Vers un vote du parlement pour l’intervention en Syrie ?

mardi 3 septembre 2013

Votera ? Votera pas ? L’affaire syrienne devient un imbroglio… pour les chefs d’Etat occidentaux. Après le rejet par la Chambre des communes d’une intervention de la Grande Bretagne en Syrie signant ainsi, une mise sur le banc de touche d’un David Cameron convaincu, les Etats Unis choisissent à leur tour, la modération. Barak Obama a annoncé  vouloir consulter le Congrès sur une éventuelle intervention en Syrie. Eventuelle car cette riposte punitive conçue par les occidentaux parait de moins en moins certaine après les grognements menaçant de Moscou et de Pekin. François Hollande qui n’a cessé d’afficher une volonté à tout crin pour cette intervention, se retrouve aujourd’hui isolé par les décisions à la fois de Washington et des autres pays de l’Union Européenne qui à l’instar de l’Allemagne ou de la Grande Bretagne ont jeté l’éponge.

Des grincements de dents commencent à poindre même coté majorité. Depuis samedi, de nombreuses personnalités UMP, UDI, ou du Front de gauche ont réclamé un vote du Parlement sur l’affaire syrienne, comme en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. A son tour, Europe Ecologie les Verts s’est prononcé dans ce sens, via la voix du sénateur Jean Vincent Placé dans un entretien accordé au Parisien : « A l'instar de ce qu'on fait David Cameron et de ce qu'a proposé Barack Obama, il est évident que François Hollande doit permettre ce vote en France». Coté PS, Patrick Mennucci, député des Bouches-du-Rhône, s'est déclaré dimanche, favorable à un vote du Parlement avant toute intervention française en Syrie. Il argumente dans un communiqué : « Le refus des Britanniques d'intervenir, le temps de réflexion supplémentaire que se sont accordé les États-Unis, l'absence de soutien du Conseil de sécurité de l'ONU sont autant d’éléments qui inquiètent les Français et qui contribuent à leur scepticisme au sujet d'une intervention militaire ».

L’Elysée vent debout contre le vote…

La position de l’Elysée reste ferme et écarte tout vote du parlement. Pour ce faire, l’exécutif revendique « l’esprit et la lettre » de la Constitution dans son article 35 qui dispose que le gouvernement « informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention ». « Cette information peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote », précise encore l’article 35. Ce n’est que lorsque la durée d'une intervention armée excède quatre mois, que sa prolongation est alors soumise à l'approbation du Parlement. Le ministre de l’intérieur Manuel Valls a argumenté en surplus : « On ne change pas la Constitution en fonction des événements ».

Malgré tout, pour parer à ce qui est en train de tourner à la crise politique, Jean-Marc Ayrault a décidé de réunir lundi les présidents de l'Assemblée et du Sénat, ceux des commissions des Affaires étrangères et de la Défense des deux chambres, ainsi que les présidents des groupes de la majorité et de l'opposition des deux chambres afin de préparer une session extraordinaire du Parlement. Celui-ci doit en effet, être réuni mercredi pour un débat sans vote sur la situation en Syrie.

Si théoriquement, un tel vote n’est possible qu’après quatre mois d’intervention, le président de la République dispose toutefois d’autres options pour valider ce vote.

… mais la Constitution permet au Parlement de voter

Dans un entretien au JDD, le président de la commission des Lois de l'Assemblée Jean-Jacques Urvoas, a listé ces options. La première option est un grand classique de la Vème République, c’est la déclaration de politique générale. La Constitution, dans les alinéas 1 et 4 de l’article 49, donne la possibilité au « Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, [d'engager] devant l'Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale» et de «demander au Sénat l'approbation d'une déclaration de politique générale». Si cet article est le plus souvent utilisé par le gouvernement pour obtenir un soutien politique sans faille – et presque forcé – de sa majorité, Michel Rocard en 1991, l’a utilisé pour la première fois, pour faire approuver l’entrée en guerre de la France en Irak. Le risque du recours aux articles 49-1 et 49-4 de la Constitution est l’engagement de la responsabilité du gouvernement sous peine de démission.

Article 50-1 et motion de censure

La seconde possibilité existe depuis 2008 et découle de l’article 50-1, issu de la révision Sarkozy, permet au gouvernement de faire débattre d’une résolution par le Parlement et engager un vote qui n’engage pas sa responsabilité. Le gouvernement Ayrault a déjà eu recours à trois reprises de cette procédure : sur l’immigration professionnelle et étudiante, sur le programme de stabilité 2013-2017 où un vote a eu lieu et sur les nouvelles perspectives européennes.

Enfin, si le gouvernement refuse absolument le vote, l’opposition dispose de l’arme de la motion de censure pour l’y contraindre. Le PS avait utilisé cette procédure en avril 2008, pour protester à la fois contre l’intensification de l’engagement de la France en Afghanistan et le retour dans le commandement intégré de l’Otan. François Hollande alors premier secrétaire de parti socialiste, avait déclaré à cette occasion : « Dans toute démocratie digne de ce nom, de tels arbitrages auraient été rendus après un vaste débat dans le pays et un vote solennel au Parlement ». Décidemment, le pouvoir envahit même les hommes… normaux.

Véronique Pierron

Pour en savoir plus :

Barak Obama a annoncé vouloir consulter le Congrès (L'Express)

L’Allemagne et la Grande Bretagne ont jeté l’éponge (La Voix du Nord)

Entretien avec Jean-Vincent Placé (Le Parisien)

Article 35 de la Constitution (Légifrance)

Entretien au JDD :  le président de la commission des Lois de l'Assemblée Jean-Jacques Urvoas (Journal du dimanche)

L’article 49 de la Constitution (Légifrance)

L’article 50-1 de la Constitution (Légifrance)

La motion de censure (Vie publique)

 

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