Refonte et renforcement du renseignement intérieur

mercredi 19 juin 2013

Et il y eut l’affaire Merah… Elle a coûté la tête à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) qui deviendra la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Ainsi, en a décidé Manuel Valls qui a annoncé lundi que cette nouvelle direction sera dotée de moyens techniques et humains accrus. Mais le ministre de l’intérieur s’est défendu d’une quelconque intention de démanteler la structure mise en place en 2008 par Nicolas Sarkozy, il a parlé de « parfaire » le service sans en toucher la structure et en assurant une meilleure coordination entre les services. Il a estimé avec diplomatie que la DCRI a été bâtie sans doute "trop rapidement" et "de manière incomplète" mais veut néanmoins s'inscrire dans la continuité. "Je ne me situe pas dans une rupture par rapport à 2008", a-t-il insisté devant la presse. La réforme de 2008 avait, en effet, donné naissance à trois services, la DCRI, chargée de l'antiterrorisme et du contre-espionnage, la Sous-direction de l'information générale (SDIG), qui faisait une partie du travail des anciens RG (mouvements sociaux, violences urbaines et bandes, sectes et économie souterraine) et la Direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP), compétente à Paris et en banlieue.

La DGSI opérationnelle dès 2014

C’est l'affaire Mohamed Merah qui a révélé un manque de moyens des services et des liaisons insuffisantes entre les différents échelons du renseignement intérieur. Se réclamant d'Al Qaïda, le jeune Toulousain avait tué sept personnes en mars 2012 à Montauban et Toulouse, parmi lesquelles trois enfants juifs, avant d'être abattu par la police au terme d'un long siège de son domicile. Suite à cette affaire, l’inspection générale de la police a relevé dans un rapport publié en octobre, des « défaillances objectives » en particulier de la DCRI, concernant l'évaluation de la dangerosité du jeune homme, et un manque de coordination entre services.

Pour contrer de tels débordements, un plan de recrutement de 430 personnes supplémentaires sera mis en œuvre sur cinq ans comme l’a précisé le ministre de l’intérieur devant les responsables des services de renseignement intérieur. Ces nouveaux effectifs serviront exclusivement à répondre aux besoins opérationnels au sein des 3 200 personnes déjà employées. D’ailleurs, 60 % de ces nouveaux recrutements seront des analystes, des traducteurs, des linguistes, des ingénieurs et des techniciens. « La France doit disposer d'un grand service de renseignement interne et redimensionné et mieux armé pour faire face aux menaces nouvelles », a commenté le ministre de l’intérieur. Et sans se le cacher, cette nouvelle structure vise à être l'équivalent de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), qui a diversifié son recrutement et adapter ses moyens.

Pas de rupture avec 2008

« Je ne me situe pas dans une rupture par rapport à 2008 », a encore insisté le ministre devant la presse. Cette future DGSI sera donc redimensionnée pour faire face à l'évolution des menaces et dépendra du ministre de l'Intérieur, et non plus de la Direction générale de la police nationale.

En revanche, les personnels de la sous direction de l’information générale qui s'estimaient laissés pour compte, resteront au sein des commissariats mais changeront de nom, afin de reconnaître leur mission de renseignement à part entière. Cette filière qui rassemble 1 900 policiers et gendarmes, sera rebaptisée « Renseignement territorial » et bénéficiera d'une doctrine d'emploi et d'un plan de formation. Enfin, une loi visant à encadrer le fonctionnement des services de renseignement, comme le préconise le récent rapport du député socialiste Jean-Jacques Urvoas, devrait être  mise en œuvre en 2015 mais pour le ministre de l'Intérieur, un tel encadrement ne sera possible que si les parlementaires « changent de culture » en appréhendant en particulier la « notion de secret ». D’ailleurs, le député socialiste  avait plaidé pour sa cause en estimant : « Nous sommes en pleine zone grise. Tout le monde admet le caractère indispensable des services, mais on ne veut pas le reconnaître par une loi. Il faut ce contrôle démocratique pour éviter le dévoiement toujours possible des espions par l'exécutif ».

Véronique Pierron

Pour en savoir plus :

L’affaire Merah (L'Express)

Direction centrale du renseignement intérieur (Le Monde)

Direction générale de la sécurité extérieure (Ministère de la Défense)

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