Christiane Taubira, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux

lundi 21 mai 2012

C’est l’une des surprises du premier gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Depuis le 16 mai 2012, Christiane Taubira est la nouvelle garde des Sceaux, ministre de la Justice. Elle succède ainsi au centriste Michel Mercier. Portrait d’une femme, électron libre de la gauche et pasionaria de l’Outre-mer, qui promet une justice indépendante.

 

Numéro trois dans l’ordre protocolaire, elle est l’une des figures clés du gouvernement Ayrault I. Pourtant, de par son parcours politique atypique, il était difficile d’imaginer qu’elle deviendrait la 28ème garde des Sceaux de la Vème République. Les noms d’André Vallini, de Michel Sapin et de Bertrand Delanöe avaient été le plus souvent avancés. Mais c’est finalement Christiane Taubira qui a pris la tête de la Chancellerie. Avec ce ministère régalien, elle entre pour la première fois dans un gouvernement.

 

Malgré son manque d’expérience dans ce domaine – elle est docteur ès sciences économiques et en agro-alimentaire, licenciée en sociologie et certifiée d'études supérieures d'ethnologie afro-américaine –, les syndicats ont réagi plutôt positivement à l’annonce de sa nomination. Et ont salué son caractère et son indépendance.

 

Pour Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats, « les magistrats ne connaissent pas Mme Taubira, mais historiquement, le fait d'être un juriste, un avocat ou un magistrat, n'a pas forcément eu de corrélation avec la qualité de la fonction de ministre. » « Ses interventions à l'Assemblée nationale lors du débat sur la loi pénitentiaire de 2009 étaient empreintes d'humanisme. Elle avait le souci de l'homme, voulait éviter la surpopulation carcérale, faire respecter les droits des détenus », a déclaré Matthieu Bonduelle, président du Syndicat de la magistrature.

 

La nomination de Christiane Taubira permet à François Hollande de tenir plusieurs promesses de campagne : la parité tout d’abord, la diversité ensuite et enfin l’ouverture car elle est issue du Parti radical de gauche. D’ailleurs, être ministre d’ouverture, elle aurait pu l’être sous Nicolas Sarkozy. Elle dit avoir été approchée par l’ancien président de la République en 2007, mais elle a décliné l’offre. Elle collaborera toutefois avec lui un an plus tard : il lui a commandé un rapport sur les accords de partenariat entre l’Union européenne et les pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique. Mais les solutions et les conclusions proposées par Christiane Taubira semblent alors embarrasser l’Élysée. Et le rapport ne connaîtra pas de suite.

 

Née le 2 février 1952 à Cayenne, dans une famille modeste, celle qui est décrite comme un électron libre de la gauche a commencé sa carrière politique comme militante indépendantiste. En 1993, Christiane Taubira crée le parti Walwari (« éventail » en amérindien). La même année, elle est élue députée de Guyane, et sera réélue à chaque élection législative. Mais pour 2012, elle a renoncé à briguer un nouveau mandat parlementaire dans la première circonscription de Guyane. Jean-Marc Ayrault a en effet annoncé que les ministres battus lors des élections législatives devront quitter son gouvernement. La pasionaria de l’Outre-mer a également été députée européenne de 1994 à 1999. Sur le plan local, elle a aussi tenté de prendre à deux reprises (1995 et 2001) la mairie de Cayenne, mais sans succès.

 

Réputée pour être une femme au caractère trempé – autoritaire disent certains, passionné plaident les autres –, et grande oratrice, elle est une femme de convictions et de combats. Elle s’est ainsi engagée dans la lutte contre les mines anti-personnel et les bombes à sous-munitions ou encore pour les droits des femmes. Mais c’est avec une loi (qui porte son nom) que Christiane Taubira s’est fait connaître sur la scène nationale. En 2001, elle a réussi à faire reconnaître la traite négrière et l’esclavage comme crimes contre l’humanité.

 

Forte de cette notoriété, elle se lance, en 2002, dans la course à la présidentielle. Elle est la première femme issue de l’Outre-mer à briguer l’investiture suprême. En obtenant 2,32% des votes au premier tour, certains au PS l’ont accusée d’être en partie à l’origine de la dispersion des voix de gauche, et donc de la défaite de Lionel Jospin.

 

Électron libre, Christiane Taubira choisit à qui elle apporte son soutien. En 2007, elle est aux côtés de Ségolène Royal. Quatre ans plus tard, pour les primaires socialistes, elle rallie Arnaud Montebourg avec qui elle a « des convergences depuis dix ans » comme elle le souligne. Outre leur désir commun d’une VIème République, ils ont tous les deux défendu le « non » lors du référendum sur le Traité constitutionnel européen en 2005. Elle a ensuite fait partie de l’équipe de campagne de François Hollande pour la présidentielle de 2012.

 

Lors de la passation de pouvoirs avec Michel Mercier, Christiane Taubira a exprimé le souhait que « les citoyens retrouvent confiance en l'institution judiciaire ». Et de prôner une justice « indépendante, plus accessible et plus efficace ».

 

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