Ministre de la Défense : Qui est Jean-Yves Le Drian ?

lundi 28 mai 2012

Cet agrégé d’histoire, inspecteur général honoraire de l’éducation nationale et ami proche de François Hollande, a exercé différentes fonctions politiques, telles que secrétaire d’État à la mer, président du conseil régional de Bretagne, ou encore député-maire. Carrière au cours de laquelle, souvent qualifié « d’homme d’écoute », « loyal » et « obstiné », il a été élevé au rang de commandeur du Mérite maritime et chevalier des Palmes académiques. Ce spécialiste de la marine, qui considère Jacques Delors comme sa « référence morale et intellectuelle en politique », a décliné l’invitation de Nicolas Sarkozy à entrer dans son gouvernement en tant que ministre de la Défense, avant d’accepter le poste, à 64 ans, au sein du gouvernement Ayrault le 16 mai 2012, après l’élection de François Hollande.

 

Une jeunesse sous le signe de l’engagement

 

Jean-Yves Le Drian est né le 30 juin 1947 à Lorient, dans le Morbihan. Son nom (variante du nom Dréan) proviendrait des racines bretonnes « drech » signifiant « beau, remarquable » et « houuen » signifiant « aimable », mais certains considèrent qu’un autre terme breton pourrait être à son origine : « draen » signifiant « épine ». Ses parents, magasinier et femme au foyer, lui transmettent leur passion pour l’engagement. Ils sont militants au sein des JOC (jeunesses ouvrières chrétiennes) avant d’intégrer des organisations syndicales et familiales, telle que la CSF (confédération syndicale des familles), au sein desquelles Jean, son père, exerce diverses responsabilités. 

 

Il suit donc les traces de ses parents en commençant, dès la classe de seconde (au lycée Saint-Louis à Lorient), par militer pour la JEC (jeunesse étudiante chrétienne). Organisation au sein de laquelle, il évoluera : de premier secrétaire dans le Morbihan, en terminale, il passera secrétaire général national de la branche universitaire en 1968. Durant cette période, il exerce également des responsabilités à l’Unef.

 

Bon élève, il intègre hypokhâgne à Quimper en 1965, pour une année, avant d’entamer ses études d’histoire à l’université de Rennes. C’est dans cette faculté qu’il obtient son agrégation d’histoire contemporaine en 1971, et qu’il débute sa carrière en tant que maître assistant. Quant à son service militaire, selon Jean Guisnel, il l’effectue au sein du 512e régiment du train de Saint-Lô (dans la Manche).

 

De la mairie de Lorient au club « Témoin »

 

Tout d’abord réticent à l’idée de rejoindre le Parti socialiste, il s’est dit « subjugué » par François Mitterrand et touché par l’enthousiasme de la campagne présidentielle qui bat son plein en 1974. C’est pourquoi il se décide à adhérer au parti, à la section de Lorient, dont il devient secrétaire en 1975. Dès 1976, il se prépare à la perspective des législatives de 1978 et se rapproche de Michel Rocard.

 

En 1977, il entre au conseil municipal de Lorient et devient adjoint en charge des affaires économiques au sein de l’équipe du maire socialiste, Jean Lagarde, qui compte lui passer la main à ses 70 printemps. Jean-Yves Le Drian précise que le maire avait cependant posé une condition : « que je me coupe les cheveux ! »  Il y siège jusqu’en 2004 et exerce la fonction de maire après le départ de Jean Lagarde, de 1981 à 1998. Entre 1983 et 2004, il préside également le SIVOM (syndicat intercommunal à vocations multiples) du Pays de Lorient, qui devient le district du Pays de Lorient en 1990, la communauté d’agglomération du Pays de Lorient en 2000, puis Lorient agglomération en 2012. 

 

Son premier mandat de député, il l’obtient à l’âge de 30 ans, dans le Morbihan (5e circonscription) en 1978, à la faveur du retrait de la vie politique du député-maire, Yves Allainmat, qui le soutient en se présentant comme son suppléant. Il déclare, dans une interview en 2003, que cette première élection est son meilleur souvenir politique : « Je viens d'un milieu populaire où devenir député était invraisemblable ». Réélu trois fois, il conserve ce mandat parlementaire jusqu’en 1991. En 1986, il intègre la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, dont il devient vice-président en 1988. Date à laquelle il se voit confier une mission de réflexion et de propositions sur la marine marchande, qui donne lieu à un rapport en 1989.

 

C’est à cette période qu’il rencontre pour la première fois François Hollande, par l’intermédiaire de l’avocat Jean-Pierre Mignard. « Le courant passe » tout de suite. Avec ces derniers, ainsi qu’avec Jacques Delors, Jean-Pierre Gaillard et Jean-Pierre Jouyet, il participe à la création, en 1985, du club « Démocratie 2000 » qui donnera ensuite naissance, en 1992, au club « Témoin », dont la philosophie est de dépasser les divisions internes du parti. Issu du mouvement transcourants autour de Jacques Delors, ce club sert de think tank, compte alors quelques 2000 membres, intellectuels et politiques qui organisent et contribuent à des colloques et des revues, et se réunit chaque année à Lorient. 

En 1989, ce passionné de cyclisme, de football et de cinéma entre au comité directeur du Parti socialiste.

 

L’expérience ministérielle

 

En 1991, sous l’ère Mitterrand, Jean-Yves Le Drian est appelé par Édith Cresson au poste de secrétaire d’État à la mer, auprès du ministre de l’Équipement, du logement, des transports et de l’espace, Paul Quilès. À ce poste, qu’il occupe jusqu’en 1992, il met notamment en place la politique de modernisation de la filière portuaire. Petit-fils de docker et pragmatique, il engage la difficile réforme du statut des dockers. Celle-ci jouera un rôle dans sa défaite aux élections législatives de 1993, face à Michel Godard, le candidat UDF.

 

S’il considère qu’il a mené à bien ses réformes, de cette période, il retient « surtout la façon dont » il a « été vidé » qui constitue une véritable « blessure », mais qui lui a aussi « permis de revenir plus fort ». Puis, c’est le renouveau : à la lumière des résultats victorieux aux municipales de 1995, il comprend que la région peut être gagnée.

 

Retour à l’Assemblée nationale

 

En 1997, l’héritier politique d’Yves Allainmat revient à l’Assemblée nationale et se voit une nouvelle fois élu en 2002 (jusqu’en 2007). Dans ce cadre, Il siège à la commission de la défense où il est rapporteur pour avis du budget de la marine nationale. Il est également membre de différents groupes d’études, tels que « littoral et pêcheries » dont il est vice-président, « politique portuaire » ou « déchets industriels, agricoles et ménagers », de plusieurs groupes d’amitié (« Allemagne », « Maroc » etc.), ainsi que de groupes d’études à vocation internationale (« Palestine » et « Taiwan »). En 2000, il est rapporteur de la commission d’enquête sur la sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants, qui aboutit au rapport Après l’Erika, l’urgence.

 

Il ne présentera pas sa candidature aux élections législatives de 2007 et soutiendra celle de Françoise Olivier-Coupeau, son ancienne responsable du pôle presse puis chargée de mission à son cabinet.

 

L’homme au ciré jaune à la conquête de la Bretagne

 

En 1998, afin d’éviter un cumul des mandats et de se consacrer à celui de conseiller régional de Bretagne et surtout de chef de l’opposition à la conquête de la région, il abandonne ses fonctions de maire de Lorient, tout en restant au conseil municipal. Pour lui, ce départ est « une déchirure, comme couper un cordon ombilical, tant Lorient est dans mes tripes. Je ne serais pas parti si je n'avais pas laissé la ville entre de bonnes mains avec Norbert Métairie ».

 

Paré de son ciré jaune pour la campagne régionale, il relance le bureau régional d’études et d’informations socialiste (BREIS) qui regroupe les socialistes bretons et dont il est porte-parole. Pari réussi, il fait basculer la région à gauche en remportant les élections de 2004 et succède à Josselin de Rohan à la présidence du conseil régional (et doit, cette fois, renoncer à son mandat de conseiller municipal). Selon lui l’instrument de la victoire a été le BREIS, qui a notamment contribué à l’élaboration du programme. Il est de nouveau investi aux élections de 2010, pendant lesquelles il suscite la polémique en refusant la fusion avec Europe Écologie dans le cadre d’un accord national. (Une nouvelle pomme de discorde apparaîtra encore entre ce parti et l’élu breton en 2011, concernant sa plainte déposée contre l’association France nature environnement suite à leur campagne d’affichage sur les algues vertes.)

 

Au sein de l’ARF (association des régions de France), dont il est deuxième vice-président, il assume la charge de la présidence de la commission sur l’Europe ainsi que celle de la vice-présidence de la commission consultative sur l'évaluation des charges.

 

Un Européen convaincu

 

2010 est l’année de son élection à la tête de la conférence des régions périphériques maritimes d’Europe (CRPM) qui promeut les intérêts des régions littorales au niveau européen.

 

Cette même année, il est également reconduit en tant que membre du comité des régions, qui regroupe des élus locaux et régionaux des 27 États membres afin de faire entendre leur voix dans l’Union européenne. Il est l’un des deux vice-présidents de la délégation française. Il y siège depuis 2005, notamment au sein des commissions « ressources naturelles », « politique de cohésion territoriale » et de l’intergroupe sur la crise automobile dont il est à l’initiative.

 

De « shadow minister » à ministre de la Défense

 

N’entendant travailler que pour un gouvernement socialiste, il refuse l’offre de poste de ministre de la Défense faite par Nicolas Sarkozy, dans le cadre de l’ouverture de 2007.

 

Après avoir été le délégué national chargé des questions militaires auprès du premier secrétaire du PS, il devient, durant la campagne présidentielle, le « shadow minister of defence » de François Hollande. Comme il l’avait déjà fait pour Ségolène Royal en 2007, il met en place et anime un groupe d’études, regroupant différents experts civils et militaires, afin de préciser les positions du candidat socialiste dans le domaine de la défense. Il est également chargé de prendre contact avec les administrations étrangères pendant la campagne, notamment à Washington, en vue du sommet de l’OTAN.

 

À l’hôtel de Brienne, l’attendent d’épineux dossiers, tels que la promesse de retrait d’Afghanistan en 2012, la question des réductions de budget et le nouveau Livre blanc ou encore le dossier de l’industrie de la défense.

Anne-Laure Chanteloup

 

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