En rétablissant le délit de racolage, le Sénat pénalise les prostituées

mercredi 1 avril 2015
AP

Par 165 voix pour et 44 contre : les Sénateurs ont, dans la nuit de lundi à mardi, adopté un texte qui supprime la pénalisation des clients des prostituées et rétabli le délit de racolage. La commission spéciale du Sénat était chargée d'examiner une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la prostitution. Au terme de cinq heures de débats et à la surprise générale, le Sénat a décidé de supprimer la pénalisation des clients et de rétablir le délit de racolage. Un vote qui passe mal auprès des associations de terrain qui viennent en aide aux prostituées et qui a, immédiatement, fait réagir la majorité au pouvoir. « Je trouve invraisemblable et régressif » d'avoir « renoncé à la pénalisation des clients », a condamné la ministre de la Santé et des Droits de femmes, Marisol Touraine. En rétablissant le délit de racolage, on fait « des prostituées non pas des victimes, mais des coupables », a dénoncé la ministre. « Le Sénat vient ainsi de voter, poussé par une logique sociale obtuse, un texte régressif. Loin d'apporter la moindre réponse aux problèmes de la prostitution, il les renforce », s'est insurgé le Parti socialiste.

Clivage gauche-droite

Le 4 décembre 2013, l'Assemblée nationale avait adopté en première lecture une proposition de loi présentée par le groupe socialiste qui supprimait le délit de racolage et sanctionnait les clients de prostituées d'une amende de 1.500 euros. Le Sénat – majoritairement à droite depuis septembre 2014 – a tout simplement rétabli le délit de racolage, mis en place par Nicolas Sarkozy, en 2003 alors qu'il était ministre de l'Intérieur. « Ce vote traduit un clivage purement politique entre la droite et la gauche », explique la sénatrice UMP, Chantal Jouanno. « La pénalisation des clients comportait plus de risques que de bénéfices. Il était dès lors logique de rétablir le délit de racolage », a estimé le Président de la commission spéciale Jean-Pierre Vial (UMP). Et d'ajouter que « les forces de l'ordre doivent avoir les moyens de remonter les réseaux ». Une opinion partagée par Joëlle Garriaud-Maylam (UMP) qui pour sa part a expliqué que « le délit de racolage offre une ressource aux services de police. Pour aider ces femmes, il faut d'abord les identifier ».

Navette entre les deux chambres

Le texte sera examiné en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, en juin ou en juillet. Le texte sera ensuite examiné par le Sénat en deuxième lecture. En cas de désaccord entre les deux chambres, l'Assemblée, qui a constitutionnellement le dernier mot, devrait procéder à la lecture définitive du texte.

« La navette continue. Notre détermination et notre confiance restent intactes, notre but reste le même : permettre aux quelque 90% de personnes prostituées victimes de la traite, dans leur immense majorité des femmes, de sortir enfin de ce véritable esclavage moderne », ont souligné les députés socialistes Catherine Coutelle et Maud Olivier. De son côté, la secrétaire d'Etat chargée des droits de le femme, Pascale Boistard, a estimé que « c'est le client qui crée la prostitution ». Selon le rapport de la commission spéciale de l'Assemblée chargée d'examiner cette proposition de loi, quelque 30.000 personnes se prostituent chaque année en France, dont 85% de femmes et 90% de femmes étrangères venues de Roumanie, de Bulgarie, du Nigéria et de Chine.

Vanessa Gondouin-Haustein

Pour en savoir plus :

Pourquoi les sénateurs ont choisi de rétablir le délit de racolage ? (20 Minutes)

Pourquoi le Sénat a décidé de pénaliser les prostituées (L'Obs)

 

 

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