ». Le ministre a dit avoir trouvé une relation « cassée ». Selon lui, « il y avait une rupture de confiance, il ne se passait plus rien. » Les Échos révèlent que l’entourage du ministre met en cause « l’activisme forcené de Nicolas Sarkozy » pour la vente des Rafale avant l’élection 2012.

 

Aujourd’hui, la conclusion de ces contrats marque la reprise des relations commerciales militaires et laisse présager de meilleures perspectives pour les dossiers en attente. Jean-Yves Le Drian, compte en effet sur ce nouveau « cadre de confiance » pour que ces deux contrats soient les premiers d’une longue série. Des discussions portant sur la vente de 60 Rafale et de véhicules blindés d’infanterie sont toujours en cours.

 

Anne-Laure Chanteloup

 

Pour en savoir plus :

 

Biographie Jean-Yves Le Drian (AllGov France)

Face aux Etats-Unis, Abu Dhabi opte pour le satellite français (par Sébastien Seibt, France 24)

Ministère des Affaires étrangères (AllGov France)

Biographie Laurent Fabius (AllGov France)

Comment la France a vendu deux satellites d'observation hyper sophistiqués aux Émirats arabes unis (par Michel Cabirol, La Tribune)

Déclarations officielles de politique étrangère du 23 juillet 2013 (ministère des Affaires étrangères)

Armement : Paris ouvre une nouvelle ère de coopération avec Abou Dhabi (par Alain Ruello, Les Échos)

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