La prescription des agressions sexuelles divise les députés

vendredi 28 novembre 2014
AP

Les députés se sont divisés jeudi sur l'opportunité d'une proposition de loi UDI allongeant le délai de prescription des agressions sexuelles contre les mineurs, contestée par la gauche qui privilégie une refonte du droit de la prescription devenu incohérent au fil des ans. Défendant le projet de loi, la rapporteur, Sonia Lagarde (UDI), a rappelé que le nombre de plaintes pour agressions sexuelles soit 23 000 en 2011 était « largement inférieur au nombre d'agressions déclarées dans les enquêtes de victimisation ». Elle l’explique par le fait que « près de la moitié des faits sont commis dans le cadre familial que la victime hésite à bouleverser en portant plainte », à cela s’ajoute aussi comme le souligne Sonia Lagarde que « nombre de victimes sont atteintes par un phénomène d'amnésie traumatique ».

Une prescription déjà plus longue que pour d’autres crimes

Toutefois, la loi tient déjà compte de cette situation particulière avec des délais de prescription des agressions sexuelles sur mineurs plus longs que pour la plupart des autres crimes fixé à 10 ans alors que pour les autres délits, le délai de prescription est de trois ans. Cette prescription démarre le jour de la majorité de la victime. Pourtant Sonia Lagarde met dans la balance qu’il « n’est pas rare que la prise de conscience d’infractions sexuelles vécues pendant l’enfance intervienne après l’âge de 40 ans ». Ce à quoi le radical de gauche Alain Tourret répond que « Plus on allonge le délai de prescription, plus on s'approche de l'imprescriptibilité, réservée aux crimes contre l'humanité, et là c'est très dangereux car on banalise les crimes contre l'humanité ».  De plus la socialiste Colette Capdevieille estime que l’allongement des délais de prescription ne joue pas toujours en faveur de la vctime car selon elle « C'est faire courir le risque de l'échec, faute de preuve. Et rien n'est pire pour une victime qu'elle soit niée dans sa qualité ».

Un millefeuille de lois

La ministre de la justice Christine Taubira a quant à elle déclaré craindre une censure du Conseil Constitutionnel à propos de la hiérarchie des délais ce qui ferait tomber les procédures en cours au détriment des victimes alors que « l'action publique doit être solide et efficace ». De plus, les règles de prescription ont été soumises à de nombreuses modifications législatives qui les ont rendues peu lisibles comme le souligne Alain Tourret : « Les lois s'additionnent aux lois, les décisions s'additionnent aux décisions. Soit on abandonne la prescription, soit on fait une loi claire car sans sécurité juridique, il n'y a pas de justice ». D’ailleurs, le député radical de gauche devrait se voir confier rapidement par la commission des lois de L’assemblée Nationale, une mission d’information sur la réforme des règles de la prescription en collaboration avec l’UMP Georges Fenech. Ce n’est pas une première pour ces deux députés puisqu’ils avaient déjà mené une mission d’information sur la révision des condamnations pénales qui a donné lieu à une proposition de loi adoptée l’an dernier.

Véronique Pierron

Pour en savoir plus :

Plaintes pour agressions sexuelles (Violences-sexuelles-Info.fr)

Mission d’information sur la révision des condamnations pénales (Assemblée nationale)

 

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