Ministre déléguée aux Français de l'étranger et de la Francophonie : Qui est Yamina Benguigui ?

samedi 26 mai 2012

Née à Lille le 9 avril 1957 et de nationalité franco-algérienne, Yamina Benguigui a été nommée ministre déléguée aux Français de l'étranger et à la Francophonie, auprès de Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, dans le gouvernement Jean-Marc Ayrault le 16 mai 2012.

Une reconnaissance d’abord en tant que réalisatrice

De parents algériens, Yamina Benguigui reçoit des cours d’arabe et de musique chez elle durant son enfance, et vit au sein d’une famille qui ne souhaite pas s’établir définitivement en France. « Notre vie en France n'était qu'un passage, nous n'avions pas de meubles par exemple. Mon père n'avait pas pour projet de vivre ici. Pour lui, la France était le pays ennemi. »

Son père, un intellectuel, militant, nationaliste était un des responsables clandestins du Mouvement national algérien, un mouvement pro indépendance de l’Algérie. Elle part de chez elle vers 18 ans, épouse un jeune étudiant algérien dont elle divorcera rapidement, et ne revoit plus son père.

Benguigui effectue son premier stage de cinéma avec le réalisateur Jean-Daniel Pollet, collabore avec lui pendant quatre années avant de devenir son assistante.

Elle s’épanouit dans le monde du cinéma et fonde une société de production « Raya Films » avec Rachid Bouchareb. Grâce à cette société seront produit, entre 1990 et 1991, des émissions hebdomadaires culturelles et musicales sur France 3 sur les communautés immigrés en France: « Rencontres ».

 

Vers la fin de l’année 1990, Yamina Benguigui siège au conseil d’administration de la Fondation France Libertés, créée par Danielle Mitterrand. France Libertés défend la culture des minorités ethniques, les droits de l’homme et s’engage dans des combats pour soutenir les peuples opprimés, comme le peuple tibétain ou les populations victimes de l’apartheid en Afrique du Sud. Elle réalise pour cette fondation plusieurs courts métrages.

 

Puis elle réalise et produit de nombreux documentaires pour la télévision française comme « Femmes d'Islam » en 1994, un documentaire en trois volets sur la condition féminine musulmane dans le monde et en France qui recevra de nombreux prix nationaux et internationaux comme le Golden Gate Award au Festival International du film de San Francisco. Un an plus tard, elle réalise et produit « La Maison de Kate, un lieu d'espoir » avec comme thème un centre de traitement de la toxicomanie.

 

Son documentaire « Mémoires d’Immigrés », qui rassemble des témoignages sur l’immigration maghrébine, est réalisé en 1998 pour Canal+. Il la propulse sous le feu des projecteurs. Elle obtient la reconnaissance du public et des professionnels du cinéma ainsi qu’un 7 d'or.

Elle réalise ensuite plusieurs petits films et documentaires comme « Pimprenelle», « Le Jardin parfumé.» Avec son premier long métrage de fiction en 2001, « Inch'allah dimanche », Yamina Benguigui remporte de nombreux prix dont celui de la Paix, attribué lors d’un festival du cinéma féminin à Florence.

Chevalier de l'ordre de la Légion d'honneur depuis 2003, de l'ordre des Arts et des Lettres depuis 2002 et officier national du Mérite en 2007, elle est également membre de l'observatoire de la diversité audiovisuelle au Conseil supérieur de l'audiovisuel et, depuis 2006, membre du Haut Conseil à l'intégration.

Début 2006, elle crée une société de production « Elemiah » avec Marc Ladreit de Lacharrière. Grâce à cette société de production sont réalisés des films mettant en scène des personnes de toutes origines.

Avec « le plafond de verre, les défricheurs » elle s'intéresse aux Français issus de l'immigration qui sont surdiplômés mais à qui l'on n'ose pas proposer de postes à hautes responsabilités.

En janvier 2007, elle s’engage auprès de Bibliothèques Sans Frontières, une ONG qui se mobilise afin de permettre l'accès du savoir à tous, notamment dans les pays en développement.

Elle réalise et produit « Aïcha », une fiction télévisée pour France 2, qui devient un véritable succès d’audience de même que le documentaire « 9/3, mémoire d'un territoire » , sur l’histoire du département du 93 historiquement délaissé par l’état, diffusé en septembre 2008 et pour lequel elle recevra un Globe de Cristal. Ses critiques lui reprocheront une vision du 93 qui ne va que dans un sens.

Une entrée en politique en 2008

Ce n’est que lors des élections municipales de 2008 que Yamina Benguigui décide de s’intéresser de près à la politique et notamment à la gauche.

Elle est élue conseillère du 20e arrondissement de Paris en mars 2008, puis peu de temps après, passe adjointe au maire de Paris, Bertrand Delanoë, en charge des droits de l'homme et de la lutte contre les discriminations

Preuve de son influence grandissante en politique, elle intègre en 2011 le club fermé et d’influence « Le Siècle », qui rassemble les élites politiques au delà du clivage gauche-droite.

Au moment de la campagne présidentielle de 2012, elle lance un appel au futur chef de l'Etat François Hollande, via le site du Nouvel Observateur. Signé par des personnalités issues de l’immigration comme Isabelle Adjani, Rachida Brakni et Elsa Zylberstein, cet appel tend à demander une meilleure prise en compte de la parole des femmes issues de l’immigration.

Les signataires évoquent ainsi leurs aïeules : "Nous sommes aujourd'hui les héritières des pionnières de l'immigration devenues grand-mères, de ces oubliées de l'histoire. Elles ont accompli seules le chemin de leur émancipation et elles ont su nous inculquer, à nous leurs filles, les valeurs de la République et de la laïcité, elles ont fait de nous des Françaises à part entière. [...] "Ces mères et ces femmes sont le pivot essentiel de l'équilibre républicain de la société. C'est pour cela que leur parole doit être écoutée et valorisée", pouvait-on lire de ce texte.

Cela a t’il eu un impact sur François Hollande ? En tous cas, son gouvernement respecte parfaitement la parité hommes-femmes. Sur les 34 postes de ministres ou de ministres délégués, 17 ont été confiés à des femmes.

Lors de la primaire socialiste en 2011, Yamina Benguigui avait travaillé pour Martine Aubry et l’avait soutenu. Elle se lie d’amitié également avec des personnalités de droite, comme l’ancienne ministre de la justice Rachida Dati.

Le 16 mai 2012, elle est nommée ministre déléguée de la Francophonie et des Français de l'étranger du gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

Bertrand Delanoë, maire de Paris, s’est félicité publiquement du choix de François Hollande :

"Comme il s'y était engagé, le président de la République a décidé de constituer un gouvernement paritaire, composé de femmes et d'hommes talentueux mêlant expérience et renouvellement [...] C'est une satisfaction très particulière de voir nommer au gouvernement trois élues parisiennes, dont je connais le talent, l'engagement et la détermination, et qui ont tant oeuvré pour les Parisiens au cours des dernières années ," a t-il dit dans un communiqué en faisant référence à Yamina Benguigui mais aussi George Pau-Langevin et Dominique Bertinotti.

Fanny Dassié

Laisser un commentaire