Justice : 67 propositions pour moderniser l’action du ministère public

vendredi 29 novembre 2013

Après avoir réaffirmé une volonté de voir garantir l’indépendance du ministère public à l’égard de l’exécutif, la commission Nadal souhaite d’emblée voir « inscrire dans la Constitution le principe d'unité du corps judiciaire et soumettre la nomination des magistrats du parquet à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature qui serait également chargé de proposer, à la place de la garde des Sceaux, la nomination des procureurs, procureurs généraux, des membres du parquet général et de la Cour de cassation ».  D’ailleurs, l’une des propositions de la commission est très significative de cette volonté d’indépendance : en matière fiscale, elle réclame, en effet,  la fin du « verrou de Bercy » qui laisse au ministère du Budget la décision de saisir ou non la justice.

Après avoir été missionné le 2 juillet dernier par la garde des Sceaux pour mener une réflexion sur le ministère public en raison de « fortes tensions » entre « le périmètre de ses missions » et « sa capacité à y répondre », Jean Louis Nadal – le magistrat à l’origine de l'ouverture d'une enquête à l'encontre de Christine Lagarde en marge de la contestation de l'arbitrage rendu en 2008 dans l’affaire Tapie-Crédit Lyonnais -  a rendu hier sa copie qui formule 67 propositions. A cette fin, 45 personnalités du monde judiciaire ont planché pendant 5 mois, sur quatre grands chantiers : « l'élaboration et la mise en œuvre de la politique pénale, la direction de la police judiciaire, les compétences du ministère public et l'organisation des parquets. Ils ont, pour ce faire, procéder aux auditions  d'une trentaine de haut magistrats, avocats, policiers et deux ex-gardes des Sceaux, Pierre Méhaignerie et Henri Nallet.

La création d’un parquet départemental

Pour garantir l’indépendance  du ministère public à l’égard de l’exécutif, la commission souhaite dans un premier temps, « rapprocher le statut des magistrats du parquet de celui des magistrats du sièges (les juges) » et pour clarifier l’organisation judiciaire territoriale, elle demande « la création d'un parquet départemental auprès d'un tribunal de grande instance départemental, les implantations judiciaires existantes devenant les antennes de cette juridiction unique ». D’ailleurs, l’une des propositions du rapport Nadal est de recentrer l’activité du parquet sur ses missions essentielles c'est-à-dire l’exercice de l’action publique dans les affaires individuelles en mettant notamment un terme au principe d’une « réponse pénale systématique » et de redonner au ministère public l’autorité de « l’opportunité des poursuites ». Et pour clarifier l’activité pénale, la commission propose de transformer certains délits routiers qui représentent 30 à 40% de l’activité pénale, e simple contravention avec des amendes forfaitaires. Dans le même esprit, le rapport suggère de créer  des « assistants du ministère public » recrutés parmi les greffiers pour prendre en charge une partie de leurs attributions et ce, pour donner au parquet les moyens de leur action.

Le discours de politique pénale du garde des sceaux

La commission pointe aussi du doigt un manque de lisibilité de la politique pénale définie par la Chancellerie et propose dans cet objectif, de créer auprès du garde des Sceaux « un conseil national de politique pénale » dont la vocation sera consultative et intègrera  des magistrats, des avocats et des représentants de la police et de la gendarmerie. Ainsi, la garde des Sceaux rendrait compte régulièrement de son action devant cette assemblée lors d’un « discours sur la politique pénale ».

Plus polémique, la commission Nadal entend renforcer l'autorité du parquet sur la police judiciaire et demande pour cela que le ministère public soit « consulté sur les projets de nomination des principaux responsables de la police et de la gendarmerie et que "la garde des Sceaux soit associée aux arbitrages budgétaires » concernant « les moyens dévolus aux forces de sécurité ». Si le Syndicat de la magistrature critique « un rapport en demi-teinte »,  l’Union syndicale des magistrats a au contraire salué les propositions visant et renforcer l’indépendance du ministère public tout en s’opposant à la départementalisation.

Véronique Pierron

Pour en savoir plus :

Missionné le 2 juillet dernier par la garde des Sceaux (Communiqué de presse officiel)

Jean Louis Nadal (Nouvel Observateur)

L’arbitrage rendu en 2008 dans l’affaire Tapie-Crédit Lyonnais (Le Monde)

 

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