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Nom: Alain Juppé
Position actuelle: Ministère

L’un des derniers représentants du courant gaulliste dans la droite française, Alain Juppé a à son actif une grande carrière politique (régionale et nationale) marquée par son ancrage à la Mairie de Bordeaux. Homme de confiance de Jacques Chirac, grand rival de Philipe Séguin, de Charles Pasqua, aimé, détesté puis adoré par les français, celui qui occupe le Quai d’Orsay depuis le 27 février 2011, n’est jamais passé inaperçu. 

 

Une ascension politique fulgurante

Né le 15 aout 1945 à Mont-de-Marsan, Alain Juppé est le fils du gaulliste Robert Juppé, propriétaire agricole, et de Marie Darroze, issue d’une famille landaise. Il fait des études secondaires brillantes au lycée Victor-Duruy à Mont-de-Marsan, où il s'illustre en grec et en  latin, et obtient son baccalauréat en 1962, à l’âge de 17 ans. Il entre ensuite en classe préparatoire Hypokhâgne et Khâgne au lycée Louis-le-Grand à Paris, avant d’intégrer en 1964, l’École Normale Supérieure.

 

Après Sciences-Po, une agrégation de lettres classiques et son service militaire, il intègre l'ENA en 1970 à l’âge de 25 ans, pour en ressortir, deux ans plus tard, à la cinquième place de sa promotion.

 

Bardé de diplômes, Alain Juppé débute sa carrière en 1972 en tant qu’inspecteur des Finances. Au printemps 1976, il est recommandé par son ancien patron de l'inspection générale des finances, Jacques Friedmann, au directeur du cabinet de Jacques Chicac, alors premier ministre. Chargé de mission, Alain Juppé est la plume du premier ministre pendant trois mois, jusqu'à ce que ce dernier claque la porte de Matignon, en août 1976. M. Juppé devient alors conseiller technique au ministère de la Coopération jusqu’en 1978. Mais les deux hommes ne se quitteront plus.

 

Il se lance alors dans la politique régionale en Aquitaine en se présentant pour la première fois aux élections législatives de Mont-de-Marsan, en tant que candidat du RPR. Sans succès. La même année, alors qu'il a 33 ans, il suit Jacques Chirac à la Mairie de Paris, où il est nommé adjoint à la direction des finances et des affaires économiques de la capitale, puis directeur entre 1980 et 1981. Il devient alors l’un de ses plus proches conseillers. Il est d’ailleurs nommé directeur Adjoint de la campagne de Chirac pour l'élection présidentielle de 1981, et en mars 1983, adjoint au maire de Paris, chargé des Finances, poste qu’il occupera jusqu’en 1995.

 

Il continue en parallèle son ascension politique…à tous les niveaux. En 1979, il est élu au conseil national du RPR, dont il sera le responsable dans la fédération des Landes jusqu'en 1984, avant d'intégrer les instances nationales. En 1984, il est aussi élu député européen en figurant sur la liste d’alliance RPR-UDF conduite par Simone Veil.

Il franchit un pas supplémentaire en 1986 lorsque, à peine élu député de Paris, il est aussitôt nommé ministre délégué chargé du budget auprès d'Edouard Balladur lors de la première cohabitation sous François Mitterrand. Il le restera jusqu’en mai 1988.

Il est parallèlement porte-parole du gouvernement Chirac, avant de devenir celui du candidat Chirac à l'élection présidentielle de 1988. Son mentor échoue à nouveau face à François Mitterrand mais il décide de propulser Alain Juppé au sommet de l’appareil du RPR. Il devient alors secrétaire général du RPR et rejoint les bancs de l'Assemblée nationale.

 

Un pied aux avant-postes de la Mairie de Paris, un autre à la direction du RPR : l'ancien normalien est au coeur du système chiraquien. Devenu intouchable, il s'habitue à n'avoir de comptes à rendre qu'à M. Chirac. Cette habitude n’adoucit en rien son célèbre tempérament hautin et cassant. Alain Juppé est en effet connu pour sa rigueur et ses jugements sévères tout en traitant avec un égal mépris toutes les critiques qui lui sont adressées. Son visage froid et sec, surmonté d’une calvitie précoce ne fait qu’accentuer cette image.

 

Mais M. Juppé est également renommé pour sa fidélité envers celui qui lui permet de gravir les marches du pouvoir, Jacques Chirac. Au fil des années, il devient son seul homme de confiance, indispensable, irremplaçable. En 1989, il ne participe pas à la fronde des rénovateurs que mènent d'autres quadras au sein du RPR, et l'année suivante, il contribue à repousser l'offensive lancée par Philippe Séguin et Charles Pasqua pour renverser la direction du parti. M. Chirac lui en restera gré. En septembre 1993, lors des universités d'été des jeunes RPR, réunis à Strasbourg, il parle de M. Juppé comme « probablement le meilleur d'entre nous ». L'adverbe disparaîtra néanmoins des mémoires. Entre les deux hommes, c’est une fusion, un quasi-clonage.

 

Alain Juppé réussit aussi à s’implanter dans le 18e arrondissement de Paris, pourtant connu comme le fief de figures socialistes comme Lionel Jospin et Bertrand Delanoë. Il remporte les élections municipales de 1988, puis celles de 1993 dès le premier tour, rassemblant des électeurs de toutes orientations politiques. Il était également arrivé en tête de liste en 1983, devançant Lionel Jospin, mais avait laissé sa place à Roger Chinaud (UDF) préférant le poste d'adjoint au maire que Chirac lui avait confié.

 

En 1989, il mène par ailleurs conjointement avec Valery Giscard d'Estaing la liste RPR-UDF aux élections européennes et arrive une nouvelle fois en tête. Mais il ne restera député que quelques mois, préférant se consacrer à son mandat de parlementaire français.

Cependant, Alain Juppé n’hésite pas à montrer son engagement européen en prenant position en faveur du oui pour le traité de Maastricht en 1992. Il s'oppose ainsi au courant politique du gaullisme social incarné par ses rivaux de toujours, Charles Pasqua et Philippe Séguin qui estimaient que le traité européen représentait une menace pour l'indépendance de la France. Désormais considéré comme un homme d'influence, il réussit même à entraîner le RPR, son président compris (M. Chirac) à se prononcer pour le « oui » à Maastricht.

 

Quelques mois plus tard, il revient à la politique nationale. Dès la deuxième cohabitation, il est nommé ministre des affaires étrangères dans le gouvernement d'Édouard Balladur. Il occupera ce poste de mars 1993 à mai 1995. Il cumule alors cette fonction avec le secrétariat général du RPR et son poste à la mairie de Paris. Mais cela ne l’empêche pas de faire son travail avec brio. De l'avis d'un grand nombre, le passage d'Alain Juppé au Quai d'Orsay est jugé comme positif, est vu comme une période assez faste dans l'histoire de la diplomatie française récente.

 

Dès les premiers jours, il rétablit les circuits d'information et de concertation dans le ministère, commande une étude pour mettre à jour les dysfonctionnements et le malaise, il convoque tous les ambassadeurs. « En quelques semaines, cette administration qui, sous son prédécesseur, avait souffert du sentiment d'être ignorée, voire discréditée, se sentit, toutes tendances politiques confondues, réhabilitée, » peut-on lire dans un article du Monde paru en 1995.

 

Durant son mandat, il gère plusieurs dossiers difficiles comme la tragédie rwandaise et la délicate opération Turquoise. Il s'engage également dans le processus d'Oslo pour la paix israélo-palestinienne, en présidant notamment les conférences qui aboutissent aux signatures à Paris de deux accords sur les futures relations économiques entre Israël et l'OLP, les 9 mars et 29 avril 1994.

 

Il prend à cœur le conflit en Bosnie, il conçoit plusieurs plans de règlement du conflit  et tente à plusieurs reprises de mettre la pression sur la communauté internationale. Il parvient même en février 1994, à entraîner l'Elysée, les Américains et l'OTAN « dans la seule véritable action de force qui fut jamais tentée en Bosnie, avec l'ultimatum imposé aux Serbes à Sarajevo. Cet épisode a calmé le jeu, desserré l'étau meurtrier qui enserrait la capitale bosniaque, mais il n'a pu être réitéré quand il aurait dû l'être et n'a pas réglé le conflit. »

 

Il apparaît très rapidement comme un brillant ministre qui a conquis en deux ans une marge d'initiative qu'aucun ministre des affaires étrangères de la V République avant lui. Il réussit à convaincre François Mitterrand de lui donner le droit à la parole. C’est Alain Juppé qui, pendant ces deux années, explique la politique extérieure aux Français.

Il est considéré comme un homme modeste face à ce qu'il ne connaît pas, ayant une volonté de savoir, et d'agir, une grande rapidité intellectuelle, ainsi qu’une méthode. François Mitterrand apprécie son esprit clair et écoute ce qu’il a à dire.

 

Son passage au Quai d’Orsay permet à Alain Juppé de changer son image. « Il y venait avec une réputation de sécheresse, de froideur dans les contacts, avec une image de normalien-énarque qui lui collait à la peau. Il reste cet homme pudique et réservé sur lui-même, mais tous ses interlocuteurs ont pu mesurer en deux ans la réelle capacité d'écoute, la sincère curiosité qui se cachent derrière cette retenue, qu'il se soit agi de froids stratèges internationaux ou de ceux qui venaient lui parler des gens, comme cette grande petite bonne femme Rigoberta Manchu venue raconter au tout nouveau ministre le sort des Indiens guatémaltèques et qui le passionna. » Alain Juppé quitte le MAE avec une nouvelle stature politique.

 

« J’ai aimé cette maison », déclare-t-il avant de partir.

 

Juppé, le mal aimé

En mai 1995, Alain Juppé emménage à Matignon. A la suite de la victoire de Jacques Chirac à l’élection présidentielle, ce dernier le nomme sans surprise Premier ministre. Il dirigera deux gouvernements du 17 mai 1995 au 2 juin 1997.

 

Comme à son habitude, il cumule plusieurs fonctions. Le 18 juin 1995, il est élu  maire de Bordeaux, succédant à Jacques Chaban-Delmas. Il sera d’ailleurs reconduit en 2001, 2006 puis 2008.  Il conserve également la présidence du RPP, qu’il assumait par intérim depuis le 4 novembre 1994, date à laquelle M. Chirac avait déclaré sa candidature. Il restera à la direction du parti néo-gaulliste jusqu'à la défaite de la droite aux élections législatives de 1997.

 

L'homme qui entre à Matignon quelques semaines avant son cinquantième anniversaire, avec environ 60 % d'opinions favorables est donc pétri de certitudes. Mais ses deux mandats en tant que Premier ministre sont loin de connaître le succès qu’il a eu aux affaires étrangères.

 

Sa côte de popularité en prend un coup dès le premier mois de sa prise de fonction. En juin 1995, le Canard Enchaîné publie un document interne de la ville de Paris, signé de la main d'Alain Juppé, donnant ordre à ses services de diminuer le loyer de son fils Laurent, logé dans un appartement appartenant à la Ville de Paris, rue Jacob. Il est locataire, à un prix défiant toute concurrence, d'un appartement de 189 m² dans la même rue, où sont réalisés des travaux pour plusieurs millions de francs au frais des contribuables. Une plainte est déposée par une association de contribuables parisiens, puis l'affaire est classée par Bruno Cotte, procureur de Paris. M. Juppé tarde à répondre, puis crie à l'injustice. Le 6 juillet, il déclare au journal de 20 heures de TF1, qu'il ne se laissera « pas impressionner par toutes les campagnes qui vont continuer ». « Je reste droit dans mes bottes et je ferai mon travail », ajoute le premier ministre. L'expression fait florès. Mais près de quatre mois après le déclenchement de l'affaire, il annonce son prochain déménagement.

 

Mais ce que l’on retiendra de son passage à Matignon est l’échec incontestable du "Plan Juppé," un vaste projet de réforme de la  Sécurité Sociale et les retraites, qui provoqua en décembre 1995 le plus important mouvement social depuis 1968. Le plan prévoyait notamment un allongement de la durée de cotisation de 37,5 à 40 annuités pour les salariés de la fonction publique, afin de l'aligner sur celle du secteur privé déjà réformé en 1993, ainsi que le blocage et l'imposition des allocations familiales versées aux familles, combiné avec l'augmentation des cotisations maladie pour les retraités et les chômeurs.

Lorsque le Premier ministre présente son plan de réforme à l’Assemblée nationale, il se heurte à l’hostilité d’une grande partie de l’opinion publique. Mais trop éloigné de la réalité pour prendre la mesure du malaise social et trop sûr de lui, M. Juppé persiste. La réforme déclenche un vaste mouvement social. Le pays est littéralement paralysé. Les manifestations s'intensifient jusqu'à ce qu'Alain Juppé annonce ne plus toucher à l'âge de départ en retraite des régimes spéciaux (SNCF et RATP). Mais cela ne suffit pas. Le lendemain de l’annonce marque le point culminant du mouvement, avec deux millions de manifestants. Trois jours plus tard, Alain Juppé est contraint de retirer sa réforme sur les retraites, la fonction publique et les régimes spéciaux. Mais le gouvernement ne cèdera pas sur la Sécurité sociale, dont le budget sera dorénavant voté au Parlement. Le mouvement alors décroît jusqu'à la tenue d'un « sommet social » à Matignon le 21 décembre, concluant un mois d'agitation sociale en France.

 

Cependant, l’image qu’aura livrée M. Juppé à l'opinion n'est guère seyante. Beaucoup considèrent qu’il a tourné le dos aux engagements de campagne du président. Au lieu de lutter contre la « fracture sociale », priorité fut donnée à la réduction des déficits. Mais pis, lorsque les manifestations commencent, il préfère les ignorer et accumule les maladresses. Il annonce par exemple qu'il donnera sa démission quand « deux millions de manifestants » seront dans la rue (ce qu’il s’est d’ailleurs refuser à faire). Plus tard, il s'en prend publiquement à la « mauvaise graisse » de la fonction publique.

 

Maladroit dans la forme, contesté sur le fond, il est aussi critiqué sur sa méthode. Les ministres - ceux qui n’ont pas été évincé du gouvernement - se plaignent  ouvertement de l'autoritarisme de leur chef. La majorité commence à donner des signes de flottement.

Un an plus tard, la situation ne s’est toujours pas arrangée. 69% des français ne font plus confiance au chef de gouvernement.  Le nombre de réformes qu’il tente de mettre en place fait peur, il ne paraît pas sympathique, il n’est pas poche du peuple. Pourtant, même si un grand nombre de ses collaborateurs aussi le critiquent sur ses méthodes, ils semblent toutefois convaincus qu’il fait son travail avec intelligence et qu’il pourrait redresser la situation si le temps lui est donné.

 

Mais après la dissolution de l'Assemblée nationale par le président Jacques Chirac, la droite essuie une large défaite aux législatives de 1997. Le gouvernement Juppé est contraint de démissionner. Le 2 juin 1997, il laisse sa place à Lionel Jospin.

Il se consacre néanmoins à la ville de Bordeaux où il s'emploie à la moderniser, notamment par le développement d’un tramway, et à mettre en valeur son patrimoine, dont plusieurs monuments seront reconnus comme patrimoine de l'humanité par l'UNESCO.

 

Le 16 juin 2002, il est élu député dans la deuxième circonscription de la Gironde. La même année, il contribue à la fondation de l'UMP et en deviendra le premier président.

 

La descente aux enfers

Mais début 2004, Alain Juppé est contraint de renoncer à sa carrière politique. Il doit quitter ses fonctions de maire, de député ainsi que la direction de l’UMP. C’est la descente aux affaires : M. Juppé est accusé d'avoir permis l'embauche à la mairie de Paris de sept personnes du RPR afin de financer son parti.

 

L'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris et du RPR débute à la fin des années 1990, notamment par la plainte d'un contribuable en 1998. La ville de Paris, donc M. Chirac et M. Juppé, premier adjoint de Paris au moment des faits, est accusée d’avoir employé entre 1977 et 1995, plusieurs dizaines de personnes travaillant en réalité pour le RPR, pour Jacques Chirac lui-même ou pour des proches. Payés par la municipalité, ces "salariés" n'auraient jamais effectué aucune mission pour la ville.

 

Alain Juppé avait d’ailleurs été mis en examen pour « abus de confiance, recel d'abus de biens sociaux, et prise illégale d'intérêt» en 1998.

 

Il clame son innocence. Mais le 30 janvier 2004, il est condamné par le tribunal correctionnel de Nanterre à dix-huit mois de prison avec sursis et à une peine de dix ans d'inéligibilité. S’il rejette l’enrichissement personnel de M. Juppé, il estime tout de même que ce dernier a “trompé la confiance du peuple souverain”. Nombre de commentateurs considèrent alors qu'il a payé pour Jacques Chirac qui ne peut être jugé tant qu’il exerce ses fonctions présidentielles. Le 1er décembre 2004, la Cour d'appel réduira sa peine à quatorze mois de prison avec sursis et un an d'inéligibilité.

 

En 2005, Alain Juppé décide donc de quitter la France et part enseigner les relations internationales à l'École nationale d'administration publique à Montréal au Canada. L’annonce de sa venue suscite l’hostilité dans le monde universitaire québécois. Le 18 février 2005, trente-quatre professeurs d'université du Québec et d'Ottawa publient dans le quotidien « Le Devoir », une lettre ouverte intitulée « Quand l'éthique fout le camp ».

Ils se disent indignés. En sollicitant un homme condamné dans l'affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris, "quel message l'ENAP envoie-t-elle à ses étudiants qui se destinent à une carrière administrative de même qu'à l'ensemble de la population : que le détournement de fonds n'est pas grave tant que celui-ci ne sert pas l'enrichissement personnel ?", interrogent-ils. Mais la polémique cesse rapidement et Alain Juppé enseigne normalement.            

                                                                                                                      

En aout 2006, une fois sa sanction levée, Alain Juppé annonce son retour en France, et son intention de se relancer dans la vie politique et de reconquérir son fauteuil de maire de Bordeaux. C'est chose faite quelques semaines plus tard.

 

Le 28 aout, la majorité UMP-UDF du conseil municipal de Bordeaux (hormis le maire Hugues Martin et deux adjoints, afin d’expédier les affaires courantes) démissionne en bloc, poussant à l’organisation d’une nouvelle élection municipale. Alain Juppé remporte les élections dès le premier tour le 8 octobre 2006. Il reprend sa place de maire de Bordeaux.

 

Lors de l’élection présidentielle de 2007, il apporte son soutien à Nicolas Sarkozy. Ce dernier le récompense en le nommant ministre d'Etat en charge de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durable, au sein du gouvernement Fillon. Mais son passage à ce poste sera éphémère. M Juppé, qui avait décidé de se présenter aux législatives de juin 2007 en Gironde, perd les élections. La règle veut qu'il quitte l'Exécutif. La démission de l'ensemble du gouvernement lui économise cependant de le faire officiellement.

 

Mais cela ne l’empêche pas de se faire réélire le 9 mars 2008 dès le premier tour à la mairie de Bordeaux. En parallèle, Nicolas Sarkozy le charge en 2009 de co-présider avec Michel Rocard une commission de réflexion sur les priorités du grand emprunt national 2010.

 

Ce nouveau geste du président n’empêche pourtant pas l’ancien Premier ministre de faire preuve d'un esprit critique face à la politique de Nicolas Sarkozy.

 

En février 2009, il critique le retour de la France au sein de l’OTAN. En octobre, c’est au tour de la réforme territoriale du gouvernement "encore très en retrait par rapport à ce qui était envisagé" et des modalités de suppression de la taxe professionnelle. Deux semaines plus tard, il cosigne avec M. Rocard, le général Bernard Norlain et l’ancien ministre de la Défense socialiste Alain Richard, une tribune dans le Monde en faveur du désarmement nucléaire. En décembre de la même année, il critique le débat sur l’identité nationale lancé par le gouvernement.

 

En juillet 2010, il dénonce le manque de moyens accordés au Quai d’Orsay dans une tribune du Monde. En aout, il s’attaque à la politique sécuritaire du président. Il met en garde contre les lois de « pure circonstance » et appelle à « moins d'idéologie » et « plus de pragmatisme ». Et ceci ne sont que quelques exemples.

 

En mars 2010, il déclare par ailleurs envisager de se présenter aux élections présidentielles de 2012 en cas de primaire à l’UMP : « Comme l’a dit François Fillon, le candidat naturel de la majorité en 2012 c’est Nicolas Sarkozy. S’il arrivait, pour des raisons qui lui appartiennent, qu’il ne soit pas à nouveau candidat, je pense qu’il faudra des primaires au sein de l’UMP. Je n’exclus pas à ce moment-là d’être candidat ». Hypothèse qu’il semble aujourd’hui écartée.

 

Nicolas Sarkozy décide alors de faire revenir le maire de Bordeaux sur la scène nationale. Pour le président, l'arrivée de M. Juppé est le gage de l'alliance renouée avec les chiraquiens et l'assurance qu'il ne devrait plus critiquer son action.

 

Après la mort de Philippe Séguin en janvier 2010, il lui propose donc la présidence de la Cour des comptes,  puis le ministère de la connaissance et de la recherche. Il tente le Quai d’Orsay. A chaque fois, M. Juppé décline. Les rumeurs disent qu’il ne veut pas devoir composer avec Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée qui, à son poste, gère aussi les affaires extérieures du pays.

 

Mais il se laisse finalement convaincre. Le 14 décembre 2010, à l’âge de 65 ans, il devient ministre de la Défense dans le gouvernement Fillon III. Il explique alors que l’une des raisons pour lesquelles il a accepté est le fait que Nicolas Sarkozy est, à ses yeux, le seul « candidat à droite et au centre susceptible de gagner » en 2012. « J'ai des sentiments d'amitié pour lui. Ça fait trente ans que je le connais », a-t-il confié à propos du chef de l'Etat, précisant que les relations entre les deux hommes « dépendaient des jours » mais n'étaient « jamais glaciales. »

 

Il ne restera à ce poste que trois mois. Le 27 février 2011, à la faveur de la démission contrainte de Michèle Alliot-Marie du poste de ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé reprend les rênes du Quai d'Orsay… à  condition d’avoir les mains libres, que la politique étrangère de la France ne soit plus gérée par le duo Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée, et Jean-David Levitte, le conseiller diplomatique du président. Requête accordée.

 

Juppé, l’homme providentiel

Oublié son passage à Matignon, oubliés ses problèmes judiciaires. Il avait laissé un tellement bon souvenir de son passage au Quai que son retour est acclamé. Il est attendu comme le messie par des diplomates démoralisés et peu convaincus par leurs ministres depuis 2004, et qui espèrent qu’avec cet homme fort, ils pourront récupérer les reines de la diplomatie française.

 

La presse le qualifie d’"homme providentiel" et de "sauveur" et semble penser qu’il pourra établir la voix de la France après des semaines de violentes critiques sur la proximité de Paris avec des régimes autoritaires comme la Tunisie.

 

Certains syndicats espèrent aussi qu'il usera de son poids politique pour obtenir des moyens supplémentaires. Depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, le maire de Bordeaux a en effet  eu l'occasion de s'exprimer publiquement sur les affaires du Quai d'Orsay et la diplomatie française. Il a co-rédigé en 2008 avec Louis Schweitzer le Livre Blanc sur la politique étrangère de la France. Un document qui appelait à renforcer l'action interministérielle du ministère et soulignait que celui-ci avait consenti de gros efforts ces dernières années avec une baisse des effectifs de 11 % entre 1997 et 2007 et une réduction de 21 % des dépenses d'investissement et de fonctionnement entre 2000 et 2008. “On ne peut réduire indéfiniment ces effectifs et ces moyens sans remettre en cause les ambitions européennes et internationales assignées à notre action extérieure”, notait le Livre blanc. Il avait par ailleurs enfoncé le clou dans sa tribune commune avec Hubert Védrine, ancien ministre socialiste des Affaires étrangères.

 

Espérons donc qu’il sera à la hauteur des attentes. Mais dans un contexte économique extrêmement difficile et avec un président qui table sur SA politique étrangère pour remonter dans les sondages, le défi sera très dur à relever.

 

Vie personnelle:

Le 30 juin 1965, Alain Juppé épouse Christine Leblond avec laquelle il aura deux enfants, Laurent (né en 1967) et Marion (née en 1973).

 

Le 29 avril 1993, il épouse en seconde noce la journaliste Isabelle Legrand-Bodin avec qui il aura un troisième enfant, Clara, née deux ans plus tard.

 

Le blog-note d’Alain Juppé 

 

Mandats:

  • 1972 à 1976 : Inspecteur des Finances affecté au service de l’Inspection Générale des Finances
  • 1976 : Chargé de mission au Cabinet de M. Jacques Chirac, Premier Ministre
  • 1976 à 1978 : Conseiller technique au Cabinet du Ministre de la Coopération
  • 1978 à 1979 : Chargé de mission auprès de M. le Maire de Paris
  • 1978 à 1980 : Directeur Adjoint des Finances et des Affaires Economiques de la Ville de Paris
  • 1980 à 1983 : Directeur des Finances et des Affaires Economiques de la Ville de Paris
  • 1983 à 1995 : Adjoint au maire de Paris, conseiller du 18e arrondissement
  • 1986 à 1988 : Ministre délégué auprès du Ministre de l’Economie, des Finances et de la Privatisation, chargé du Budget - Porte-parole du Gouvernement
  • 1993 à 1995 : Ministre des Affaires Etrangères
  • 1995 à 1997 : Premier Ministre
  • 2007 : Ministre d’Etat, ministre de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables
  • 2010 (15 novembre) : Ministre d’Etat, ministre de la défense et des anciens combattants
  • 2011 : Ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et européennes
  • 1977 à 1978 : Délégué National aux études du RPR 
  • 1979 à 1981 : Membre du Conseil National du RPR 
  • 1981 à 1988 : Membre du bureau politique et de la commission exécutive du RPR
  • 1988 à 1994 : Secrétaire général du RPR
  • 1994 à 1997 : Président du RPR 
  • 2002 à 2004 : Président de l’UMP
  • 1986 : Député de Paris
  • 1988 à 1993 : Député de Paris
  • 1997 à 2004 : Député de la Gironde
  • 1995 à 2004 : Maire de Bordeaux
  • 1995 à 2004 : Président de la Communauté Urbaine de Bordeaux
  • 2006 (13 octobre) : Réélu maire de Bordeaux
  • 2008 (14 mars) : Réélu maire de Bordeaux

Bibliographie:

  • «La tentation de Venise», Alain Juppé, éditions Grasset, 1993
  • «Entre nous» Alain Juppé , Nil éditions , 1996
  • «Montesquieu, le moderne», Alain Juppé, Perrin, 1999
  • «Entre quatre z’yeux», Alain Juppé et Serge July, Grasset, 2001
  • «France, mon pays, Lettres d’un voyageur», d’Alain Juppé, Robert Laffont, 2006

 

 

 

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