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Résumé

Crée en 1959 sous le Général de Gaulle, le ministère de la culture et de la communication a pour mission de rendre accessible au plus grand nombre le patrimoine culturel et artistique de la France, de faciliter la création des œuvres d’art et favoriser le développement des pratiques et des enseignements artistiques.

 

L’administration centrale du ministère, réorganisée en janvier 2010, comprend quatre principaux services : la direction générale des patrimoines, la direction générale de la création artistique, la direction générale des médias et des industries culturelles et un secrétariat général.

 

Si la France est l’un des premiers pays à avoir insisté sur l’importance d’une politique culturelle en créant une administration à part entière au sein du gouvernement, le rôle de la rue de Valois  (surnom attribué au ministère d’après son adresse principale), n’a cessé de fluctuer selon le ministre et le gouvernement en place. Et si depuis quelques années, le ministère semble avoir pris de l’envergure, de nombreuses personnes s’interrogent sur son avenir.


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Histoire:

Le ministère de la Culture a été crée en 1959 par le Général de Gaulle et attribué à André Malraux sous le nom de ministère des Affaires culturelles (auparavant, la politique culturelle dépendait du Ministère de l’Education Nationale). La France est l’un des premiers pays à avoir une administration autonome pour la Culture.

 

L’intervention de l’Etat dans le domaine des arts et des lettres a, en effet, toujours été forte en France. Elle s’est d’abord manifestée à travers le mécénat royal, qui connaît un essor considérable à partir de la Renaissance. La première institution culturelle d’Etat à voir le jour est le Collège des Trois-langues (qui prendra le nom de Collège de France sous la Restauration). Créé par François 1er à la demande de Guillaume Budé, cet établissement dispense des enseignements libres qui touchent tous les domaines du savoir et de la culture. C’est également à cet humaniste, amoureux des lettres que l’on doit la bibliothèque royale de Fontainebleau qui sera plus tard, transportée à Paris pour devenir la Bibliothèque nationale et dans laquelle Charles V avait déjà installé la bibliothèque royale.

 

Sous le règne de Louis XIV, la politique culturelle se développe avec la création de nombreuses académies : l'Académie des Inscriptions en 1663, l'Académie des peintures et sculptures en 1664, l'Académie des Sciences en 1666, l'Académie d'architecture en 1671 et l'Observatoire en 1667. Cette période est également marquée par le souci d’entretenir et de sauvegarder le patrimoine et plus spécifiquement les bâtiments royaux. Cette évolution avait déjà été initiée par Louis XII qui avait créé le Département de la Maison des bâtiments du Roi, responsable des travaux commandés par le souverain, tels que l’actuelle place Vendôme ou l'hôtel des Invalides, ainsi que de la gestion du mécénat royal, à travers la tutelle de plusieurs académies, et des logements des artistes, en particulier ceux du Louvre. Ses attributions sont définies dans la déclaration royale du 1er septembre 1776.

 

Après la Révolution et surtout dès la Troisième République, la culture commence à se démocratiser. L'Etat rend la culture accessible au plus grand nombre à travers le développement des bibliothèques et des musées, et crée également la Direction Générale des Beaux-Arts du ministère de l’Instruction publique.
 En 1881, Léon Gambette tente alors d’instaurer un ministère des Arts, mais il ne vivra que quelques mois.

 

Une nouvelle étape commence dans les années 1930, lorsque le Front Populaire introduit l’éducation culturelle et artistique. Jean Zay, ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts de 1936 à 1939, propose, lui aussi, un ministère de la vie culturelle mais le Parlement rejette l’idée. Sous la quatrième République, Jeanne Laurent, sous-directrice du théâtre et de la musique au ministère de l’éducation nationale favorise la décentralisation théâtrale avec la création du Théâtre national populaire, du Festival d’Avignon et de centres dramatiques nationaux.

 

En janvier 1947, une autre tentative est lancée : le ministère des Arts et des Lettres est crée et dirigé par Pierre Bourdan mais neuf mois plus tard, il ne survit pas au remaniement ministériel de Paul Ramadier. La Direction générale des Arts et Lettres est alors rattachée au ministère de l’Education nationale.

 

 

Création du ministère de la Culture

Par le décret du 3 février 1959

 

Ce n’est qu’en 1959 qu’une administration autonome dédiée à la culture est créée. Le Général de Gaulle, qui veut que le rayonnement mondial de la France se fasse aussi par la culture, tient à confier la création du ministère des Affaires culturelles à son grand ami l’écrivain André Malraux. « Malraux donnera du relief à votre gouvernement », a-t-il dit à Michel Debré, Premier ministre de l’époque lorsqu’il lui demande de le nommer. La rumeur prétend même que le ministère fut créé pour lui : « Il vous sera utile de garder Malraux. Taillez pour lui un ministère, par exemple, un regroupement de services que vous pourrez appeler Affaires culturelles,» aurait-il dit à Debré. Les deux hommes étaient, en effet, très proche malgré leurs différences politiques (Malraux était un homme de gauche). Malraux restera ministre d'Etat chargé des Affaires culturelles jusqu’en 1969, tant que De Gaulle est au pouvoir. Mais il donne sa démission le jour même où le général de Gaulle annonce la sienne.

 

Le nouveau ministère inclut les services qui dépendaient jusqu’alors de divers ministères. De l'Education nationale sont issues la Direction Générale des Arts et Lettres, la Direction de l'Architecture et la Direction des Archives de France. Malraux se voit également attribuer les services chargés des activités culturelles du Haut-commissariat à la Jeunesse et aux sports. Enfin, le ministère de l'Industrie et du commerce transfère le Centre national de la cinématographie (CNC). Un cabinet ministériel et un secrétariat général sont aussi mis en place.

 

Malraux, qui a écrit de sa main en juillet 1959 le décret portant sur l’organisation du ministère, base sa politique culturelle sur des principes de déconcentration et de démocratisation : « Le ministère chargé des affaires culturelles a pour mission de rendre accessibles les oeuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français ; d’assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et de favoriser la création des oeuvres de l’art et de l’esprit qui l’enrichissent. »

 

Ses six grands objectifs sont : la création, la conservation-mise en valeur, la diffusion-animation, la formation, la recherche et la gestion.

Et ce, dans huit domaines : la musique, le théâtre, les musées, l’architecture, les arts plastiques, le livre, les archives et le cinéma.

 

En 1961, il crée un service d’administration générale, transformé par la suite en Direction de l'administration générale (DAG). Peu à peu de nouvelles structures se développent ; il crée aussi les maisons de la Culture. Par ailleurs, l'organisation du ministère est complétée par la mise en place de comités régionaux des affaires culturelles en 1963, de conseillers régionaux à la création artistique en 1965, et des trois premiers Directeurs régionaux des Affaires culturelles en 1969. La déconcentration du ministère est mise en marche.

 

L’autre grande caractéristique de la politique de Malraux est son refus des dispositifs pédagogiques. Pour lui, l’action culturelle doit être fondée sur le « choc artistique », aux qualités intrinsèques de l’œuvre pour procurer une émotion au public, sans qu’il y ait besoin d’explication. L’éducation populaire est écartée alors que l’excellence artistique prime, d’où la mise en place d’un système fort de soutien à la professionnalisation des artistes. En accentuant l'action culturelle de l'État gaulliste, le but était également d'affaiblir l'influence du Parti communiste auprès des artistes.

 

Il y eut certains échecs, (Malraux n’a pu construire ni politique de la lecture publique, ni politique de l’architecture, ni politique de l’éducation artistique). Aussi, l n’a pas su surmonter les humiliations infligées par une administration des finances qui lui refusait obstinément les crédits et les postes que requérait le plan que Malraux avait pour son ministère. Mais une véritable politique publique de la culture finit pourtant par émerger. Elle sera développée par chacun des ministres qui se succèdent après lui.

 

Apres le départ de Malraux, Pompidou décide de pérenniser le jeune ministère. Peu à peu, l’idée d’une politique culturelle prend réellement forme. Au début des années 70, Jacques Duhamel, ministre de la culture de l’époque, introduit le concept de « développement culturel. » En 1971, il crée notamment le Fonds d’intervention culturelle (FIC) pour soutenir des initiatives et des expériences originales susceptibles de répondre à des besoins nouveaux et dépasser les cloisonnements des administrations de l'État intervenant dans le champ culturel.

Pompidou lance également le projet du Centre national et de culture George Pompidou, puis est à l’origine d’une grande exposition de la scène artistique contemporaine française, organisée par François Mathey au Grand Palais en 1972.  L’exposition suscite d’ailleurs une polémique lorsque certains artistes refusent d’y participer, ne voulant aucun lien avec l’Etat.

 

En 1982, un nouveau décret fixe de nouvelles missions pour le ministère : il doit « permettre à tous les Français de cultiver leur capacité d’inventer et de créer, d’exprimer librement leurs talents et de recevoir la formation artistique de leur choix ; de préserver le patrimoine culturel national, régional ou des divers groupes sociaux pour le profit commun de la collectivité tout entière ; de favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit et de leur donner la plus vaste audience ; de contribuer au rayonnement de la culture et de l’art français dans le libre dialogue des cultures du monde ».

 

Cet élargissement de la politique culturelle intervient un an après l’élection de François Mitterrand et la nomination de Jack Lang au ministère de la culture. Ce dernier a introduit une dimension festive et des évènements nationaux et a institutionnalisé la fête de la musique et la journée nationale du patrimoine. Sous son mandat, l'éducation artistique en milieu scolaire se modernise, de nouvelles disciplines sont enseignées (théâtre, cinéma, histoire des arts,...) et des opérations de sensibilisation se développent pour les enfants : classes culturelles, collège au cinéma, classes du patrimoine ... Le champ d'action du ministère s'élargit à d'autres formes d'art et de nouveaux lieux de diffusion se créent, comme Festival International de Bande Dessinée. Enfin, le ministère se préoccupe davantage des industries culturelles dans un souci de régulation du marché. Ce rapprochement culture-économie se traduit également par l'encouragement au mécénat.

 

Depuis 1969, l’organisation de l’administration centrale avait fait l’objet de nombreuses modifications. Mais la réforme la plus importante de ces dernières années est sans doute la révision générale des politiques publiques (RGPP). Initiée en décembre 2007, elle touche tous les ministères et a donné lieu à 374 décisions. Les réformes issues de la RGPP permettraient, selon le gouvernement, de moderniser, simplifier et optimiser le fonctionnement des services du ministère de la culture et de la communication dans ses domaines de compétence.

 

L’administration centrale du ministère a ainsi été réorganisée depuis janvier 2010. Elle est aujourd’hui constituée de quatre principaux services (au lieu de dix auparavant) : la direction générale des patrimoines, la direction générale des médias et des industries culturelles, la direction générale de la création artistique et le secrétariat général. La délégation générale à la langue française et aux langues de France est, elle aussi, placée sous l'autorité du ministre chargé de la culture.

 

La RGPP n’a pas pour seul but d’améliorer les politiques publiques et de simplifier le fonctionnement des différents services mais aussi de réduire les dépenses publiques. Et l’une des conséquences de la RGPP est la réduction des effectifs de la fonction publique. Les syndicats du ministère ne cessent de protester contre ces réformes, qu’ils voient comme une concentration extrême des missions du ministère de la Culture qui va de paire avec les réductions de salariés et de moyens voulues par la RGPP. 

Le syndicat CFDT-Culture craint notamment que cet « habillage de la réduction des effectifs, » ait, en réalité, peu d’impact sur la dépense mais des conséquences catastrophiques sur la vie culturelle. Au-delà des pertes d’emplois, les syndicats craignent que la fusion de certains services ne mène à un retrait du ministère dans certaines missions, et dans certains cas, la privatisation ou la filialisation d'activités. Ils ont ouvertement accusé la ministre de la culture et de la communication de l’époque, Christine Albanel de ne pas avoir su défendre “l’exception culturelle.”

 

En 2009, le ministère de la culture et de la communication fêta son cinquantenaire.

 

Dénominations successives du ministère

 

La dénomination de l’administration a changé à plusieurs reprises. En 1974, elle n’est plus un ministère. Elle devient le secrétariat d’Etat à la culture, montrant l’affaiblissement de la structure et à la volonté du gouvernement Giscard de réserver une place modeste à la politique culturelle. Ces multiples changements témoignent de l'incertitude à formuler clairement les attributions qui relèvent de l'intervention de l'Etat dans les domaines artistiques et culturels.

 

 

 

3 février 1959

 

Ministère d’Etat chargé des affaires culturelles

 

André Malraux (du 8 janvier 1959 à juin 1969)

Edmond Michelet (22 juin 1969 à octobre 1970)

André Bettencourt (du 19 octobre 1970 à janvier 1971)

1971

Ministère des affaires culturelles

Jacques Duhamel (du 7 janvier 1971 à avril 1973)

Maurice Druon (du 5 avril 1973 à février 1974)

Mars 1974

Ministère des Affaires culturelles et de l'Environnement

Alain Peyrefitte du 1er mars 1974 à mai 1974

Juin 1974 

Secrétariat d'Etat à la culture

Michel Guy (du 8 juin 1974 à août 1976)

Françoise Giroud (du 27 août 1976 à mars 1977)

1977 

Ministère de la Culture et de l'Environnement

Michel d’Ornano (du 30 mars 1977 à mars 1978)

1978

Ministère de la Culture et de la Communication

Jean-Philippe Lecat (de 1978 à mars 1981)

1981

Ministère de la Culture

Jack Lang (du 22 mai 1981 à mars 1983)

1983

Ministère délégué à la Culture

Jack Lang (du 24 mars 1983 à décembre 1984)

1984

Ministère de la Culture

Jack Lang (du 7 décembre 1984 à mars 1986)

1986

Ministère de la Culture et de la Communication

François Léotard (du 20 mars 1986 à mai 1988)

1988

Ministère de la Culture, de la communication des grands travaux et du bicentenaire

Jack Lang (du 12 mai 1988 à mai 1991)

1991

Ministère de la Culture et de la Communication

Jack Lang (du 16 mai 1991 à avril 1992)

1992

Ministère de l’Éducation nationale et de la Culture

Jack Lang (du 2 avril 1992 à mars 1993)

1993

Ministère de la Culture et de la Francophonie

Jacques Toubon (du 31 mars 1993 à mai 1995)


1995

Ministère de la Culture

Philippe Douste Blazy (du 18 mai 1995 à juin 1997)

1997

Ministère de la Culture et de la communication

Catherine Trautmann (du 4 juin 1997 à mars 2000)

Catherine Tasca (du 27 mars 2000 à mai 2002)

Jean-Jacques Aillagon (du 7 mai 2002 à mars 2004)

Renaud Donnedieu de Vabres (de mars 2004 à mai 2007)

Christine Albanel (du 18 mai 2007 à juin 2009)

Frédéric Mitterrand (depuis le 23 juin 2009)

 

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Ses missions:

Le ministère de la culture et de la communication a pour mission de « rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, d'assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et de favoriser la création des œuvres de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent.»

 

Pour mener à bien sa mission, le ministère est divisé en quatre principaux services :

  • la direction générale des patrimoines chargée de la politique de l’Etat en matière d'architecture, d'archives, de musées, de patrimoine monumental et archéologique ;  
  • la direction générale de la création artistique, responsable des arts du spectacle vivant et des arts plastiques ;
  • la direction générale des médias et des industries culturelles en charge du développement et du pluralisme des médias, de l'industrie publicitaire, de l'offre de contenus en ligne, de l'industrie phonographique, du livre et de la lecture.
  • Enfin, le secrétariat général apporte son appui et son expertise aux directions générales et aux établissements publics en matière budgétaire, de ressources humaines, juridique, de politique européenne et internationale. Il pilote également les réformes ministérielles et coordonne les politiques culturelles transversales : éducation artistique, recherche et innovation, études et réflexion prospective...

 

Il dispose également de trois conseils supérieurs : le Conseil supérieur des musiques actuelles (CSMA), celui de la propriété littéraire et artistique et le haut conseil de l’éducation artistique et culturelle. La délégation générale à la langue française et aux langues de France est, elle aussi, placée sous l'autorité du ministre chargé de la culture.

Le ministère mène ainsi une politique de sauvegarde, de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel français et favorise la création des œuvres d’art. Il facilite aussi le développement des pratiques et des enseignements artistiques, que ce soit l'éducation artistique et culturelle des enfants, ou des jeunes adultes tout au long de leurs cycles de formation.

 

Il joue, par ailleurs, un rôle dans la politique de décentralisation du gouvernement en encourageant les initiatives culturelles locales, et en développant les liens entre les politiques culturelles de l'Etat et celles des collectivités territoriales.

Il participe également au développement des industries culturelles, et des nouvelles technologies de diffusion de la création et du patrimoine culturels.

 

Il met en œuvre, conjointement avec les autres ministres intéressés, les actions de l'Etat destinées à assurer « le rayonnement dans le monde de la culture et de la création artistique françaises et de la francophonie, » en France comme à l’étranger ; il soutient, ainsi, les implantations culturelles françaises à l'étranger.

 

La délégation générale à la langue française et aux langues de France, autre organe du ministère est, elle, responsable de la diffusion, de l'emploi et de l'enrichissement de la langue française, ainsi que de la préservation et la valorisation des langues de France.

 

Dans le domaine des médias, le ministère veille notamment au développement et à la diffusion de la création audiovisuelle en France et à l’étranger (notamment en relation avec Radio France, France Télévisions et l’Audiovisuel Extérieur de la France). Il participe, en liaison avec les autres ministres concernés, à l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique du gouvernement concernant les technologies, les supports et les réseaux utilisés dans le domaine de la communication.

 

La rue de Valois est aussi responsable de la politique de l'architecture. Elle assure, à la demande du Premier ministre et toujours en collaboration avec les ministères concernés, la coordination des travaux de construction ou de rénovation relatifs aux grandes opérations d'architecture et d'urbanisme de l'Etat (cohérence des programmes, maîtrise des coûts, préparation des décisions budgétaires, avancement des opérations). Le ministre est, en outre, associé à la préparation des décisions relatives au montant global et à la répartition des aides apportées par l'Etat aux grandes opérations des collectivités territoriales dans ce domaine.

 

Il participe, avec les autres ministres intéressés, à la définition et à la mise en œuvre des mesures relatives aux fondations à objet culturel et au mécénat.

 

Enfin, le ministre de la culture et de la communication assure, conformément à leurs dispositions statutaires, la tutelle des établissements publics relevant de ses attributions, tels que la Comédie-Française, la bibliothèque nationale de France ou le centre national de la cinématographie.

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Où va l’argent

Le budget du ministère de la culture et de la communication est distribuée à trois principales missions: la mission Culture, la mission Recherche culturelle et la mission Médias, livre et industries culturelles. Cette structuration correspond à la nouvelle organisation du ministère depuis janvier 2010.

 

La Mission Culture regroupe trois programmes : patrimoine, création et transmission des savoirs et démocratisation de la culture. Mais les crédits de la mission Culture servent, en grande partie, à  la mise en valeur du patrimoine, c’est-à-dire des monuments historiques, des musées, des grands projets culturels et architecturaux comme la construction du centre des archives de Pierrefitte, de la Maison de l'histoire de France, du musée des Civilisations d’Europe et de la Méditerranée (MUCEM), la rénovation du musée Picasso et du quadrilatère Richelieu ou le réaménagement du Palais de Tokyo.

 

Les crédits du programme « transmission des savoirs »  sont attribués à l'enseignement supérieur, c’est-à-dire aux écoles d'architecture, aux écoles d'art ou de l'enseignement en matière de spectacle vivant. De nouveaux moyens ont aussi été dégagés pour accompagner le concept de « la culture pour chacun,» proposé et mis au goût du jour par Francis Laroche, un proche de Frédéric Mitterrand en septembre 2010 (André Malraux l'avait déjà  mise en avant lors de la présentation du budget de la culture à l'Assemblée nationale le 27 octobre 1966). L’idée est de mettre en place des actions en faveur de l'accès de chacun à la culture, et principalement des populations qui en sont éloignées (jeunes, habitants des banlieues défavorisées, habitants de l'espace rural), à travers un plan lecture, l'éducation artistique et culturelle ou encore la culture en milieu rural.

 

En mars 2010, Elise Longuet remet un rapport qui suggère la création d'une carte culture nationale, d'un chèque cadeau culture pour les jeunes, des stages culture pour les jeunes (des quartiers prioritaires et des zones rurales) dans les établissements culturels ainsi que l'introduction d'un volet culture dans le livret de compétences de l'élève (passerelle avec les activités culturelles extrascolaires). Mais si ce programme peut paraître séduisant, certains le voient comme une sorte d’intimidation sociale et une remise en cause de l'ordre social de la culture. Leur argument : la culture n'est pas celle que quelques uns choisissent pour « tous » mais celle que « chacun » se forge dans la totale légitimité de ses choix. Elle est donc profondément diverse, non seulement parce que chacun est singulier, différent des autres mais aussi parce que l’humanité toute entière est diverse.

 

En ce qui concerne le secteur du spectacle vivant et des arts plastiques, les moyens alloués sont, en général, minimums comparés aux deux autres programmes, en particulier le patrimoine qui semble être la priorité numéro une de la rue de Valois. Les crédits de ce secteur servent principalement à soutenir la création, l'émergence des jeunes créateurs ainsi que les grandes institutions dédiées à la création et à la diffusion auprès des publics.

 

Le programme « Recherche culturelle et culture scientifique » fait partie de la mission interministérielle « Recherche et Enseignement supérieur » (MIRES). Le budget est divisé en deux, la recherche culturelle (qui a reçu 9,4 millions en 2011) et la culture scientifique et technique (112,2 millions en 2011).

 

Les crédits pour la culture scientifique et technique permettent au ministère d’assurer, en coordination avec le ministère en charge de la recherche, la diffusion au plus large public des connaissances scientifiques et techniques et des enjeux de société liés à leur développement. Cette action est assurée depuis le 1er janvier 2010 par l’établissement public du palais de la découverte et de la cité des sciences (à statut industriel et commercial), qui a par exemple, crée une galerie et mis en place une salle de simulation immersive dédiée entre autres à l’architecture, et un atelier de prototypage d’objets physiques.

 

Les crédits de la recherche culturelle permettent notamment la progression des connaissances scientifiques dans les domaines de l’archéologie, histoire de l’art, histoire, musicologie, architecture ou encore ethnologie. Ils permettent également de développer les recherches appliquées à la conservation, à la restauration et à la valorisation du patrimoine culturel national; de favoriser la création artistique par des recherches dans les domaines des arts plastiques, de l’architecture et de la musique; et de développer la recherche dans les établissements d’enseignement supérieur relevant du ministère de la culture. Ils sont aussi utilisés pour l’élaboration des politiques publiques par des recherches dans le domaine de la connaissance économique et de la sociologie, en s’attachant aux aspects et perspectives les plus novateurs en matière d’industries culturelles, d’usages numériques et de développement culturel.

 

L’enveloppe destinée à la mission « Médias, livre et industries culturelles » sert à la promotion de la culture numérique. En 2011, 131 millions d’euros sont consacrés au passage au Tout numérique. Par ailleurs, des appels à projets ont été lancés en 2011 sur le budget du ministère de la Culture et de la Communication, pour des projets de numérisation et de services culturels numériques innovants.

 

Elle sert également à aider les industries culturelles. Le Centre National du Cinéma et de l’Image Animée bénéficie d’un budget pour soutenir le secteur du cinéma, de l’audiovisuel, des jeux vidéo et au multimédia. Une partie de ce budget est consacrée, en 2011, à la numérisation des salles de cinéma sur 3 ans et à rendre opérationnelle le projet HADOPI (Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet).

 

La presse reçoit aussi une aide financière pour l’accompagner dans ses mutations face à la révolution numérique. Par ailleurs, pour faire suite aux États généraux de la presse lancés en 2009, le budget 2011 consolide ses actions en faveur des aides à la presse et la garantie de l'ensemble des engagements contractuels de l'État avec le secteur. L'aide au portage se poursuit donc, ainsi que le soutien public en faveur des nouveaux services de presse en ligne se renforce.

 

Le secteur de l’audiovisuel bénéficie aussi de moyens afin d’accompagner dans ses réformes. France Télévisions dispose notamment d’un budget de 2,5 milliards € en 2011, lui permettant de poursuivre le dynamisme de la télévision publique.

 

A titre indicatif, cette enveloppe se décompose en 2011 comme suit :

- les crédits de la mission Culture s’élèvent à 2,70 millions €, soit +1,1 % ;

- les crédits de la mission Recherche culturelle s’élèvent à 121,55 millions € soit - 0,8 % ;

- les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles s’élèvent à 4,68 millions € soit +2,8 % incluant 3,22 millions € liés à la redevance audiovisuelle (compte de concours financier) et 1,46 M€ de crédits budgétaires.

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Polémiques:

Hadopi/Hadopipas !

A une époque où le téléchargement illégal est entré dans les mœurs, et où la répression est difficile, le gouvernement décide de créer une nouvelle « Loi Création et Internet » appelée également Loi Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet). Cependant, cette loi est extrêmement controversée. Après de nombreux débats, amendements, révisions, rejets (le Conseil Constitutionnel en censure même certaines mesures à la première lecture), elle sera finalement promulguée par le président de la République le 12 juin 2009.

 

La loi Hadopi a pour but de répondre à la menace du téléchargement illégal en mettant en place une Haute Autorité opérant « la riposte graduée » auprès des pirates; c’est-à-dire en leur envoyant un avertissement par e-mail, puis un nouveau par lettre recommandée en cas de récidive, pour finalement leur couper l’accès à Internet s’ils persistent. Cette loi fait suite à la une directive européenne transposée en droit français par la loi DAVDSI, mise en place pour protéger les droits d’auteur sur Internet.

 

Selon le ministère de la Culture, le fait de transférer à l’Hadopi la responsabilité de filtrer et de sanctionner le téléchargement illégal permettrait de repérer plus rapidement et efficacement les contrevenants. Auparavant, seul le juge pouvait décider d’une sanction à l’encontre des pirates.

 

Toujours selon le Ministère, les rappels à l’ordre par le biais de lettres recommandées et d’emails permettraient également de lutter contre le piratage occasionnel. Selon l’un des conseillers de Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication de l’époque, la loi « s’appuie sur les réussites qui ont déjà été constatées aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne (...) Dans ces pays, une grande majorité des pirates arrêtent les téléchargements illégaux après deux ou trois avertissements ».

 

Mais la loi a suscité de nombreux et houleux débats. Avant même que le projet de loi ne soit présenté à l'Assemblée nationale, la Commission européenne exprime des réserves. Elle écrit une lettre au gouvernement lui demandant plusieurs modifications et explications. Elle se montre, en effet, très critique sur la "riposte graduée", qui prévoit une coupure de l'accès Internet après trois avertissements en cas de piratage. Selon la lettre, cette mesure ne respecterait pas la directive "service universel" votée en 2002, qui garantit un accès minimum à Internet à tous les citoyens européens. La Commission juge ainsi que comme "l'utilisation actuelle d'Internet (...) dépasse largement l'accès aux contenus", la coupure de la connexion Internet serait disproportionnée, parce qu'elle "pourrait porter atteinte à [la] capacité d'accéder à des services (...) essentiels", comme les banques en ligne ou certains services publics (demandes de documents, déclaration d'impôt...). Le ministère de la Culture et de la Communication refuse de répondre avant la rédaction définitive du projet de loi.

 

Mais c’est aussi cette mesure qui déclenche la censure du Conseil Constitutionnel à sa première lecture. La coupure est donc finalement interdite si elle n'est pas prononcée par un tribunal judiciaire, après débat contradictoire.

 

Les artistes, et les Français en général, ne sont pas contre une loi empêchant le téléchargement illégal mais de nombreuses personnes sont opposées au fait qu’elle soit tournée contre les internautes. En effet, Hadopi ne punit pas les pirates mais les "victimes". Un nouveau délit est introduit par cette loi, à savoir celui de ne pas veiller à ce que sa connexion Internet ne soit pas utilisée par un pirate à des fins de téléchargement illégal. Cependant la loi ne reconnaît pas la responsabilité du pirate, sauf si il s’agit d’une personne jugée "incapable", comme un mineur, ou d’une personne subordonnée à une autre.

 

Par ailleurs, la loi DAVDSI n’avait eu aucun effet sur la fréquence d’utilisation du téléchargement illégal. Beaucoup critiquent donc le fait qu’Hadopi coûtera également très cher à l’État (environ 31 millions d’euros par an) pour une efficacité limitée.

Autre argument avancé : cette loi créerait également une présomption irréfutable de culpabilité par le moyen des systèmes de filtrages fournis par les fournisseurs d’accès internet aux utilisateurs en vue de protéger leur accès Internet. Cependant, il est impossible de prouver que le système de filtrage d’un ordinateur était activé ou non au moment du délit. Cette loi bafoue donc le principe de la présomption d’innocence, qui est l’un des principes les plus importants de la justice française.

 

De plus, la baisse du taux d’utilisation des logiciels de P2P, logiciels visés par cette loi, et l’augmentation de l’utilisation de nouveaux logiciels plus performants et moins détectables rendent cette loi désuète et inefficace, ce qui n’empêche pas la loi de punir le P2P légal, qui utilise toujours les anciens logiciels comme Emule.

 

Enfin, cette loi ne protège que les labels disposant des moyens de contrôler le piratage de leurs œuvres sur Internet (labels ayant affirmé pendant les accords de l’Elysée qu’ils n’avaient pas l’intention d’améliorer leurs offres légales avant l’application de la loi, ce qui pourtant aurait sans doute permis de diminuer le téléchargement illégal), ce qui exclut les petits labels et les artistes indépendants.

 

L’autre scandale en rapport avec la loi Hadopi fut le licenciement du responsable de Pôle innovation Web de TF1, Jérôme Bourreau-Guggenheim, après avoir critiqué le projet de loi dans un email privé à son député, Françoise de Panafieu. L’email a été transmis par le député au cabinet du ministère de la Culture, qui l'a transmis à son tour à la direction de TF1. Christophe Tardieu, le directeur de cabinet adjoint de la ministre, responsable de ce dernier transfert a alors été suspendu pour un mois par Christine Albanel, qui a qualifié cet acte d'« erreur regrettable ». Des députés de l'opposition ont ensuite évoqué cet événement à l'Assemblée nationale lors du débat sur la loi et lors des questions au gouvernement, demandant la démission de la ministre. Elle refuse. Mais elle ne résistera pas au remaniement ministériel de juin 2009 lorsqu’elle est remplacée par Frédéric Mitterrand.

 

En juin 2009, Jérôme Bourreau-Guggenheim porte plainte contre TF1 pour discrimination en raison de ses opinions. Mais après plusieurs mois d’instruction, le Procureur de la République du tribunal de Nanterre conclut le 6 mai 2010 au classement sans suite de sa plainte.

 

La Révision Générales des Politiques Publiques (RGPP) et la destruction progressive du ministère de la Culture et de la Communication ?

 

Depuis 1969, l’organisation de l’administration centrale du ministère de la Culture  a fait l’objet de nombreuses modifications. Mais la réforme la plus importante de ces dernières années est sans doute la révision générale des politiques publiques (RGPP). Initiée en décembre 2007, elle touche tous les ministères et a donné lieu à 374 décisions. Les réformes issues de la RGPP permettraient, selon le gouvernement, de moderniser, simplifier et optimiser le fonctionnement des services du ministère de la culture et de la communication dans ses domaines de compétence.

 

 

L’administration centrale du ministère a ainsi été réorganisée depuis janvier 2010. Elle est aujourd’hui constituée de quatre principaux services (au lieu de dix auparavant) : la direction générale des patrimoines, la direction générale des médias et des industries culturelles, la direction générale de la création artistique et le secrétariat général. La délégation générale à la langue française et aux langues de France est, elle aussi, placée sous l'autorité du ministre chargé de la culture.

 

Mais la RGPP n’a pas pour seul but d’améliorer les politiques publiques et de simplifier le fonctionnement des différents services ; mais aussi de réduire les dépenses publiques. Et l’une des mesures phares mise en place par la RGPP est la réduction des effectifs de la fonction publique.

 

Ainsi, les syndicats du ministère, le Parti socialiste et de nombreux professionnels ont exprimé de fortes inquiétudes face à ces réformes, qu’ils voient comme une concentration extrême des missions du ministère de la Culture qui va de paire avec les réductions de salariés et de moyens voulues par la RGPP. 

 

La CFDT-Culture craint notamment que cet « habillage de la réduction des effectifs, » ait, en réalité, peu d’impact sur la dépense mais des conséquences catastrophiques sur la vie culturelle. Le Parti socialiste va plus loin en disant que la rue de Valois ne sera plus qu’un ministère virtuel.

 

De nombreuses grèves ont été organisées et beaucoup d’encre a coulé pour dénoncer la RGPP, mais rien n’y a fait. Les réformes ont été mises en place et à peine la RGPP a-t-elle été appliquée que la RGPP 2 se profilait déjà. En 2010, le gouvernement a présenté un nouveau train de mesures parmi lesquels 100 000 nouvelles suppressions d’emploi d’ici 2013.

 

Les syndicats ont réagi violemment à cette annonce accusent le gouvernement de s’enfermer dans une logique de destruction de la rue de Valois et du service public culturel. Selon le syndicat Sud, «  le ministère de la culture, gangréné par le sous-effectif et la précarité, et qui a déjà perdu plus de 1000 emplois depuis 2007, ne peut tout simplement pas supporter un tel plan de rigueur. Ses services et établissements publics sont d'ores et déjà au bord de l'asphyxie financière. Ils ont déjà atteint la cote d'alerte quant à l'exercice de leurs missions fondamentales et aux conditions d'accueil des publics (…) Faut-il encore rappeler que le réseau fragile des institutions et des associations engagées dans la création, la diffusion, le spectacle vivant, l'éducation artistique l'action culturelle et l'éducation populaire est lui aussi à deux doigts de l'implosion. »

 

Dans les "pages culture" de la RGPP 2, il est, en outre, question d'externaliser, pour commencer, les missions d'accueil et de surveillance, soit aujourd'hui encore environ 3500 emplois.

 

Frédéric Mitterrand, qui a défendu la RGPP en la présentant comme une réforme de modernisation, n’a d’autre réponse que la promesse qu’il se bat comme un lion pour défendre son budget et le ministère.

 

« La Culture pour chacun »…ou pas

 

Fin 2010, le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand pose le cadre de sa nouvelle doctrine : « passer de la culture pour tous à la culture pour chacun,» titre inspiré par un discours d'André Malraux de 1966. Signé par le conseiller Francis Lacloche, ce texte de treize pages suscite dès le départ de vifs débats dans les institutions et les organisations professionnelles.

 

Depuis les années 50, l'intervention massive de l'Etat dans le domaine de la culture a été justifiée au nom de deux grandes exigences démocratiques : donner aux créateurs les moyens de travailler librement, à l'abri des interventions directes du pouvoir politique et des exigences du marché capitaliste, et lutter contre les inégalités culturelles. Si la première a été plus ou moins satisfaite, il n'en va pas de même pour la seconde. De nombreuses enquêtes montrent que le fossé entre les pratiques culturelles des classes populaires et celles des classes supérieures n'a pas été résorbé, bien au contraire. Selon le ministère, les populations défavorisées, vivant en milieu rural et les jeunes continueraient de bouder les hauts lieux de la culture.

 

Ce slogan de la « culture pour chacun » est donc la réponse que propose la rue de Valois pour tenter de résoudre cette crise. L’idée est de mettre en place des actions qui favoriseraient la démocratisation de la culture et « pas simplement d’amener la culture aux populations, mais les impliquer », affirme la note.

 

Le ministère invite donc à «investir les lieux où la culture peut jouer un rôle essentiel de formation et d'éveil ou d'ouverture sur le monde», comme par exemple les hôpitaux, les prisons ou encore les écoles. Il veut aussi « affirmer la diversité des modes d'expression ». Pour cela, il souhaite mettre en avant les « nouveaux outils numériques » et « donner une place à la culture populaire», qui est « insuffisamment prise en compte jusqu'à ce jour », en célébrant le cirque, les arts de la rue, le rap, les jeux vidéo, le graff ou le slam.

 

Il loue les initiatives menées ces dernières années par le ministère, tels que les chèques culture, les dispositifs de gratuité, et les cartes jeunes de téléchargement ; il veut mettre en place un plan lecture, des stages culture pour les jeunes (des quartiers prioritaires et des zones rurales), favoriser la culture en milieu rural.

 

Valorisation des actions culturelles, lecture, numérisation du patrimoine : ces « plans prioritaires » sont, en effet, tout à fait louables mais ils n'ont rien de révolutionnaire.

Mais ce qui suscite la polémique est surtout le fait que le document ministériel affirme aussi que les inégalités n'ont pas reculé à cause des « élites ». Ces dernières auraient cherché à imposer leurs propres normes, contribuant ainsi à une « intimidation sociale » qui éloignerait le peuple de la culture légitime. La « culture pour chacun » a donc officiellement pour but de réhabiliter les cultures populaires méprisées par les élites.

Ces mots ont provoqué l’indignation de nombreux artistes. David Jisse (auteur, compositeur, interprète) ne décolère pas dans une colonne du Monde en décembre 2010: « De passeur de culture, je deviens donc l'ennemi puisqu'à vouloir faire découvrir l'art contemporain, j'effraie à coup sûr les masses populaires. Non seulement mes activités de transmission sont suspectes mais ma pratique artistique "intimide" (…) Proposer de "faire accéder le populaire au rang des intérêts culturels de notre patrimoine de la création française" et d'"explorer les conditions d'une mutation des frontières du champ culturel", c'est opposer des pratiques exigeantes à celles qui par conséquent ne le seraient pas. C'est ignorer les nombreux artistes talentueux qui travaillent à ces passerelles entre le populaire et le savant sans essayer de sacraliser ni un versant ni l'autre, sans penser que leur pratique est tellement "intimidante" qu'elle va empêcher la créativité de s'épanouir. » Il termine sur ces mots : « Mais de grâce, n'inventons pas un système faussé et culpabilisant, qui en plus d'être peu respectueux des acteurs sincères de la culture, accentue justement le clivage social que nous tentons tous les jours de combler… »

Pour l’historien Gérard Noiriel, il s'agit de mettre en oeuvre, dans le domaine culturel, la politique identitaire de Nicolas Sarkozy. « Prôner une « culture pour chacun », c'est encourager l'enfermement des groupes et des communautés dans « leur » culture originaire. La promotion de « l'identité nationale » pouvant parfaitement se conjuguer avec la défense des minorités. Sous prétexte de protéger le peuple contre la domination des « élites », cette nouvelle politique culturelle ne peut que priver les plus démunis des ressources leur permettant d'échapper à leur milieu d'origine, en leur interdisant les formes de mobilité sociale dont certains d'entre nous ont bénéficié autrefois, grâce aux militants de la « culture pour tous ».

 

Le Syndeac, le syndicat principal du spectacle vivant, lui s’inquiète de l’avenir de la culture. « En Italie et en Grande-Bretagne aussi, on a commencé par dénoncer l'élitisme avant de démanteler les institutions culturelles. » Avec l'abandon de la « culture pour tous », les professionnels redoutent un désengagement de l’Etat.

 

D’autres argumentent que la culture n'est pas celle que quelques uns choisissent pour « tous » mais celle que « chacun » se forge dans la totale légitimité de ses choix. Elle est donc profondément diverse, non seulement parce que chacun est singulier, différent des autres mais aussi parce que l’humanité est diverse.

 

Et beaucoup ne comprennent pas pourquoi la question de l'aide à la création et à sa diffusion n'est pas abordée dans la note, encore moins le fait que le mot « art » y est totalement est absent.

 

 

Frédéric Mitterrand renonce à commémorer Céline lors des Célébrations Nationales 2011… à tort ou à raison ?

 

En janvier 2011, le ministre de la Culture et de la Communication provoque encore la polémique avec l’annonce de la commémoration de la mort de l’écrivain Louis-Ferdinand Céline dans le « Recueil des célébrations nationales 2011 ». Céline est, en effet, considéré comme un auteur de talent, voire un génie, mais il était aussi un antisémite notoire.

 

Le président de l'Association des fils et filles de déportés juifs de France, Serge Klarsfeld, réclame immédiatement  « le retrait immédiat de ce recueil ». A ses yeux, « les immondes écrits antisémites » de Céline rendent un tel hommage inadmissible. « Frédéric Mitterrand doit renoncer à jeter des fleurs sur la mémoire de Céline, comme François Mitterrand a été obligé de ne plus déposer de gerbe sur la tombe de Pétain ».

Deux jours plus tard, en accord avec l’Elysée, Frédéric Mitterrand annonce donc le retrait du recueil. « Après mûre réflexion, et non sous le coup de l'émotion, j'ai décidé de ne pas faire figurer Céline dans les célébrations nationales (…) ce n'est en aucun cas un désaveu à l'égard du Haut Comité (chargé d'établir la liste des personnalités) mais (…) une inflexion que j'assume pleinement.»

 

Il est pourtant difficile de ne pas y voir une volte-face. Pourquoi ne pas avoir décidé de s'y opposer avant que le recueil ne soit imprimé à environ 10 000 exemplaires, c'est-à-dire dès l'automne 2010? Par ailleurs, il a lui-même signé un avant-propos enflammé où il se félicite qu'y soit évoquée « une histoire de France propre à charmer nos imaginations et nos esprits contemporains ».

 

Mais ironie du sort, cette décision suscite elle aussi la colère et l'incompréhension parmi les universitaires et les écrivains : le ministre est accusé de censure.

 

Henri Godard, président du haut Comité chargé d’établir la liste des personnalités du recueil, « tombe des nues » en apprenant que sa notice a été « censurée ». « Quand j'ai voulu me présenter au ministre, celui-ci m'a tourné le dos, il m'a seulement dit : «Pas de polémique, pas de polémique». J'ai le sentiment d'avoir été piégé. Je suis furieux. » Il rappelle notamment que l'inscription, en 1974, de Voyage au bout de la nuit au programme de l'agrégation n'avait soulevé aucun problème et déplore une « incroyable régression ».

 

Alain Corbin, membre du Haut Comité et historien dit, quant à lui, qu'il comprend la décision du ministre, mais qu'il ne l'approuve pas. « C'est une affaire très délicate. D'un côté, je conçois très bien que la présence de Céline puisse blesser dans leur chair les survivants de la Shoah ou leurs descendants. Mais, d'un autre côté, on risque ce faisant d'ouvrir la voie à des débats sans fin : il y aura toujours quelqu'un pour dire qu'il est inadmissible de célébrer Thiers parce qu'il a écrasé la Commune, Turenne parce qu'il a ravagé le Palatinat et Rousseau parce qu'il a abandonné ses enfants. »

 

Parmi les intellectuels, la décision de Frédéric Mitterrand est également loin de faire l'unanimité. Fervent défenseur de l'oeuvre de Céline, le romancier Philippe Sollers se dit « absolument atterré (...) Le ministre de la culture est devenu aujourd'hui le ministre de la censure. »

 

Le comédien Fabrice Luchini, qui a longtemps fait salle comble en récitant du Céline, juge cette polémique « consternante » et « insoluble ». « Va-t-on retirer des librairies Voyage au bout de la nuit ? », ironise-t-il.

 

Le philosophe juif Bernard-Henri Lévy, lui, estime qu’il ne faut pas s’opposer à la commémoration de Céline. « Cette commémoration doit précisément servir à explorer l'énigme qui fait que l'on peut être à la fois un très grand écrivain et un parfait salaud. »

Alain Finkielkraut est du même avis : « Il nous faut assumer l'héritage contradictoire de Céline. Jamais un lycée de France ne doit porter le nom de Céline, mais je ne suis pas sûr qu'un tel écrivain ne doive pas faire l'objet de commémoration. Je suis surtout très inquiet des conséquences de cette décision, car cela va accréditer l'idée que le «lobby juif» fait la pluie et le beau temps en France. »

 

Commémorer ou célébrer ? Tel est le fondement du problème pour l'historien Jean-Noël Jeanneney, membre du Haut Comité. « Cela fait plusieurs fois que je dis que ce recueil porte mal son nom. La notion de célébration est ambiguë. Si on parlait de «commémoration» plutôt que de «célébration», il n'y aurait plus d'ambiguïté. Quand j'ai présidé la mission du bicentenaire de la Révolution française, il me semblait légitime de célébrer la Déclaration des droits de l'homme, mais il aurait été absurde de ne pas commémorer la Terreur. »

 

Serge Klarsfeld a, lui, exprimé son "très grand soulagement (…) Je félicite Frédéric Mitterrand d'avoir eu le courage de désavouer ceux qui, dans son ministère, ont accepté que Céline figure dans ce recueil."

 

Le journaliste Maurice Szafran est d’accord. Selon lui, il est inconcevable que la République rende hommage à Céline et il ne comprend pas la controverse. « C’est en effet se tromper et vouloir nous égarer, que de confondre l’interdiction de cette célébration et la censure. La censure de Céline, ce serait interdire la diffusion de ses livres; la censure de Céline, ce serait s’opposer aux dizaines de colloques qui, chaque année, s’interrogent sur sa littérature; la censure de Céline, ce serait interdire sa présence dans les dictionnaires et, en particulier, dans les dictionnaires littéraires. Ce n’est absolument pas le cas, ça ne viendrait d’ailleurs à l’idée de personne (…) Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a eu le mérite et le courage de reconnaître son erreur. Je n’éprouve aucune difficulté à l’en féliciter. »

 

Frédéric Mitterrand évince Olivier Py du l’Odéon

Autre bourde de Frédéric Mitterrand en avril 2011 lorsqu’il provoque une petite tempête dans le monde culturel en annonçant, contre toute attente, le remplacement d'Olivier Py à la tête de l'Odéon-Théâtre, à la fin de son mandat de cinq ans en mars 2012, par le metteur en scène suisse Luc Bondy.

 

Il est d’avis général que l’acteur et metteur en scène de 45 ans fait du bon travail et personne ne comprend pourquoi il n'est pas reconduit à ce poste. Y compris Olivier Py qui, dans un entretien au Monde,  explique qu’il est «passé de la colère à l'abattement, au désarroi (…) faire un seul mandat de cinq ans, ça ne s'est jamais vu, surtout avec mon bilan ! »  Incompréhension aussi sur la façon dont l’annonce a été faite. De nombreuses personnes pensent que le ministre s’est comporté d'une manière injuste et méprisante en convoquant Olivier Py pour lui annoncer tout de go son renvoi.

 

Certains artistes et personnalités de gauche lèvent alors les boucliers et décident de défendre Olivier Py contre un choix qui leur semble injuste. La présentatrice de TF1 Claire Chazal, également membre du Conseil d'administration du Théâtre de l'Odéon a ainsi signé une lettre ouverte avec le metteur en scène Jean-Pierre Vincent et Martine Tridde-Mazloum de la Fondation BNP Paribas. Tous les trois soulignent la « réussite » d'Olivier Py « qui a formidablement travaillé et continue de le faire », ajoutant que son départ serait regrettable.

 

L'Elysée aussi est agacé par "la précipitation" de M. Mitterrand, et souhaitait qu’il attende de trouver "une porte de sortie acceptable" à Olivier Py avant d’annoncer la décision publiquement.

 

Le ministre explique qu’il n’a pas « pu partager une vision commune » avec l'artiste et justifie sa décision par le besoin de « vider l'abcès à temps », sans préciser la nature de cet abcès. Et même s’il salue le bon bilan du directeur et metteur en scène, il estime que « quand on vous donne un outil formidable et que vous faites quelque chose de bien, cela ne vous rend pas propriétaire de l'outil ». Il tient aussi à assurer que sa décision n'a « bien sûr aucun rapport » avec le dernier spectacle d'Olivier Py, consacré à son oncle et ancien président, François Mitterrand. "Je n'ai pas de contentieux avec lui", affirme-t-il, se disant "meurtri" par la controverse.

 

Quelques jours plus tard, face à la polémique, le ministre calme les choses en proposant de nommer Olivier Py à la direction du festival d'Avignon, à partir de l'édition de 2014. Ce qui est une belle compensation. Olivier Py accepte. Il sera le premier metteur en scène à diriger Avignon depuis Jean Vilar.

 

Olivier Py se dit « triste de quitter l'Odéon, mais intensément heureux de prendre la direction d'Avignon. Je suis né spirituellement à Avignon, où je suis monté pour la première fois sur scène, en 1985, dans le off. » Il assure qu'il saura défendre "des auteurs et metteurs en scène dont le travail est à l'opposé" du sien, défendre aussi un théâtre de texte et il mettra en scène lui-même des spectacles.

 

Frédéric Mitterrand a également affirmé qu’il s’engage à ce que les artistes en résidence auprès d'Olivier Py soient maintenus. Au sujet de Luc Bondy, il évoque "l'un des hommes qui représentent le plus fortement cette idée de théâtre européen, hors frontières, hors générations".

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Quel avenir pour la Culture en France ?

La France est l’un des premiers pays à avoir insisté sur l’importance d’une politique culturelle en créant une administration à part entière au sein du gouvernement. Mais la rue de Valois n’a cessé de susciter des controverses et des doutes sur la validité de son existence depuis sa mise en place. Et de nombreuses personnes s’interrogent sur son avenir mais surtout sur l’avenir de la Culture.

 

Depuis quelques années, on pourrait croire que tout va bien pour le ministère de la culture et de la communication. Malgré des polémiques et débats houleux sur certaines réformes, il semble que les actions mises en place par et pour le ministère renforce son influence.

 

Les « entretiens de Valois », sorte de brainstorming national autour de la Culture qui a réuni dix mois durant, sous l’égide du ministère, tous les professionnels de la profession en 2008-2009, ont plus ou moins convaincu et de nouvelles pistes sur les politiques publiques du spectacle vivant ont été ouvertes.

 

Le périmètre du ministère s’est agrandi et embrasse un champ d'action qui couvre la société entière, des laboratoires de recherche aux réseaux diplomatiques en passant par la politique de la ville. Les médias et le numérique y ont une place prédominante.

 

Le 13 janvier 2009, les vœux du président Sarkozy au monde de la culture sont tombés comme un baume magique sur des plaies toujours prêtes à saigner : le ministère de la Culture a un sens, on annule le gel du budget pour la création (les annexes 8 et 10, du budget) qui consacrent le régime des intermittents du spectacle, sont un élément indispensable de la vie culturelle française.

 

Aujourd’hui, culture et développement économique vont de pair. Le ministère de la culture doit être pensé et valorisé comme un acteur de la vie économique dans une Europe où la valeur ajoutée du patrimoine et l'effervescence de la création sont des moteurs d'avenir.

 

Par conséquent, et pour couronner le tout, le budget du ministère est en hausse. En 2011, il augmente de 2,1% par rapport à 2010 (soit 154 millions d’euros de plus) et la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, en vigueur dans tous les ministères, ne s'appliquera pas dans les établissements d'enseignement supérieur dépendant de la Rue de Valois (sont concernées notamment l'Ecole du Louvre, les Ecoles nationales supérieures des beaux-arts, ou la Femis pour le cinéma).

 

Mais malheureusement, la réalité n’est pas si rose. Si l’enveloppe 2011 est en légère hausse, la dotation n’augmente pas du fait de l’inflation. En clair, le budget est simplement stabilisé, mis à part pour certains secteurs comme le patrimoine et les industries culturelles. Le budget de l’audiovisuel extérieur est, quant à lui, en baisse et RFI ne cesse de voir le nombre de ses salariés diminuer. L’application de la RGPP (révision générale des politiques publiques) a, en général, entraîné la suppression de centaines de postes par an.

 

Quant à la Culture au sens propre, elle ne bénéficie pas toujours des actions du gouvernement. Si le périmètre du ministère s'est agrandi, l'art y semble parfois presque marginal, au point que sa dénomination a depuis longtemps inclus la communication. Les médias sont désormais des vecteurs de pensée plus majoritaires que la littérature et les arts.

 

Le rayonnement culturel de la France, ou plutôt l'administration des centres culturels à l'étranger, est en crise. Cette crise est budgétaire, mais surtout de stratégie et de gouvernance, voire de sens. La rue de Valois n’est même pas maître des opérations : c’est le ministère des Affaires étrangères qui en a la charge.

 

Par ailleurs, un Conseil de la création artistique, présidé par Nicolas Sarkozy et directement rattaché à l'Elysée a été mis en place. Quels que soient la bonne volonté de ses membres, sa création traduit une double dérive. Celle de l'hyper-présidentialisation, qui s'affiche dans la culture comme ailleurs, et celle du dessaisissement du ministère de la culture, ainsi concurrencé et « doublé par la capacité de conception et de proposition conférée au Conseil, et dès lors poussé à l'appauvrissement intellectuel ainsi qu'au découragement des compétences, des savoir-faire et des expériences acquises qu'il recèle. »

 

Selon Sylvie Robert, secrétaire nationale à la culture, et Karine Gloanec-Maurin, secrétaire nationale adjointe à la culture, qui ont écrit en novembre 2009 dans Le Monde,  le "triste" anniversaire du ministère de la culture,  « Nous assistons malheureusement à un étouffement voulu par l'actuel pouvoir de la politique culturelle nationale. Le ministère mène une action de moins en moins visible. Il est devenu une administration de gestion, sans imagination, qui n'a pas su s'adapter au monde d'aujourd'hui, qui censure Internet, ignore les pratiques innovantes, la mondialisation et néglige le rôle prépondérant des collectivités territoriales à la fois premiers financeurs mais aussi véritables acteurs  de la vie culturelle. »

 

De nombreuses personnes pensent que si Nicolas Sarkozy, tenté au début de son mandat par la disparition du ministère de la Culture, a préféré confirmer son existence pour ne pas déclencher la colère des milieux culturels, réputés influents, il en a fait une coquille vide.

 

Les syndicats et les professionnels s’inquiètent de l’avenir de la culture plus que du ministère lui-même. Certains se demandent même s’il ne doit pas être réduit en une simple agence, fusionner avec l'éducation nationale, l'enseignement supérieur, ou la recherche et les nouvelles technologies, voire totalement supprimer.

 

Pourquoi le fusionner? Certains avancent l’idée qu’il est nécessaire que la culture ne soit plus identifiée, réduite et isolée aux seules expressions artistiques que constituent le spectacle vivant et les festivals. Etre cultivé ne doit pas relever de l'exception, et c'est en liant éducation et culture qu'il est possible d'empêcher cela. L'éducation assurée par l'école publique est, pour une grande majorité, la seule chance de s'approprier les fondamentaux que sont le français, les langues étrangères, les mathématiques, l'histoire, la géographie et les sciences humaines. La culture ne peut se contenter d'être vécue occasionnellement, elle doit être ce partenaire quotidien de l'éducation. Les artistes et les professionnels de l'action culturelle pourraient alors s'inscrire au coeur du projet éducatif national et ainsi « démocratiser » la Culture.

 

Dans un entretien au Monde en décembre 2008, Jean-Jacques Aillagon, président du château de Versailles et ancien ministre de la Culture lui-même, se pose la question de la suppression complète de la rue de Valois. Il critique le travail accompli par le ministère : « Depuis de longues années, son action est devenue peu compréhensible et perçue comme injuste (…) en étant souvent le résultat d'aléas et de l'influence personnelle des élus, plus que d'une vision déterminée.» L’action territoriale n’est pas rationalisée, et les collectivités locales sont devenues les acteurs centraux de la vie culturelle.

Selon lui, son rôle devrait se limiter à subventionner les institutions et définir des  programmes forts et lisibles qui bénéficient de budgets d'intervention importants. « Empiler les subventions ne fait pas une politique (…) Arrêtons le saupoudrage au profit d'axes clairs. » Il avance même l’idée d’éventuellement supprimer le ministère : « Les missions de l'Etat en matière de culture sont plus importantes que la structure. La question peut donc se poser. Mais elle est politiquement taboue. La France a développé un attachement quasi religieux pour ce ministère. Vouloir le bouger, c'est être accusé de brader la culture, d'être inculte, d'ouvrir la voie au libéralisme pur, dur et sans âme. Si je n'étais qu'un observateur sur Sirius, je verrais des avantages dans le système d'avant 1959 : des actions culturelles, sans ministère. En tant qu'acteur engagé, je sais que c'est impossible. Maintenons ce ministère, donnons-lui plus de moyens, mais qu'il fasse sa révolution. »

 

Une fusion ou un démantèlement de la rue de Valois n’est évidemment pas au goût du jour et provoquerait sans doute un tsunami dans le monde culturel mais le ministère semble conscient que le système et les politiques actuels doivent être améliorés.  En mars 2011, un rapport inédit, intitulé « Culture & médias 2030 », a été remis  à Frédéric Mitterrand sur les enjeux majeurs et la prospective stratégique des politiques culturelles des vingt prochaines années.

 

Dissolution du Conseil de la création artistique

Un peu plus de deux ans après sa création, le Conseil de la création artistique a été dissous le 29 avril 2011.

Cette décision, prise d’un commun accord entre les membres du Conseil et le Président de la République serait justifiée par le fait que la mission confiée au Conseil au moment de sa création était limitée dans le temps et qu’elle serait achevée à la fin de l’année 2011. Selon l’Elysée, il appartient désormais au ministère de la culture et aux acteurs classiques du secteur de prendre le relais du travail de défrichage entrepris par le Conseil.

Et si le bilan du CCA reste pour l’instant difficile à mesurer, Nicolas Sarkozy a "rendu un vif hommage au travail accompli", a indiqué la présidence dans un communiqué, et a "chaleureusement remercié Marin Karmitz et tous les membres du Conseil de leur engagement personnel et bénévole dans cette expérience".

Mais la réalité est nettement plus contrastée. D’abord, la mission du Conseil n’était pas censée être de si courte durée ; au contraire, l’Elysée avait annoncé lors de la nomination de Marin Karmitz, qu’elle ne serait pas limitée dans le temps.

Par ailleurs, au sein même du Conseil, on reconnaît que tous les projets n'ont pas été un succès. Le festival Walls and Bridges, organisé en février 2011 afin de promouvoir la culture française à New York, n'aurait pas vu le jour sans le Conseil. Tout comme le projet Demos et son orchestre de jeunes issus de quartiers sensibles, pour lequel un financement de trois ans est assuré. De même, pour le Centre Pompidou qui a reçu un soutien financier significatif pour son programme de musée mobile qui doit être lancé prochainement.

En revanche, la Colline des arts, qui devait impulser une dynamique entre les nombreux musées et institutions culturelles autour de la colline de Chaillot n'a toujours pas  pris forme.

Quant à l'initiative baptisée « Imaginez maintenant », pour laquelle le Conseil avait investie le plus d'énergie et le plus grand effort de communication, s'est soldée par un échec. Peu de collectivités ont accepté de mettre à disposition des lieux emblématiques pour de jeunes créateurs. Et le public, convié en juillet 2010, a boudé les sites choisis. La proposition de reconduction de l'opération  à l'été 2011 n'a  pas été retenue par le ministère.

Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand n'a, en effet, jamais déployé une franche ardeur à soutenir le Conseil de la création artistique. Et il semble que l’hostilité persistante d’une grande partie du monde de la culture ait eu raison du laboratoire d’idée.

 

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Création: 3 février 1959
Budget annuel: 7,5 milliards d’euros
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Ministère de la Culture et de la Communication

Aurélie Filippetti
Ministre de la Culture et de la Communication

Aurélie Filippetti est née le 17 juin 1973 à Villerupt (Meurthe-et-Moselle), en Lorraine. Normalienne et agrégée de Lettres, elle commence se carrière comme enseignante avant de rejoindre Les Verts au début des années 2000, où elle est remarquée par Yves Cochet. Six ans plus tard, elle claque la porte du parti et rejoint Ségolène Royal et le Parti socialiste en 2007, puis François Hollande en 2011.

Des mines de la Lorraine à Normale sup

Aurélie Filippetti est née dans un foyer modeste et a grandi à Audun-le-Tiche, en face d'une usine sidérurgique. Son père Angelo Filippetti est un ancien mineur de fond, délégué CGT et militant communiste. Il devient ensuite conseiller général puis maire communiste d'Audun-le-Tiche, de 1983 à 1992 (année de son décès).

Son grand-père paternel est un immigré italien. Il est venu s'installer en France  pour travailler dans les mines de fer de la Lorraine. Résistant, il est arrêté pendant la Seconde guerre mondiale par la Gestapo, alors qu'il se trouve au fond d'une mine, et est déporté dans un camp de concentration avec ses deux frères.

Très attachée et respectueuse de cette histoire familiale et de ses racines, Aurélie Filippetti raconte l'histoire de ce grand-père dans un premier roman intitulé « Les Derniers jours de la classe ouvrière », publié en 2003. Le livre est salué par la critique et connaît un vif succès.

Très jeune, Aurélie Filippetti aime étudier et à une passion pour la lecture. Elle plusieurs fois déclaré « avoir été sauvée par la littérature ». Lors de la passation de pouvoir le 17 mai dernier, au ministère de la Culture et de la Communication, rue de Valois, Aurélie Filippetti a offert à son prédécesseur, Frédéric Mitterrand, un livre de l'écrivain napolitain Erri de Luca, intitulé « Et il dit ».

 

Après son bac, la jeune étudiante quitte sa Lorraine natale pour poursuivre ses études à Lyon, où elle intègre l'Ecole normale supérieure (ENS) de Fontenay-Saint-Cloud.

Normalienne et agrégée de Lettres classiques, elle est, dans un  premier, professeur remplaçante dans des collèges de banlieue, puis au lycée Pasteur de Neuilly-sur-Seine.

En 2006, Aurélie Filippetti publie un second roman « Un homme dans la poche », dont le succès n'est pas comparable au précédent.

Début de carrière chez les Verts

avec un père militant et élu local et un grand-père résistant, Aurélie Filippetti est, dès son plus jeune âge, bercée aux rouages de la politique et aux arcanes du militantisme.

Sensible à l'écologie, Aurélie Filippetti adhère au Parti des Verts, après les élections européennes de 1999 où la liste des Verts conduite par Daniel Cohn-Bendit obtient 9,7% des voix, permettant aux Verts d'obtenir neuf sièges de députés au Parlement européen de Strasbourg.

En 2001, Aurélie Filippetti est repérée en 2011 par Yves Cochet, alors ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire du gouvernement de Lionel Jospin, qui lui propose d'intégrer son cabinet. La fille du mineur communiste et élu d'Audun-le-Tiche fait ses premiers pas en politique.

 

La même année, elle est élue conseillère municipale du Ve arrondissement de Paris, au côté de Lyne Cohen-Solal. Tête de listes des Verts au Premier tour, elle  obtient 13,75% des voix.

 

En 2002, elle se présente aux élections législatives mais n'obtient que 6,55% des voix dans la deuxième circonscription de Paris (totalité du Ve arrondissement et la partie sud du VIe arrondissement). Un an plus tard, elle devient Secrétaire départementale des Verts de Paris et porte-parole.

 

Aurélie Filippetti est vivement critiquée par son Parti pour avoir émis l'idée, au début de l'intervention américaine en Irak, de défiler avec un drapeau israélien et palestinien. « Nous sommes tous des sionistes pro-palestiniens », affirme-t-elle dans les colonnes du journal Libération.

 

La transfuge des Verts rejoint le PS de Ségolène Royal

En 2006, Aurélie Filippetti émet le souhait de revenir dans sa région natale et de se présenter aux élections législatives de 2007 en Lorraine. Le Conseil national inter régional des Verts (CNIR) refuse d'accéder à sa demande d'investiture dans la circonscription de Longwy, lui préférant une autre élue locale de Lorraine.

 

En octobre 2006, la jeune femme claque la porte des Verts. Quelques jours plus tard, elle est approché par Patrick Mennucci, l'un des conseillers de Ségolène Royal, candidate socialiste à l'élection présidentielle de 2007. Très vite les deux femmes se lient d'amitié. Comme elle, Ségolène Royal bien a grandi en Lorraine.  Aurélie Filippetti devient sa conseillère spéciale environnement, culture, éducation et sujets de société.

 

Elle devient surtout l'une de ses plumes, lui écrivant des notes sur la Lorraine et sur l'Ecologie et dont Ségolène Royal se sert pour argumenter ses positions.

 

En mai 2007, Aurélie Filippetti est pressentie pour représenter le Parti socialiste à Longwy, septième circonscription de la Meurthe-et-Moselle. Finalement, elle est investie à Rombas-Bouzonville, dans la huitième circonscription de la Meurthe-et-Moselle et dont le Député sortant ne se représente pas. Face à l'UMP Alain Missoffe, fils d'un ancien ministre de Charles de Gaulle et frère de Françoise de Panafieu, Aurélie Filippetti l'emporte au second tour des législatives, avec près de 51% des voix. Le 17 juin 2007, jour de ses 34 ans, elle fait son entrée à l'Assemblée nationale.

 

Une députée remarquée et tenace

 

A l'Assemblée nationale, Aurélie Filippetti se fait remarquer par sa ténacité et son travail acharné.

Pendant plusieurs mois, elle rapporte et se fait l'écho, à l'Assemblée nationale, du combat mené par les ouvrières d'Arcelor-Mittal, notamment après la fermeture des deux derniers hauts-fourneaux de Gandrange et Florance. Elle s'oppose avec fermeté à la majorité UMP à l'Assemblée nationale et au Président Sarkozy pour ne pas avoir tenu et respecté ses promesses et ses engagements pris à Gandrange.

La jeune femme a également longuement bataillé contre le projet de loi puis l'adoption de la loi Hadopi.

 

En juin 2009, Aurélie Filippetti est candidate aux élections européennes sur la liste de Catherine Trautmann, députée européenne sortante dans la circonscription Nord-Est et ancienne ministre de la Culture et de la Communication du Gouvernement Jospin. En troisième position sur la liste qui n'obtient que deux élus et 17,8%, Aurélie Filippetti n'est pas élue.

Ses orientations au sein du Parti socialiste

Longtemps encartée chez les Verts, Aurélie Filippetti apporte son soutien à la candidate socialiste à l'élection présidentielle Ségolène Royal, en novembre 2006.

 

Elle est porte-parole puis vice-présidente de la « Convention pour la 6e République (C6R) », un groupe de réflexion politique français fondé en avril 2001 par le socialiste Arnaud Montebourg. Elle adhère ensuite au courant pro-Royal « L'espoir à gauche ».

 

Conseillère spéciale de Ségolène Royal pendant la campagne de 2006, Aurélie Filippetti se serait progressivement éloignée de la candidate. La rupture aurait eu lieu au lendemain du Congrès de Reims de 2008, lors de l'échec de Ségolène Royal face à Martine Aubry à prendre les rênes du Parti socialiste.

 

Au Printemps 2011, après la catastrophe de Fukushima qui a frappé le Japon, Aurélie Filippetti a été rappelé à l'ordre par Martine Aubry, Première secrétaire du PS, pour avoir dénoncé la « vision dépassée » du Parti socialiste sur le nucléaire.

 

Pendant la primaire socialiste de 2011, Aurélie Filippetti a soutenu le candidat François Hollande. Elle a été, pendant sa campagne, en charge des questions liées à la Culture.

Quelques heures après sa nomination au ministère de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti a annoncé qu'elle quitterait le Gouvernement si elle venait à perdre les élections législatives de juin 2012. Elle est candidate dans la première circonscription de la Moselle.

Autres engagements

 

Outre sa passion pour l'écriture et son intérêt pour la vie des mineurs, Aurélie Filippetti a un intérêt particulier pour le cinéma. Elle est présidente du Festival international du documentaire (FID), qui se tient chaque année à Marseille.

 

La femme derrière la politique

Aurélie Filippetti est extrêmement discrète sur sa vie privée. Elle n'est pas mariée, et a un enfant d'une union précédente.

En mars 2009, elle s'est rendue dans un commissariat de police pour y déposer une plainte pour "violences" contre son conjoint l'économiste, Thomas Piketty. « Je suis sortie du commissariat à 22h30 et à 6 heures le lendemain matin, l'information était dans le Figaro », a dénoncé la Députée qui souhaitait que cette affaire reste privée.

 

Ouvrages

-« Les Derniers jours de la classe ouvrière », Stock, 2003

-« Un homme dans la poche », Stock, 2006

-« L'école forme-t-elle encore des citoyens », co-écrit avec Xavier Darcos.

 

Synthèse de ses fonctions politiques

 

-2001 à 2002 : conseiller technique au cabinet du ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire, Yves Cochet

-2001 à 2007 : conseillère municipale du Ve arrondissement de Paris

-2007 à 2009 : porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée nationale

-Depuis 2007 : députée de la 8e circonscription de Moselle

-Depuis 2008 : membre du bureau national et du conseil national du Parti Socialiste

-Depuis 2009 : secrétaire nationale du PS, chargée des questions énergétiques

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Frédéric Mitterrand
Ministre de la Culture

Frédéric Mitterrand est un homme à multiples casquettes : scénariste, animateur de télévision, producteur-réalisateur de documentaires et de longs métrages, directeur de l'Académie de France à Rome, écrivain. Le 23 juin 2009, il est nommé ministre de la Culture et de la Communication par Nicolas Sarkozy.

Né le 21 août 1947 à Paris 16e, il est le fils de Robert Mitterrand, ingénieur, et d’Edith Cahier ; mais il est plus connu comme étant le neveu de François Mitterrand (Président de la République de 1981 à 1995).

A douze ans, il apparaît pour la première fois à l’écran sous le nom de Frédéric Robert dans le film Fortunat aux côtés de Michèle Morgan et de Bourvil. Il joue le fils d’un chirurgien arrêté par la Gestapo en France en 1942. Frédéric Mitterrand garde un bon souvenir du tournage. En 2010, alors que Michèle Morgan souffle ses 90 bougies au Fouquet, il vient lui rendre hommage. Il l’appelle sa « maman de cinéma » ; elle le surnomme son « petit Frédéric ». D’un même chœur, ils célèbrent ce jour-là, les louanges de Bourvil. Mais il avoue : « Hélas, j'étais mauvais acteur et je n'ai pas continué. »

Apres avoir suivi des études au Lycée Janson de Sailly, il obtient une licence d’histoire et de géographie à la Faculté de Nanterre. En 1968, il sort diplômé de l'Institut d'Études Politiques (IEP) de Paris dans la section service public. Il passe ensuite un doctorat d'histoire et géographie tout en exerçant pendant trois années le métier de Professeur d'économie, d'histoire et de géographie à l'Ecole bilingue de Paris. Mais il abandonne rapidement l’enseignement pour se consacrer à sa passion : le cinéma et la télévision.

En 1971, Frédéric Mitterrand entame une carrière de gérant de salles de cinéma. Il dirige la salle Olympic dans le 14eme, qu’il rachète par la suite ; puis l’Olympic Palace qu’il restaure. En 1975, il crée un réseau d’une dizaine de salle Art et Essai, puis ouvre l’Olympic-Entrepôt en 1977. Deux ans plus tard, il reprend le Bilboquet et change son nom en Olympic Saint-Germain, ainsi que Les 3 Luxembourg de Charles Rochman en 1983, qu’il rebaptise Olympic-Luxembourg. Entre 1980 et 1984, il travaille également aux côtés de Jean-Jacques Schpoliansky au Balzac.

A cette période, Mitterrand apparaît comme un cinéphile dandy, avec son foulard violet et son gros cigare, patron médiatique de salles de cinéma d'art et d'essai ; « affectif, drôle, intelligent, cultivé, il séduisait déjà tout le monde », se souvient son ancien collaborateur Jean Hernandez. Il se permet une programmation ambitieuse, de Pasolini à Duras, des comédies musicales égyptiennes aux grands films hollywoodiens. Pour les 10 ans de sa société, il loue l'Olympia et apparaît devant le tout-Paris, perché sur un trapèze, déguisé en Lana Turner. C'est l'apothéose, mais aussi le début de la fin. La fin d'une passion amoureuse avec un de ses collaborateurs, dont il fera son film, Lettres d'amour en Somalie (en 1981). La fin d'un cauchemar financier dont il n'aime pas parler, mais qui le laisse ruiné et endetté pour quinze ans.

Au début des années 80, il se lance dans une nouvelle carrière de producteur, réalisateur et animateur d'émissions de télévision. Doté d'une voix lasse et nasillarde, et passionné autant par le gotha mondain et les grands personnages historiques que par le cinéma, Frédéric Mitterrand réalise et/ou présente de nombreuses émissions de cinéma ou consacrées aux grands de ce monde. Il fait ses débuts sur TF1 mais il est remercié par la chaine en 1988. Il dit en avoir « beaucoup souffert ». Il rejoint alors Antenne 2. On lui doit entre autres Etoiles et toiles (1981-86), Ciné-Fêtes (1984), Acteur Studio (1986-87), Permission de minuit (1987-88), Destins (1987-88), Du côté de chez Fred (1988-91), Bonjour la télé (1988-89), Etoile Palace (1990), C'est votre vie (1993-94), Les Amants du siècle (1993-94), Caravane de nuit (1994), Ciné-Club (1996), Légendes du siècle (1996-97), Les Aigles foudroyés (1997), Cercle des arts (1997-98), Mémoires d'exil (1999), Hymne à la voix (1999), Plaisirs de France (2001), 24 heures en direct de (2002), etc. Il devient également l'un des commentateurs attitrés des cérémonies royales sur le petit écran.

La télévision se révèle un bon outil pour regagner l'argent perdu et faire connaître ses dons de conteur. Frédéric Mitterrand subjugue ou énerve, mais ne laisse pas indifférent avec son style précieux, ses génériques nostalgiques et ses périphrases extatiques. Ses collaborateurs ont souvent admiré la facilité incroyable avec laquelle il écrit. Avec lui, un tramway se transforme en un « jouet mécanique pour simulacre de voyage au long cours et supplément de charme pour panoplie de cité moderne. » Mais on lui reproche son manque de recul, notamment sur son portrait flatteur du shah d'Iran. Il répond qu’il n'est pas historien. Il se surnomme avec autodérision « le Shakespeare des supérettes».

L’autodérision, l’auto-caricature sont, en effet, deux grands traits de sa personnalité. Monsieur « bonsoooarr » jubile lorsqu'il « interviewe » deux chaises vides pendant toute une émission parce que ses invités, Juliette Binoche et Léos Carax, se disputent en coulisses. Mais c’est aussi quelqu’un de sensible, qui plus jeune était introverti, complexé et décalé dans sa sexualité. Il dit que la télévision a nourri son « besoin d’être admis et regardé» ; mais il y a rencontré beaucoup de « monstres, surtout féminins : en face, je devenais un paillasson, je faisais la roue, je déprimais, j'étais malheureux », raconte-t-il. « Frédéric est un affectif qui s'est pris des claques, se fait systématiquement refiler les bébés chats et les voitures pourries parce qu'il ne sait pas dire non», sourit un vieil ami. « Mais il a aussi un vrai goût de la catastrophe ! Et endosse avec facilité l'habit de victime quand il raconte sa vie. » 

On le sait aussi capable de coups d’éclat, comme lorsqu’en 1990, il dépose par terre son Sept d’or (de la meilleure émission de divertissement pour Carte Blanche), afin de protester contre l'état du service public. Ce que l’on sait moins, c’est que le lendemain il envoyait ses excuses au président de la chaîne : « J'étais allé trop loin. »

Mais à force d’accumuler les soirées starlettes, des émissions de variété ratées et des publicités lucratives, Frédéric Mitterrand passe de mode. Trop cultivé et vieille France pour les people, trop paillettes et dilettante pour les « cultureux », il est boudé par le public.

Cependant l’actuel ministre de la culture a toujours su rebondir. Certes, il n'arrive plus à vendre ses documentaires, se dit « blacklisté » chez Arte, ne vient plus sur France Télévisions qu'invité par Fogiel et pour présenter le cinéclub ; mais il continue ses interviews intimistes, parfois mielleuses souvent émouvantes, sur Match TV et Europe 1.

En 1997, il se lance, en effet, dans la radio. Il anime une émission littéraire sur Europe 1 jusqu’en 2006 ; et de 2002 à 2006, l'émission d'entretiens Ça me dit sur France-Culture. Il fait aussi dans la presse écrite et pige pour Télé Poche et Têtu.

Homosexuel militant, il collabore également à la chaîne Pink TV où il présente en 2005, l’émission Ca s’est passé comme ca.

De 2003 à 2005, à la demande de son ami Serge Adda, président de TV5, il dirige les programmes de la chaîne française à destination des francophones de l'étranger.  « Son nom nous fait de la pub, mais on pensait que le poste serait bidon. En fait, il travaille vraiment,» commente un salarié. Il séduit même. « Il a un incroyable charisme, il est psychologue, sait écouter les gens et utiliser leurs défauts », témoigne une collaboratrice.

Tout au long de sa carrière, Frédéric Mitterrand produit également plusieurs films et documentaires. Il joue son propre rôle dans Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet (2001). Il écrit aussi quelques livres, dont La Mauvaise vie en 2005, une autobiographie en deux volumes où il fait son coming out. Le livre connaît un beau succès avec près de 180.000 exemplaires vendus au moment de la sortie en librairie.

Il occupe, par ailleurs, diverses responsabilités comme Commissaire général de la saison tunisienne en France en 1996, de l'année du Maroc en 1999 et de la Saison tchèque en 2002. Au Centre National de la Cinématographie (CNC), il préside la Commission Fonds Sud de 1998 à 2000  et la Commission d'avance sur recette de 2001 à 2003.

Sur le plan politique, Frédéric Mitterrand est difficilement étiquettable. Grand admirateur des monarchies et des royautés, fasciné par De Gaulle, il a soutenu pendant un temps son oncle socialiste François Mitterrand, puis a adhéré en 1993 au Mouvement Radical de Gauche (MRG) avant de plébisciter deux ans plus tard la candidature de Jacques Chirac à la présidence de la République. Il ne prend pas position lors de l’élection présidentielle de 2007.

En juin 2008, il est nommé directeur de l'Académie de France à Rome (Villa Médicis) par Nicolas Sarkozy. Mais il fait rapidement part de son ennui à ce poste.  Un an plus tard, le Président le propulse au poste de Ministre de la Culture en remplacement de Christine Albanel, affaiblie par la censure partielle de la loi Hadopi contre le piratage sur Internet.

Mais Frédéric Mitterrand fait des débuts maladroits. Il ne respecte ni le protocole ni les usages. Il agit et réagit plus en artiste passionné et en électron libre, notamment de sa parole, qu'en politique pour qui chaque mot, chaque visite de musée compte. « Il est si heureux d'être là », s'en amuse Jack Lang, ex-ministre de la Culture de François Mitterrand, qui l'aime bien.

Le premier couac intervient avant même sa nomination. Il a tellement envie de confier sa joie à son équipe de la Villa Médicis, qu'il devance l'annonce du remaniement ministériel. Rebelote en septembre 2009, lorsqu’il donne le nom de son successeur à la Villa Médicis, Eric de Chassey, dans un entretien au quotidien italien La Stampa… une fois de plus, avant le communiqué officiel de l'Elysée.

Frédéric Mitterrand est imprévisible. Il bouscule son agenda pour un article lu dans la presse ou un conseil livré par un ami. Il lui suffit d'entendre le chef d'orchestre Hervé Niquet à la radio pour qu'il décide de faire un saut au festival baroque de Saintes.

En septembre 2009, il apporte son soutien total au réalisateur Roman Polanski qui, poursuivi aux Etats-Unis depuis 1977 pour une affaire de crime sexuel et délit de fuite, est arrêté en Suisse sur mandat d’arrêt américain. Le ministre juge « absolument épouvantable » l'arrestation du cinéaste « pour une histoire ancienne qui n'a pas vraiment de sens. » Il suscite immédiatement la colère d'associations de victimes, telle que « Innocence en danger » qui le somme de s'expliquer sur ce qu'elle juge comme des propos complaisants à l'endroit d'un crime sexuel, d’autant plus que la jeune fille violée était, à l’époque, une mineure de 13 ans. Il provoque l’indignation et l’incompréhension de certains hommes politiques et de la presse étrangère, notamment anglo-saxonne.

Le cas Polanski rend le terrain propice aux attaques de Marine Le Pen un mois plus tard. Le 5 octobre 2009, la dirigeante du Front National l’accuse, lors d'un débat télévisé consacré à la récidive chez les délinquants sexuels, d’avoir pratiqué le « tourisme sexuel » et trouvé du plaisir à « payer des petits garçons thaïlandais. » Elle se sert, de façon déformée et hors contexte, d’extraits de son autobiographie La Mauvaise Vie parue en 2005 pour l’attaquer. Mitterrand réfute au journal de TF1 de Laurence Ferrari, avoir eu des relations sexuelles avec des mineurs et condamne avec fermeté tout tourisme sexuel et acte de pédophilie. S’il semble convaincre une majorité de personnes, l’ouvrage lui est toutefois régulièrement rappelé par des opposants politiques ; notamment quelques jours plus tard, lorsqu’une lettre révèle qu’en 2008 il est  intervenu en sa qualité de directeur de la Villa Médicis pour se porter témoin de moralité en faveur de deux jeunes - dont son filleul - impliqués dans une histoire de viol.

Il se fait alors médiatiquement plus discret jusqu'à la fin de l'année. Mais on ne peut s’empêcher de remarquer le nombre élevé de départs du ministère à cette époque. En décembre 2010, de l'équipe de 20 conseillers annoncée en août 2009, 10 ont quitté la maison. Diverses excuses sont avancées mais selon la rumeur, certains ont du mal à supporter le régime Mitterrand. « Il a de bonnes intuitions, le suivi est plus... disons difficile, ose un ancien. Enthousiaste un jour, il lui faut tout, tout de suite. Le lendemain, il est ailleurs. »

Cependant, le ministre connaît également quelques succès. Un des premiers dossiers qu’il doit gérer est le vote très controversé de la loi Hadopi, qui a couté son poste à Christine Albanel. Pendant les discussions, beaucoup pensent qu’il a allié précision technique et verve rhétorique, ce que n'avait pas réussi à faire son prédécesseur. En octobre 2009, il décide de restituer cinq fragments de fresques issus d’un tombeau égyptien acheté par le Louvre, alors que des doutes sérieux étaient nés sur la légalité de leur sortie du territoire égyptien. Il gère également sans problème  la mise en place de la nouvelle organisation du ministère ; et il réussit à garder le budget de la Culture au moins stable, si ce n’est en légère hausse.

Frédéric Mitterrand est reconduit le 14 novembre 2010 à son poste de ministre de la Culture et de la Communication. Mais dès les premiers mois de 2011, il ne cesse de faire parler de lui : le scandale Céline, l’éviction d’Olivier Py de l’Odéon…et surtout ses liens avec l’ancien président tunisien Ben Ali.

Le ministre de la culture fait partie des nombreux responsables français qui ont fait preuve de complaisance envers le dictateur tunisien alors qu’il réprimait sauvagement le mouvement populaire de contestation en janvier 2011. Pis, il avait jugé « tout à fait exagéré » de qualifier la Tunisie de Ben Ali de « dictature univoque ». Ces propos ont déclenché, en France comme en Tunisie, stupeur et consternation. Un peu plus tard, Frédéric Mitterrand fait volte-face et présente ses excuses au peuple tunisien dans une lettre ouverte publiée le 23 janvier par l'hebdomadaire de Tunis Réalités. « Alors que le peuple tunisien est parvenu par ses seules forces à se débarrasser de la chape de plomb qui pesait sur lui, je regrette profondément que mon attitude et les expressions qu'il m'est arrivé d'utiliser aient pu offenser des gens que j'ai toujours voulu aider et que j'admire et que j'aime. » Il tente aussi de justifier la nationalité tunisienne qui lui avait été octroyée par le président Ben Ali dans les années 1990 : « Il se trouve que, sans doute, peut-être, le régime a essayé de me récupérer en me donnant la nationalité, mais je n'ai pas fait de compromis, aucun », assura-t-il sur France Inter. Mais le mal est fait. « Triste pantalonnade » est l'un des commentaires les plus charitables que l'on a pu alors lire sur les journaux tunisiens en ligne.

 

Filmographie
1960 : Fortunat
1981 : Lettres d'amour en Somalie
1984 : Paris vu par… vingt ans plus tard
1995 : Madame Butterfly, adaptation de l'opéra de Puccini
1997 : Mon copain Rachid, court métrage de Philippe Barassat, narrateur
2001 : Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet, lui-même

Télévision
Frédéric Mitterrand a produit et animé des émissions de télévision comme Etoiles et toiles (1981-1986), Acteur Studio (1986-1987), Ciné-Fêtes (1984), Permission de minuit (1987-1988), Etoiles (1987-1992), Destins (1987-1988), Etoile Palace (1990), Du Côté de chez Fred (1988-1991), C'est votre vie (1993), Les Amants du siècle (1993), Caravane de nuit (1994).


Il a reçu en 2003 le prix Roland Dorgelès (qui distingue deux professionnels de l'audiovisuel pour leur attachement à la qualité de la langue française.) La même année; il est nommé directeur général délégué chargé des programmes et de l’antenne de TV5.

Documentaires
- Deux séries sur la chute des monarchies au début du XXe siècle : « Les Aigles foudroyés », « Mémoires d'exil ».
- un film documentaire sur Habib Bourguiba.
- Fairouz, reportage-documentaire, 60 minutes (1998) - diffusion Arte ;
- Je suis la Folle de Brejnev, film documentaire, 74 minutes (2001) - coproduction France 3.

Œuvres
Mémoires d'exil, Robert Laffont, 1990
Destins d'étoiles - tomes 1, 2, 3, 4 - Fixot, 1991-1992
Monte Carlo : la légende, Assouline, 1993
Une saison tunisienne, Actes Sud, 1995
L'Ange bleu : un film de Joseph von Sternberg, Plume, 1995
Madame Butterfly, Plume, 1995
Les Aigles foudroyés - la fin des Romanov des Habsbourg et des Hohenzollern, Pocket, 1998
Un jour dans le siècle, Robert Laffont, 2000
La mauvaise vie, Robert Laffont, 2005
Lettres d'amour en Somalie, Pocket, septembre 2006
Maroc, 1900-1960 Un certain regard, Actes Sud, 2007
Le Festival de Cannes, Robert Laffont, 2007

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Résumé

Crée en 1959 sous le Général de Gaulle, le ministère de la culture et de la communication a pour mission de rendre accessible au plus grand nombre le patrimoine culturel et artistique de la France, de faciliter la création des œuvres d’art et favoriser le développement des pratiques et des enseignements artistiques.

 

L’administration centrale du ministère, réorganisée en janvier 2010, comprend quatre principaux services : la direction générale des patrimoines, la direction générale de la création artistique, la direction générale des médias et des industries culturelles et un secrétariat général.

 

Si la France est l’un des premiers pays à avoir insisté sur l’importance d’une politique culturelle en créant une administration à part entière au sein du gouvernement, le rôle de la rue de Valois  (surnom attribué au ministère d’après son adresse principale), n’a cessé de fluctuer selon le ministre et le gouvernement en place. Et si depuis quelques années, le ministère semble avoir pris de l’envergure, de nombreuses personnes s’interrogent sur son avenir.


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Histoire:

Le ministère de la Culture a été crée en 1959 par le Général de Gaulle et attribué à André Malraux sous le nom de ministère des Affaires culturelles (auparavant, la politique culturelle dépendait du Ministère de l’Education Nationale). La France est l’un des premiers pays à avoir une administration autonome pour la Culture.

 

L’intervention de l’Etat dans le domaine des arts et des lettres a, en effet, toujours été forte en France. Elle s’est d’abord manifestée à travers le mécénat royal, qui connaît un essor considérable à partir de la Renaissance. La première institution culturelle d’Etat à voir le jour est le Collège des Trois-langues (qui prendra le nom de Collège de France sous la Restauration). Créé par François 1er à la demande de Guillaume Budé, cet établissement dispense des enseignements libres qui touchent tous les domaines du savoir et de la culture. C’est également à cet humaniste, amoureux des lettres que l’on doit la bibliothèque royale de Fontainebleau qui sera plus tard, transportée à Paris pour devenir la Bibliothèque nationale et dans laquelle Charles V avait déjà installé la bibliothèque royale.

 

Sous le règne de Louis XIV, la politique culturelle se développe avec la création de nombreuses académies : l'Académie des Inscriptions en 1663, l'Académie des peintures et sculptures en 1664, l'Académie des Sciences en 1666, l'Académie d'architecture en 1671 et l'Observatoire en 1667. Cette période est également marquée par le souci d’entretenir et de sauvegarder le patrimoine et plus spécifiquement les bâtiments royaux. Cette évolution avait déjà été initiée par Louis XII qui avait créé le Département de la Maison des bâtiments du Roi, responsable des travaux commandés par le souverain, tels que l’actuelle place Vendôme ou l'hôtel des Invalides, ainsi que de la gestion du mécénat royal, à travers la tutelle de plusieurs académies, et des logements des artistes, en particulier ceux du Louvre. Ses attributions sont définies dans la déclaration royale du 1er septembre 1776.

 

Après la Révolution et surtout dès la Troisième République, la culture commence à se démocratiser. L'Etat rend la culture accessible au plus grand nombre à travers le développement des bibliothèques et des musées, et crée également la Direction Générale des Beaux-Arts du ministère de l’Instruction publique.
 En 1881, Léon Gambette tente alors d’instaurer un ministère des Arts, mais il ne vivra que quelques mois.

 

Une nouvelle étape commence dans les années 1930, lorsque le Front Populaire introduit l’éducation culturelle et artistique. Jean Zay, ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts de 1936 à 1939, propose, lui aussi, un ministère de la vie culturelle mais le Parlement rejette l’idée. Sous la quatrième République, Jeanne Laurent, sous-directrice du théâtre et de la musique au ministère de l’éducation nationale favorise la décentralisation théâtrale avec la création du Théâtre national populaire, du Festival d’Avignon et de centres dramatiques nationaux.

 

En janvier 1947, une autre tentative est lancée : le ministère des Arts et des Lettres est crée et dirigé par Pierre Bourdan mais neuf mois plus tard, il ne survit pas au remaniement ministériel de Paul Ramadier. La Direction générale des Arts et Lettres est alors rattachée au ministère de l’Education nationale.

 

 

Création du ministère de la Culture

Par le décret du 3 février 1959

 

Ce n’est qu’en 1959 qu’une administration autonome dédiée à la culture est créée. Le Général de Gaulle, qui veut que le rayonnement mondial de la France se fasse aussi par la culture, tient à confier la création du ministère des Affaires culturelles à son grand ami l’écrivain André Malraux. « Malraux donnera du relief à votre gouvernement », a-t-il dit à Michel Debré, Premier ministre de l’époque lorsqu’il lui demande de le nommer. La rumeur prétend même que le ministère fut créé pour lui : « Il vous sera utile de garder Malraux. Taillez pour lui un ministère, par exemple, un regroupement de services que vous pourrez appeler Affaires culturelles,» aurait-il dit à Debré. Les deux hommes étaient, en effet, très proche malgré leurs différences politiques (Malraux était un homme de gauche). Malraux restera ministre d'Etat chargé des Affaires culturelles jusqu’en 1969, tant que De Gaulle est au pouvoir. Mais il donne sa démission le jour même où le général de Gaulle annonce la sienne.

 

Le nouveau ministère inclut les services qui dépendaient jusqu’alors de divers ministères. De l'Education nationale sont issues la Direction Générale des Arts et Lettres, la Direction de l'Architecture et la Direction des Archives de France. Malraux se voit également attribuer les services chargés des activités culturelles du Haut-commissariat à la Jeunesse et aux sports. Enfin, le ministère de l'Industrie et du commerce transfère le Centre national de la cinématographie (CNC). Un cabinet ministériel et un secrétariat général sont aussi mis en place.

 

Malraux, qui a écrit de sa main en juillet 1959 le décret portant sur l’organisation du ministère, base sa politique culturelle sur des principes de déconcentration et de démocratisation : « Le ministère chargé des affaires culturelles a pour mission de rendre accessibles les oeuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français ; d’assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et de favoriser la création des oeuvres de l’art et de l’esprit qui l’enrichissent. »

 

Ses six grands objectifs sont : la création, la conservation-mise en valeur, la diffusion-animation, la formation, la recherche et la gestion.

Et ce, dans huit domaines : la musique, le théâtre, les musées, l’architecture, les arts plastiques, le livre, les archives et le cinéma.

 

En 1961, il crée un service d’administration générale, transformé par la suite en Direction de l'administration générale (DAG). Peu à peu de nouvelles structures se développent ; il crée aussi les maisons de la Culture. Par ailleurs, l'organisation du ministère est complétée par la mise en place de comités régionaux des affaires culturelles en 1963, de conseillers régionaux à la création artistique en 1965, et des trois premiers Directeurs régionaux des Affaires culturelles en 1969. La déconcentration du ministère est mise en marche.

 

L’autre grande caractéristique de la politique de Malraux est son refus des dispositifs pédagogiques. Pour lui, l’action culturelle doit être fondée sur le « choc artistique », aux qualités intrinsèques de l’œuvre pour procurer une émotion au public, sans qu’il y ait besoin d’explication. L’éducation populaire est écartée alors que l’excellence artistique prime, d’où la mise en place d’un système fort de soutien à la professionnalisation des artistes. En accentuant l'action culturelle de l'État gaulliste, le but était également d'affaiblir l'influence du Parti communiste auprès des artistes.

 

Il y eut certains échecs, (Malraux n’a pu construire ni politique de la lecture publique, ni politique de l’architecture, ni politique de l’éducation artistique). Aussi, l n’a pas su surmonter les humiliations infligées par une administration des finances qui lui refusait obstinément les crédits et les postes que requérait le plan que Malraux avait pour son ministère. Mais une véritable politique publique de la culture finit pourtant par émerger. Elle sera développée par chacun des ministres qui se succèdent après lui.

 

Apres le départ de Malraux, Pompidou décide de pérenniser le jeune ministère. Peu à peu, l’idée d’une politique culturelle prend réellement forme. Au début des années 70, Jacques Duhamel, ministre de la culture de l’époque, introduit le concept de « développement culturel. » En 1971, il crée notamment le Fonds d’intervention culturelle (FIC) pour soutenir des initiatives et des expériences originales susceptibles de répondre à des besoins nouveaux et dépasser les cloisonnements des administrations de l'État intervenant dans le champ culturel.

Pompidou lance également le projet du Centre national et de culture George Pompidou, puis est à l’origine d’une grande exposition de la scène artistique contemporaine française, organisée par François Mathey au Grand Palais en 1972.  L’exposition suscite d’ailleurs une polémique lorsque certains artistes refusent d’y participer, ne voulant aucun lien avec l’Etat.

 

En 1982, un nouveau décret fixe de nouvelles missions pour le ministère : il doit « permettre à tous les Français de cultiver leur capacité d’inventer et de créer, d’exprimer librement leurs talents et de recevoir la formation artistique de leur choix ; de préserver le patrimoine culturel national, régional ou des divers groupes sociaux pour le profit commun de la collectivité tout entière ; de favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit et de leur donner la plus vaste audience ; de contribuer au rayonnement de la culture et de l’art français dans le libre dialogue des cultures du monde ».

 

Cet élargissement de la politique culturelle intervient un an après l’élection de François Mitterrand et la nomination de Jack Lang au ministère de la culture. Ce dernier a introduit une dimension festive et des évènements nationaux et a institutionnalisé la fête de la musique et la journée nationale du patrimoine. Sous son mandat, l'éducation artistique en milieu scolaire se modernise, de nouvelles disciplines sont enseignées (théâtre, cinéma, histoire des arts,...) et des opérations de sensibilisation se développent pour les enfants : classes culturelles, collège au cinéma, classes du patrimoine ... Le champ d'action du ministère s'élargit à d'autres formes d'art et de nouveaux lieux de diffusion se créent, comme Festival International de Bande Dessinée. Enfin, le ministère se préoccupe davantage des industries culturelles dans un souci de régulation du marché. Ce rapprochement culture-économie se traduit également par l'encouragement au mécénat.

 

Depuis 1969, l’organisation de l’administration centrale avait fait l’objet de nombreuses modifications. Mais la réforme la plus importante de ces dernières années est sans doute la révision générale des politiques publiques (RGPP). Initiée en décembre 2007, elle touche tous les ministères et a donné lieu à 374 décisions. Les réformes issues de la RGPP permettraient, selon le gouvernement, de moderniser, simplifier et optimiser le fonctionnement des services du ministère de la culture et de la communication dans ses domaines de compétence.

 

L’administration centrale du ministère a ainsi été réorganisée depuis janvier 2010. Elle est aujourd’hui constituée de quatre principaux services (au lieu de dix auparavant) : la direction générale des patrimoines, la direction générale des médias et des industries culturelles, la direction générale de la création artistique et le secrétariat général. La délégation générale à la langue française et aux langues de France est, elle aussi, placée sous l'autorité du ministre chargé de la culture.

 

La RGPP n’a pas pour seul but d’améliorer les politiques publiques et de simplifier le fonctionnement des différents services mais aussi de réduire les dépenses publiques. Et l’une des conséquences de la RGPP est la réduction des effectifs de la fonction publique. Les syndicats du ministère ne cessent de protester contre ces réformes, qu’ils voient comme une concentration extrême des missions du ministère de la Culture qui va de paire avec les réductions de salariés et de moyens voulues par la RGPP. 

Le syndicat CFDT-Culture craint notamment que cet « habillage de la réduction des effectifs, » ait, en réalité, peu d’impact sur la dépense mais des conséquences catastrophiques sur la vie culturelle. Au-delà des pertes d’emplois, les syndicats craignent que la fusion de certains services ne mène à un retrait du ministère dans certaines missions, et dans certains cas, la privatisation ou la filialisation d'activités. Ils ont ouvertement accusé la ministre de la culture et de la communication de l’époque, Christine Albanel de ne pas avoir su défendre “l’exception culturelle.”

 

En 2009, le ministère de la culture et de la communication fêta son cinquantenaire.

 

Dénominations successives du ministère

 

La dénomination de l’administration a changé à plusieurs reprises. En 1974, elle n’est plus un ministère. Elle devient le secrétariat d’Etat à la culture, montrant l’affaiblissement de la structure et à la volonté du gouvernement Giscard de réserver une place modeste à la politique culturelle. Ces multiples changements témoignent de l'incertitude à formuler clairement les attributions qui relèvent de l'intervention de l'Etat dans les domaines artistiques et culturels.

 

 

 

3 février 1959

 

Ministère d’Etat chargé des affaires culturelles

 

André Malraux (du 8 janvier 1959 à juin 1969)

Edmond Michelet (22 juin 1969 à octobre 1970)

André Bettencourt (du 19 octobre 1970 à janvier 1971)

1971

Ministère des affaires culturelles

Jacques Duhamel (du 7 janvier 1971 à avril 1973)

Maurice Druon (du 5 avril 1973 à février 1974)

Mars 1974

Ministère des Affaires culturelles et de l'Environnement

Alain Peyrefitte du 1er mars 1974 à mai 1974

Juin 1974 

Secrétariat d'Etat à la culture

Michel Guy (du 8 juin 1974 à août 1976)

Françoise Giroud (du 27 août 1976 à mars 1977)

1977 

Ministère de la Culture et de l'Environnement

Michel d’Ornano (du 30 mars 1977 à mars 1978)

1978

Ministère de la Culture et de la Communication

Jean-Philippe Lecat (de 1978 à mars 1981)

1981

Ministère de la Culture

Jack Lang (du 22 mai 1981 à mars 1983)

1983

Ministère délégué à la Culture

Jack Lang (du 24 mars 1983 à décembre 1984)

1984

Ministère de la Culture

Jack Lang (du 7 décembre 1984 à mars 1986)

1986

Ministère de la Culture et de la Communication

François Léotard (du 20 mars 1986 à mai 1988)

1988

Ministère de la Culture, de la communication des grands travaux et du bicentenaire

Jack Lang (du 12 mai 1988 à mai 1991)

1991

Ministère de la Culture et de la Communication

Jack Lang (du 16 mai 1991 à avril 1992)

1992

Ministère de l’Éducation nationale et de la Culture

Jack Lang (du 2 avril 1992 à mars 1993)

1993

Ministère de la Culture et de la Francophonie

Jacques Toubon (du 31 mars 1993 à mai 1995)


1995

Ministère de la Culture

Philippe Douste Blazy (du 18 mai 1995 à juin 1997)

1997

Ministère de la Culture et de la communication

Catherine Trautmann (du 4 juin 1997 à mars 2000)

Catherine Tasca (du 27 mars 2000 à mai 2002)

Jean-Jacques Aillagon (du 7 mai 2002 à mars 2004)

Renaud Donnedieu de Vabres (de mars 2004 à mai 2007)

Christine Albanel (du 18 mai 2007 à juin 2009)

Frédéric Mitterrand (depuis le 23 juin 2009)

 

plus
Ses missions:

Le ministère de la culture et de la communication a pour mission de « rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, d'assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et de favoriser la création des œuvres de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent.»

 

Pour mener à bien sa mission, le ministère est divisé en quatre principaux services :

  • la direction générale des patrimoines chargée de la politique de l’Etat en matière d'architecture, d'archives, de musées, de patrimoine monumental et archéologique ;  
  • la direction générale de la création artistique, responsable des arts du spectacle vivant et des arts plastiques ;
  • la direction générale des médias et des industries culturelles en charge du développement et du pluralisme des médias, de l'industrie publicitaire, de l'offre de contenus en ligne, de l'industrie phonographique, du livre et de la lecture.
  • Enfin, le secrétariat général apporte son appui et son expertise aux directions générales et aux établissements publics en matière budgétaire, de ressources humaines, juridique, de politique européenne et internationale. Il pilote également les réformes ministérielles et coordonne les politiques culturelles transversales : éducation artistique, recherche et innovation, études et réflexion prospective...

 

Il dispose également de trois conseils supérieurs : le Conseil supérieur des musiques actuelles (CSMA), celui de la propriété littéraire et artistique et le haut conseil de l’éducation artistique et culturelle. La délégation générale à la langue française et aux langues de France est, elle aussi, placée sous l'autorité du ministre chargé de la culture.

Le ministère mène ainsi une politique de sauvegarde, de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel français et favorise la création des œuvres d’art. Il facilite aussi le développement des pratiques et des enseignements artistiques, que ce soit l'éducation artistique et culturelle des enfants, ou des jeunes adultes tout au long de leurs cycles de formation.

 

Il joue, par ailleurs, un rôle dans la politique de décentralisation du gouvernement en encourageant les initiatives culturelles locales, et en développant les liens entre les politiques culturelles de l'Etat et celles des collectivités territoriales.

Il participe également au développement des industries culturelles, et des nouvelles technologies de diffusion de la création et du patrimoine culturels.

 

Il met en œuvre, conjointement avec les autres ministres intéressés, les actions de l'Etat destinées à assurer « le rayonnement dans le monde de la culture et de la création artistique françaises et de la francophonie, » en France comme à l’étranger ; il soutient, ainsi, les implantations culturelles françaises à l'étranger.

 

La délégation générale à la langue française et aux langues de France, autre organe du ministère est, elle, responsable de la diffusion, de l'emploi et de l'enrichissement de la langue française, ainsi que de la préservation et la valorisation des langues de France.

 

Dans le domaine des médias, le ministère veille notamment au développement et à la diffusion de la création audiovisuelle en France et à l’étranger (notamment en relation avec Radio France, France Télévisions et l’Audiovisuel Extérieur de la France). Il participe, en liaison avec les autres ministres concernés, à l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique du gouvernement concernant les technologies, les supports et les réseaux utilisés dans le domaine de la communication.

 

La rue de Valois est aussi responsable de la politique de l'architecture. Elle assure, à la demande du Premier ministre et toujours en collaboration avec les ministères concernés, la coordination des travaux de construction ou de rénovation relatifs aux grandes opérations d'architecture et d'urbanisme de l'Etat (cohérence des programmes, maîtrise des coûts, préparation des décisions budgétaires, avancement des opérations). Le ministre est, en outre, associé à la préparation des décisions relatives au montant global et à la répartition des aides apportées par l'Etat aux grandes opérations des collectivités territoriales dans ce domaine.

 

Il participe, avec les autres ministres intéressés, à la définition et à la mise en œuvre des mesures relatives aux fondations à objet culturel et au mécénat.

 

Enfin, le ministre de la culture et de la communication assure, conformément à leurs dispositions statutaires, la tutelle des établissements publics relevant de ses attributions, tels que la Comédie-Française, la bibliothèque nationale de France ou le centre national de la cinématographie.

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Où va l’argent

Le budget du ministère de la culture et de la communication est distribuée à trois principales missions: la mission Culture, la mission Recherche culturelle et la mission Médias, livre et industries culturelles. Cette structuration correspond à la nouvelle organisation du ministère depuis janvier 2010.

 

La Mission Culture regroupe trois programmes : patrimoine, création et transmission des savoirs et démocratisation de la culture. Mais les crédits de la mission Culture servent, en grande partie, à  la mise en valeur du patrimoine, c’est-à-dire des monuments historiques, des musées, des grands projets culturels et architecturaux comme la construction du centre des archives de Pierrefitte, de la Maison de l'histoire de France, du musée des Civilisations d’Europe et de la Méditerranée (MUCEM), la rénovation du musée Picasso et du quadrilatère Richelieu ou le réaménagement du Palais de Tokyo.

 

Les crédits du programme « transmission des savoirs »  sont attribués à l'enseignement supérieur, c’est-à-dire aux écoles d'architecture, aux écoles d'art ou de l'enseignement en matière de spectacle vivant. De nouveaux moyens ont aussi été dégagés pour accompagner le concept de « la culture pour chacun,» proposé et mis au goût du jour par Francis Laroche, un proche de Frédéric Mitterrand en septembre 2010 (André Malraux l'avait déjà  mise en avant lors de la présentation du budget de la culture à l'Assemblée nationale le 27 octobre 1966). L’idée est de mettre en place des actions en faveur de l'accès de chacun à la culture, et principalement des populations qui en sont éloignées (jeunes, habitants des banlieues défavorisées, habitants de l'espace rural), à travers un plan lecture, l'éducation artistique et culturelle ou encore la culture en milieu rural.

 

En mars 2010, Elise Longuet remet un rapport qui suggère la création d'une carte culture nationale, d'un chèque cadeau culture pour les jeunes, des stages culture pour les jeunes (des quartiers prioritaires et des zones rurales) dans les établissements culturels ainsi que l'introduction d'un volet culture dans le livret de compétences de l'élève (passerelle avec les activités culturelles extrascolaires). Mais si ce programme peut paraître séduisant, certains le voient comme une sorte d’intimidation sociale et une remise en cause de l'ordre social de la culture. Leur argument : la culture n'est pas celle que quelques uns choisissent pour « tous » mais celle que « chacun » se forge dans la totale légitimité de ses choix. Elle est donc profondément diverse, non seulement parce que chacun est singulier, différent des autres mais aussi parce que l’humanité toute entière est diverse.

 

En ce qui concerne le secteur du spectacle vivant et des arts plastiques, les moyens alloués sont, en général, minimums comparés aux deux autres programmes, en particulier le patrimoine qui semble être la priorité numéro une de la rue de Valois. Les crédits de ce secteur servent principalement à soutenir la création, l'émergence des jeunes créateurs ainsi que les grandes institutions dédiées à la création et à la diffusion auprès des publics.

 

Le programme « Recherche culturelle et culture scientifique » fait partie de la mission interministérielle « Recherche et Enseignement supérieur » (MIRES). Le budget est divisé en deux, la recherche culturelle (qui a reçu 9,4 millions en 2011) et la culture scientifique et technique (112,2 millions en 2011).

 

Les crédits pour la culture scientifique et technique permettent au ministère d’assurer, en coordination avec le ministère en charge de la recherche, la diffusion au plus large public des connaissances scientifiques et techniques et des enjeux de société liés à leur développement. Cette action est assurée depuis le 1er janvier 2010 par l’établissement public du palais de la découverte et de la cité des sciences (à statut industriel et commercial), qui a par exemple, crée une galerie et mis en place une salle de simulation immersive dédiée entre autres à l’architecture, et un atelier de prototypage d’objets physiques.

 

Les crédits de la recherche culturelle permettent notamment la progression des connaissances scientifiques dans les domaines de l’archéologie, histoire de l’art, histoire, musicologie, architecture ou encore ethnologie. Ils permettent également de développer les recherches appliquées à la conservation, à la restauration et à la valorisation du patrimoine culturel national; de favoriser la création artistique par des recherches dans les domaines des arts plastiques, de l’architecture et de la musique; et de développer la recherche dans les établissements d’enseignement supérieur relevant du ministère de la culture. Ils sont aussi utilisés pour l’élaboration des politiques publiques par des recherches dans le domaine de la connaissance économique et de la sociologie, en s’attachant aux aspects et perspectives les plus novateurs en matière d’industries culturelles, d’usages numériques et de développement culturel.

 

L’enveloppe destinée à la mission « Médias, livre et industries culturelles » sert à la promotion de la culture numérique. En 2011, 131 millions d’euros sont consacrés au passage au Tout numérique. Par ailleurs, des appels à projets ont été lancés en 2011 sur le budget du ministère de la Culture et de la Communication, pour des projets de numérisation et de services culturels numériques innovants.

 

Elle sert également à aider les industries culturelles. Le Centre National du Cinéma et de l’Image Animée bénéficie d’un budget pour soutenir le secteur du cinéma, de l’audiovisuel, des jeux vidéo et au multimédia. Une partie de ce budget est consacrée, en 2011, à la numérisation des salles de cinéma sur 3 ans et à rendre opérationnelle le projet HADOPI (Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet).

 

La presse reçoit aussi une aide financière pour l’accompagner dans ses mutations face à la révolution numérique. Par ailleurs, pour faire suite aux États généraux de la presse lancés en 2009, le budget 2011 consolide ses actions en faveur des aides à la presse et la garantie de l'ensemble des engagements contractuels de l'État avec le secteur. L'aide au portage se poursuit donc, ainsi que le soutien public en faveur des nouveaux services de presse en ligne se renforce.

 

Le secteur de l’audiovisuel bénéficie aussi de moyens afin d’accompagner dans ses réformes. France Télévisions dispose notamment d’un budget de 2,5 milliards € en 2011, lui permettant de poursuivre le dynamisme de la télévision publique.

 

A titre indicatif, cette enveloppe se décompose en 2011 comme suit :

- les crédits de la mission Culture s’élèvent à 2,70 millions €, soit +1,1 % ;

- les crédits de la mission Recherche culturelle s’élèvent à 121,55 millions € soit - 0,8 % ;

- les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles s’élèvent à 4,68 millions € soit +2,8 % incluant 3,22 millions € liés à la redevance audiovisuelle (compte de concours financier) et 1,46 M€ de crédits budgétaires.

plus
Polémiques:

Hadopi/Hadopipas !

A une époque où le téléchargement illégal est entré dans les mœurs, et où la répression est difficile, le gouvernement décide de créer une nouvelle « Loi Création et Internet » appelée également Loi Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet). Cependant, cette loi est extrêmement controversée. Après de nombreux débats, amendements, révisions, rejets (le Conseil Constitutionnel en censure même certaines mesures à la première lecture), elle sera finalement promulguée par le président de la République le 12 juin 2009.

 

La loi Hadopi a pour but de répondre à la menace du téléchargement illégal en mettant en place une Haute Autorité opérant « la riposte graduée » auprès des pirates; c’est-à-dire en leur envoyant un avertissement par e-mail, puis un nouveau par lettre recommandée en cas de récidive, pour finalement leur couper l’accès à Internet s’ils persistent. Cette loi fait suite à la une directive européenne transposée en droit français par la loi DAVDSI, mise en place pour protéger les droits d’auteur sur Internet.

 

Selon le ministère de la Culture, le fait de transférer à l’Hadopi la responsabilité de filtrer et de sanctionner le téléchargement illégal permettrait de repérer plus rapidement et efficacement les contrevenants. Auparavant, seul le juge pouvait décider d’une sanction à l’encontre des pirates.

 

Toujours selon le Ministère, les rappels à l’ordre par le biais de lettres recommandées et d’emails permettraient également de lutter contre le piratage occasionnel. Selon l’un des conseillers de Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication de l’époque, la loi « s’appuie sur les réussites qui ont déjà été constatées aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne (...) Dans ces pays, une grande majorité des pirates arrêtent les téléchargements illégaux après deux ou trois avertissements ».

 

Mais la loi a suscité de nombreux et houleux débats. Avant même que le projet de loi ne soit présenté à l'Assemblée nationale, la Commission européenne exprime des réserves. Elle écrit une lettre au gouvernement lui demandant plusieurs modifications et explications. Elle se montre, en effet, très critique sur la "riposte graduée", qui prévoit une coupure de l'accès Internet après trois avertissements en cas de piratage. Selon la lettre, cette mesure ne respecterait pas la directive "service universel" votée en 2002, qui garantit un accès minimum à Internet à tous les citoyens européens. La Commission juge ainsi que comme "l'utilisation actuelle d'Internet (...) dépasse largement l'accès aux contenus", la coupure de la connexion Internet serait disproportionnée, parce qu'elle "pourrait porter atteinte à [la] capacité d'accéder à des services (...) essentiels", comme les banques en ligne ou certains services publics (demandes de documents, déclaration d'impôt...). Le ministère de la Culture et de la Communication refuse de répondre avant la rédaction définitive du projet de loi.

 

Mais c’est aussi cette mesure qui déclenche la censure du Conseil Constitutionnel à sa première lecture. La coupure est donc finalement interdite si elle n'est pas prononcée par un tribunal judiciaire, après débat contradictoire.

 

Les artistes, et les Français en général, ne sont pas contre une loi empêchant le téléchargement illégal mais de nombreuses personnes sont opposées au fait qu’elle soit tournée contre les internautes. En effet, Hadopi ne punit pas les pirates mais les "victimes". Un nouveau délit est introduit par cette loi, à savoir celui de ne pas veiller à ce que sa connexion Internet ne soit pas utilisée par un pirate à des fins de téléchargement illégal. Cependant la loi ne reconnaît pas la responsabilité du pirate, sauf si il s’agit d’une personne jugée "incapable", comme un mineur, ou d’une personne subordonnée à une autre.

 

Par ailleurs, la loi DAVDSI n’avait eu aucun effet sur la fréquence d’utilisation du téléchargement illégal. Beaucoup critiquent donc le fait qu’Hadopi coûtera également très cher à l’État (environ 31 millions d’euros par an) pour une efficacité limitée.

Autre argument avancé : cette loi créerait également une présomption irréfutable de culpabilité par le moyen des systèmes de filtrages fournis par les fournisseurs d’accès internet aux utilisateurs en vue de protéger leur accès Internet. Cependant, il est impossible de prouver que le système de filtrage d’un ordinateur était activé ou non au moment du délit. Cette loi bafoue donc le principe de la présomption d’innocence, qui est l’un des principes les plus importants de la justice française.

 

De plus, la baisse du taux d’utilisation des logiciels de P2P, logiciels visés par cette loi, et l’augmentation de l’utilisation de nouveaux logiciels plus performants et moins détectables rendent cette loi désuète et inefficace, ce qui n’empêche pas la loi de punir le P2P légal, qui utilise toujours les anciens logiciels comme Emule.

 

Enfin, cette loi ne protège que les labels disposant des moyens de contrôler le piratage de leurs œuvres sur Internet (labels ayant affirmé pendant les accords de l’Elysée qu’ils n’avaient pas l’intention d’améliorer leurs offres légales avant l’application de la loi, ce qui pourtant aurait sans doute permis de diminuer le téléchargement illégal), ce qui exclut les petits labels et les artistes indépendants.

 

L’autre scandale en rapport avec la loi Hadopi fut le licenciement du responsable de Pôle innovation Web de TF1, Jérôme Bourreau-Guggenheim, après avoir critiqué le projet de loi dans un email privé à son député, Françoise de Panafieu. L’email a été transmis par le député au cabinet du ministère de la Culture, qui l'a transmis à son tour à la direction de TF1. Christophe Tardieu, le directeur de cabinet adjoint de la ministre, responsable de ce dernier transfert a alors été suspendu pour un mois par Christine Albanel, qui a qualifié cet acte d'« erreur regrettable ». Des députés de l'opposition ont ensuite évoqué cet événement à l'Assemblée nationale lors du débat sur la loi et lors des questions au gouvernement, demandant la démission de la ministre. Elle refuse. Mais elle ne résistera pas au remaniement ministériel de juin 2009 lorsqu’elle est remplacée par Frédéric Mitterrand.

 

En juin 2009, Jérôme Bourreau-Guggenheim porte plainte contre TF1 pour discrimination en raison de ses opinions. Mais après plusieurs mois d’instruction, le Procureur de la République du tribunal de Nanterre conclut le 6 mai 2010 au classement sans suite de sa plainte.

 

La Révision Générales des Politiques Publiques (RGPP) et la destruction progressive du ministère de la Culture et de la Communication ?

 

Depuis 1969, l’organisation de l’administration centrale du ministère de la Culture  a fait l’objet de nombreuses modifications. Mais la réforme la plus importante de ces dernières années est sans doute la révision générale des politiques publiques (RGPP). Initiée en décembre 2007, elle touche tous les ministères et a donné lieu à 374 décisions. Les réformes issues de la RGPP permettraient, selon le gouvernement, de moderniser, simplifier et optimiser le fonctionnement des services du ministère de la culture et de la communication dans ses domaines de compétence.

 

 

L’administration centrale du ministère a ainsi été réorganisée depuis janvier 2010. Elle est aujourd’hui constituée de quatre principaux services (au lieu de dix auparavant) : la direction générale des patrimoines, la direction générale des médias et des industries culturelles, la direction générale de la création artistique et le secrétariat général. La délégation générale à la langue française et aux langues de France est, elle aussi, placée sous l'autorité du ministre chargé de la culture.

 

Mais la RGPP n’a pas pour seul but d’améliorer les politiques publiques et de simplifier le fonctionnement des différents services ; mais aussi de réduire les dépenses publiques. Et l’une des mesures phares mise en place par la RGPP est la réduction des effectifs de la fonction publique.

 

Ainsi, les syndicats du ministère, le Parti socialiste et de nombreux professionnels ont exprimé de fortes inquiétudes face à ces réformes, qu’ils voient comme une concentration extrême des missions du ministère de la Culture qui va de paire avec les réductions de salariés et de moyens voulues par la RGPP. 

 

La CFDT-Culture craint notamment que cet « habillage de la réduction des effectifs, » ait, en réalité, peu d’impact sur la dépense mais des conséquences catastrophiques sur la vie culturelle. Le Parti socialiste va plus loin en disant que la rue de Valois ne sera plus qu’un ministère virtuel.

 

De nombreuses grèves ont été organisées et beaucoup d’encre a coulé pour dénoncer la RGPP, mais rien n’y a fait. Les réformes ont été mises en place et à peine la RGPP a-t-elle été appliquée que la RGPP 2 se profilait déjà. En 2010, le gouvernement a présenté un nouveau train de mesures parmi lesquels 100 000 nouvelles suppressions d’emploi d’ici 2013.

 

Les syndicats ont réagi violemment à cette annonce accusent le gouvernement de s’enfermer dans une logique de destruction de la rue de Valois et du service public culturel. Selon le syndicat Sud, «  le ministère de la culture, gangréné par le sous-effectif et la précarité, et qui a déjà perdu plus de 1000 emplois depuis 2007, ne peut tout simplement pas supporter un tel plan de rigueur. Ses services et établissements publics sont d'ores et déjà au bord de l'asphyxie financière. Ils ont déjà atteint la cote d'alerte quant à l'exercice de leurs missions fondamentales et aux conditions d'accueil des publics (…) Faut-il encore rappeler que le réseau fragile des institutions et des associations engagées dans la création, la diffusion, le spectacle vivant, l'éducation artistique l'action culturelle et l'éducation populaire est lui aussi à deux doigts de l'implosion. »

 

Dans les "pages culture" de la RGPP 2, il est, en outre, question d'externaliser, pour commencer, les missions d'accueil et de surveillance, soit aujourd'hui encore environ 3500 emplois.

 

Frédéric Mitterrand, qui a défendu la RGPP en la présentant comme une réforme de modernisation, n’a d’autre réponse que la promesse qu’il se bat comme un lion pour défendre son budget et le ministère.

 

« La Culture pour chacun »…ou pas

 

Fin 2010, le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand pose le cadre de sa nouvelle doctrine : « passer de la culture pour tous à la culture pour chacun,» titre inspiré par un discours d'André Malraux de 1966. Signé par le conseiller Francis Lacloche, ce texte de treize pages suscite dès le départ de vifs débats dans les institutions et les organisations professionnelles.

 

Depuis les années 50, l'intervention massive de l'Etat dans le domaine de la culture a été justifiée au nom de deux grandes exigences démocratiques : donner aux créateurs les moyens de travailler librement, à l'abri des interventions directes du pouvoir politique et des exigences du marché capitaliste, et lutter contre les inégalités culturelles. Si la première a été plus ou moins satisfaite, il n'en va pas de même pour la seconde. De nombreuses enquêtes montrent que le fossé entre les pratiques culturelles des classes populaires et celles des classes supérieures n'a pas été résorbé, bien au contraire. Selon le ministère, les populations défavorisées, vivant en milieu rural et les jeunes continueraient de bouder les hauts lieux de la culture.

 

Ce slogan de la « culture pour chacun » est donc la réponse que propose la rue de Valois pour tenter de résoudre cette crise. L’idée est de mettre en place des actions qui favoriseraient la démocratisation de la culture et « pas simplement d’amener la culture aux populations, mais les impliquer », affirme la note.

 

Le ministère invite donc à «investir les lieux où la culture peut jouer un rôle essentiel de formation et d'éveil ou d'ouverture sur le monde», comme par exemple les hôpitaux, les prisons ou encore les écoles. Il veut aussi « affirmer la diversité des modes d'expression ». Pour cela, il souhaite mettre en avant les « nouveaux outils numériques » et « donner une place à la culture populaire», qui est « insuffisamment prise en compte jusqu'à ce jour », en célébrant le cirque, les arts de la rue, le rap, les jeux vidéo, le graff ou le slam.

 

Il loue les initiatives menées ces dernières années par le ministère, tels que les chèques culture, les dispositifs de gratuité, et les cartes jeunes de téléchargement ; il veut mettre en place un plan lecture, des stages culture pour les jeunes (des quartiers prioritaires et des zones rurales), favoriser la culture en milieu rural.

 

Valorisation des actions culturelles, lecture, numérisation du patrimoine : ces « plans prioritaires » sont, en effet, tout à fait louables mais ils n'ont rien de révolutionnaire.

Mais ce qui suscite la polémique est surtout le fait que le document ministériel affirme aussi que les inégalités n'ont pas reculé à cause des « élites ». Ces dernières auraient cherché à imposer leurs propres normes, contribuant ainsi à une « intimidation sociale » qui éloignerait le peuple de la culture légitime. La « culture pour chacun » a donc officiellement pour but de réhabiliter les cultures populaires méprisées par les élites.

Ces mots ont provoqué l’indignation de nombreux artistes. David Jisse (auteur, compositeur, interprète) ne décolère pas dans une colonne du Monde en décembre 2010: « De passeur de culture, je deviens donc l'ennemi puisqu'à vouloir faire découvrir l'art contemporain, j'effraie à coup sûr les masses populaires. Non seulement mes activités de transmission sont suspectes mais ma pratique artistique "intimide" (…) Proposer de "faire accéder le populaire au rang des intérêts culturels de notre patrimoine de la création française" et d'"explorer les conditions d'une mutation des frontières du champ culturel", c'est opposer des pratiques exigeantes à celles qui par conséquent ne le seraient pas. C'est ignorer les nombreux artistes talentueux qui travaillent à ces passerelles entre le populaire et le savant sans essayer de sacraliser ni un versant ni l'autre, sans penser que leur pratique est tellement "intimidante" qu'elle va empêcher la créativité de s'épanouir. » Il termine sur ces mots : « Mais de grâce, n'inventons pas un système faussé et culpabilisant, qui en plus d'être peu respectueux des acteurs sincères de la culture, accentue justement le clivage social que nous tentons tous les jours de combler… »

Pour l’historien Gérard Noiriel, il s'agit de mettre en oeuvre, dans le domaine culturel, la politique identitaire de Nicolas Sarkozy. « Prôner une « culture pour chacun », c'est encourager l'enfermement des groupes et des communautés dans « leur » culture originaire. La promotion de « l'identité nationale » pouvant parfaitement se conjuguer avec la défense des minorités. Sous prétexte de protéger le peuple contre la domination des « élites », cette nouvelle politique culturelle ne peut que priver les plus démunis des ressources leur permettant d'échapper à leur milieu d'origine, en leur interdisant les formes de mobilité sociale dont certains d'entre nous ont bénéficié autrefois, grâce aux militants de la « culture pour tous ».

 

Le Syndeac, le syndicat principal du spectacle vivant, lui s’inquiète de l’avenir de la culture. « En Italie et en Grande-Bretagne aussi, on a commencé par dénoncer l'élitisme avant de démanteler les institutions culturelles. » Avec l'abandon de la « culture pour tous », les professionnels redoutent un désengagement de l’Etat.

 

D’autres argumentent que la culture n'est pas celle que quelques uns choisissent pour « tous » mais celle que « chacun » se forge dans la totale légitimité de ses choix. Elle est donc profondément diverse, non seulement parce que chacun est singulier, différent des autres mais aussi parce que l’humanité est diverse.

 

Et beaucoup ne comprennent pas pourquoi la question de l'aide à la création et à sa diffusion n'est pas abordée dans la note, encore moins le fait que le mot « art » y est totalement est absent.

 

 

Frédéric Mitterrand renonce à commémorer Céline lors des Célébrations Nationales 2011… à tort ou à raison ?

 

En janvier 2011, le ministre de la Culture et de la Communication provoque encore la polémique avec l’annonce de la commémoration de la mort de l’écrivain Louis-Ferdinand Céline dans le « Recueil des célébrations nationales 2011 ». Céline est, en effet, considéré comme un auteur de talent, voire un génie, mais il était aussi un antisémite notoire.

 

Le président de l'Association des fils et filles de déportés juifs de France, Serge Klarsfeld, réclame immédiatement  « le retrait immédiat de ce recueil ». A ses yeux, « les immondes écrits antisémites » de Céline rendent un tel hommage inadmissible. « Frédéric Mitterrand doit renoncer à jeter des fleurs sur la mémoire de Céline, comme François Mitterrand a été obligé de ne plus déposer de gerbe sur la tombe de Pétain ».

Deux jours plus tard, en accord avec l’Elysée, Frédéric Mitterrand annonce donc le retrait du recueil. « Après mûre réflexion, et non sous le coup de l'émotion, j'ai décidé de ne pas faire figurer Céline dans les célébrations nationales (…) ce n'est en aucun cas un désaveu à l'égard du Haut Comité (chargé d'établir la liste des personnalités) mais (…) une inflexion que j'assume pleinement.»

 

Il est pourtant difficile de ne pas y voir une volte-face. Pourquoi ne pas avoir décidé de s'y opposer avant que le recueil ne soit imprimé à environ 10 000 exemplaires, c'est-à-dire dès l'automne 2010? Par ailleurs, il a lui-même signé un avant-propos enflammé où il se félicite qu'y soit évoquée « une histoire de France propre à charmer nos imaginations et nos esprits contemporains ».

 

Mais ironie du sort, cette décision suscite elle aussi la colère et l'incompréhension parmi les universitaires et les écrivains : le ministre est accusé de censure.

 

Henri Godard, président du haut Comité chargé d’établir la liste des personnalités du recueil, « tombe des nues » en apprenant que sa notice a été « censurée ». « Quand j'ai voulu me présenter au ministre, celui-ci m'a tourné le dos, il m'a seulement dit : «Pas de polémique, pas de polémique». J'ai le sentiment d'avoir été piégé. Je suis furieux. » Il rappelle notamment que l'inscription, en 1974, de Voyage au bout de la nuit au programme de l'agrégation n'avait soulevé aucun problème et déplore une « incroyable régression ».

 

Alain Corbin, membre du Haut Comité et historien dit, quant à lui, qu'il comprend la décision du ministre, mais qu'il ne l'approuve pas. « C'est une affaire très délicate. D'un côté, je conçois très bien que la présence de Céline puisse blesser dans leur chair les survivants de la Shoah ou leurs descendants. Mais, d'un autre côté, on risque ce faisant d'ouvrir la voie à des débats sans fin : il y aura toujours quelqu'un pour dire qu'il est inadmissible de célébrer Thiers parce qu'il a écrasé la Commune, Turenne parce qu'il a ravagé le Palatinat et Rousseau parce qu'il a abandonné ses enfants. »

 

Parmi les intellectuels, la décision de Frédéric Mitterrand est également loin de faire l'unanimité. Fervent défenseur de l'oeuvre de Céline, le romancier Philippe Sollers se dit « absolument atterré (...) Le ministre de la culture est devenu aujourd'hui le ministre de la censure. »

 

Le comédien Fabrice Luchini, qui a longtemps fait salle comble en récitant du Céline, juge cette polémique « consternante » et « insoluble ». « Va-t-on retirer des librairies Voyage au bout de la nuit ? », ironise-t-il.

 

Le philosophe juif Bernard-Henri Lévy, lui, estime qu’il ne faut pas s’opposer à la commémoration de Céline. « Cette commémoration doit précisément servir à explorer l'énigme qui fait que l'on peut être à la fois un très grand écrivain et un parfait salaud. »

Alain Finkielkraut est du même avis : « Il nous faut assumer l'héritage contradictoire de Céline. Jamais un lycée de France ne doit porter le nom de Céline, mais je ne suis pas sûr qu'un tel écrivain ne doive pas faire l'objet de commémoration. Je suis surtout très inquiet des conséquences de cette décision, car cela va accréditer l'idée que le «lobby juif» fait la pluie et le beau temps en France. »

 

Commémorer ou célébrer ? Tel est le fondement du problème pour l'historien Jean-Noël Jeanneney, membre du Haut Comité. « Cela fait plusieurs fois que je dis que ce recueil porte mal son nom. La notion de célébration est ambiguë. Si on parlait de «commémoration» plutôt que de «célébration», il n'y aurait plus d'ambiguïté. Quand j'ai présidé la mission du bicentenaire de la Révolution française, il me semblait légitime de célébrer la Déclaration des droits de l'homme, mais il aurait été absurde de ne pas commémorer la Terreur. »

 

Serge Klarsfeld a, lui, exprimé son "très grand soulagement (…) Je félicite Frédéric Mitterrand d'avoir eu le courage de désavouer ceux qui, dans son ministère, ont accepté que Céline figure dans ce recueil."

 

Le journaliste Maurice Szafran est d’accord. Selon lui, il est inconcevable que la République rende hommage à Céline et il ne comprend pas la controverse. « C’est en effet se tromper et vouloir nous égarer, que de confondre l’interdiction de cette célébration et la censure. La censure de Céline, ce serait interdire la diffusion de ses livres; la censure de Céline, ce serait s’opposer aux dizaines de colloques qui, chaque année, s’interrogent sur sa littérature; la censure de Céline, ce serait interdire sa présence dans les dictionnaires et, en particulier, dans les dictionnaires littéraires. Ce n’est absolument pas le cas, ça ne viendrait d’ailleurs à l’idée de personne (…) Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a eu le mérite et le courage de reconnaître son erreur. Je n’éprouve aucune difficulté à l’en féliciter. »

 

Frédéric Mitterrand évince Olivier Py du l’Odéon

Autre bourde de Frédéric Mitterrand en avril 2011 lorsqu’il provoque une petite tempête dans le monde culturel en annonçant, contre toute attente, le remplacement d'Olivier Py à la tête de l'Odéon-Théâtre, à la fin de son mandat de cinq ans en mars 2012, par le metteur en scène suisse Luc Bondy.

 

Il est d’avis général que l’acteur et metteur en scène de 45 ans fait du bon travail et personne ne comprend pourquoi il n'est pas reconduit à ce poste. Y compris Olivier Py qui, dans un entretien au Monde,  explique qu’il est «passé de la colère à l'abattement, au désarroi (…) faire un seul mandat de cinq ans, ça ne s'est jamais vu, surtout avec mon bilan ! »  Incompréhension aussi sur la façon dont l’annonce a été faite. De nombreuses personnes pensent que le ministre s’est comporté d'une manière injuste et méprisante en convoquant Olivier Py pour lui annoncer tout de go son renvoi.

 

Certains artistes et personnalités de gauche lèvent alors les boucliers et décident de défendre Olivier Py contre un choix qui leur semble injuste. La présentatrice de TF1 Claire Chazal, également membre du Conseil d'administration du Théâtre de l'Odéon a ainsi signé une lettre ouverte avec le metteur en scène Jean-Pierre Vincent et Martine Tridde-Mazloum de la Fondation BNP Paribas. Tous les trois soulignent la « réussite » d'Olivier Py « qui a formidablement travaillé et continue de le faire », ajoutant que son départ serait regrettable.

 

L'Elysée aussi est agacé par "la précipitation" de M. Mitterrand, et souhaitait qu’il attende de trouver "une porte de sortie acceptable" à Olivier Py avant d’annoncer la décision publiquement.

 

Le ministre explique qu’il n’a pas « pu partager une vision commune » avec l'artiste et justifie sa décision par le besoin de « vider l'abcès à temps », sans préciser la nature de cet abcès. Et même s’il salue le bon bilan du directeur et metteur en scène, il estime que « quand on vous donne un outil formidable et que vous faites quelque chose de bien, cela ne vous rend pas propriétaire de l'outil ». Il tient aussi à assurer que sa décision n'a « bien sûr aucun rapport » avec le dernier spectacle d'Olivier Py, consacré à son oncle et ancien président, François Mitterrand. "Je n'ai pas de contentieux avec lui", affirme-t-il, se disant "meurtri" par la controverse.

 

Quelques jours plus tard, face à la polémique, le ministre calme les choses en proposant de nommer Olivier Py à la direction du festival d'Avignon, à partir de l'édition de 2014. Ce qui est une belle compensation. Olivier Py accepte. Il sera le premier metteur en scène à diriger Avignon depuis Jean Vilar.

 

Olivier Py se dit « triste de quitter l'Odéon, mais intensément heureux de prendre la direction d'Avignon. Je suis né spirituellement à Avignon, où je suis monté pour la première fois sur scène, en 1985, dans le off. » Il assure qu'il saura défendre "des auteurs et metteurs en scène dont le travail est à l'opposé" du sien, défendre aussi un théâtre de texte et il mettra en scène lui-même des spectacles.

 

Frédéric Mitterrand a également affirmé qu’il s’engage à ce que les artistes en résidence auprès d'Olivier Py soient maintenus. Au sujet de Luc Bondy, il évoque "l'un des hommes qui représentent le plus fortement cette idée de théâtre européen, hors frontières, hors générations".

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Débats:

Quel avenir pour la Culture en France ?

La France est l’un des premiers pays à avoir insisté sur l’importance d’une politique culturelle en créant une administration à part entière au sein du gouvernement. Mais la rue de Valois n’a cessé de susciter des controverses et des doutes sur la validité de son existence depuis sa mise en place. Et de nombreuses personnes s’interrogent sur son avenir mais surtout sur l’avenir de la Culture.

 

Depuis quelques années, on pourrait croire que tout va bien pour le ministère de la culture et de la communication. Malgré des polémiques et débats houleux sur certaines réformes, il semble que les actions mises en place par et pour le ministère renforce son influence.

 

Les « entretiens de Valois », sorte de brainstorming national autour de la Culture qui a réuni dix mois durant, sous l’égide du ministère, tous les professionnels de la profession en 2008-2009, ont plus ou moins convaincu et de nouvelles pistes sur les politiques publiques du spectacle vivant ont été ouvertes.

 

Le périmètre du ministère s’est agrandi et embrasse un champ d'action qui couvre la société entière, des laboratoires de recherche aux réseaux diplomatiques en passant par la politique de la ville. Les médias et le numérique y ont une place prédominante.

 

Le 13 janvier 2009, les vœux du président Sarkozy au monde de la culture sont tombés comme un baume magique sur des plaies toujours prêtes à saigner : le ministère de la Culture a un sens, on annule le gel du budget pour la création (les annexes 8 et 10, du budget) qui consacrent le régime des intermittents du spectacle, sont un élément indispensable de la vie culturelle française.

 

Aujourd’hui, culture et développement économique vont de pair. Le ministère de la culture doit être pensé et valorisé comme un acteur de la vie économique dans une Europe où la valeur ajoutée du patrimoine et l'effervescence de la création sont des moteurs d'avenir.

 

Par conséquent, et pour couronner le tout, le budget du ministère est en hausse. En 2011, il augmente de 2,1% par rapport à 2010 (soit 154 millions d’euros de plus) et la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, en vigueur dans tous les ministères, ne s'appliquera pas dans les établissements d'enseignement supérieur dépendant de la Rue de Valois (sont concernées notamment l'Ecole du Louvre, les Ecoles nationales supérieures des beaux-arts, ou la Femis pour le cinéma).

 

Mais malheureusement, la réalité n’est pas si rose. Si l’enveloppe 2011 est en légère hausse, la dotation n’augmente pas du fait de l’inflation. En clair, le budget est simplement stabilisé, mis à part pour certains secteurs comme le patrimoine et les industries culturelles. Le budget de l’audiovisuel extérieur est, quant à lui, en baisse et RFI ne cesse de voir le nombre de ses salariés diminuer. L’application de la RGPP (révision générale des politiques publiques) a, en général, entraîné la suppression de centaines de postes par an.

 

Quant à la Culture au sens propre, elle ne bénéficie pas toujours des actions du gouvernement. Si le périmètre du ministère s'est agrandi, l'art y semble parfois presque marginal, au point que sa dénomination a depuis longtemps inclus la communication. Les médias sont désormais des vecteurs de pensée plus majoritaires que la littérature et les arts.

 

Le rayonnement culturel de la France, ou plutôt l'administration des centres culturels à l'étranger, est en crise. Cette crise est budgétaire, mais surtout de stratégie et de gouvernance, voire de sens. La rue de Valois n’est même pas maître des opérations : c’est le ministère des Affaires étrangères qui en a la charge.

 

Par ailleurs, un Conseil de la création artistique, présidé par Nicolas Sarkozy et directement rattaché à l'Elysée a été mis en place. Quels que soient la bonne volonté de ses membres, sa création traduit une double dérive. Celle de l'hyper-présidentialisation, qui s'affiche dans la culture comme ailleurs, et celle du dessaisissement du ministère de la culture, ainsi concurrencé et « doublé par la capacité de conception et de proposition conférée au Conseil, et dès lors poussé à l'appauvrissement intellectuel ainsi qu'au découragement des compétences, des savoir-faire et des expériences acquises qu'il recèle. »

 

Selon Sylvie Robert, secrétaire nationale à la culture, et Karine Gloanec-Maurin, secrétaire nationale adjointe à la culture, qui ont écrit en novembre 2009 dans Le Monde,  le "triste" anniversaire du ministère de la culture,  « Nous assistons malheureusement à un étouffement voulu par l'actuel pouvoir de la politique culturelle nationale. Le ministère mène une action de moins en moins visible. Il est devenu une administration de gestion, sans imagination, qui n'a pas su s'adapter au monde d'aujourd'hui, qui censure Internet, ignore les pratiques innovantes, la mondialisation et néglige le rôle prépondérant des collectivités territoriales à la fois premiers financeurs mais aussi véritables acteurs  de la vie culturelle. »

 

De nombreuses personnes pensent que si Nicolas Sarkozy, tenté au début de son mandat par la disparition du ministère de la Culture, a préféré confirmer son existence pour ne pas déclencher la colère des milieux culturels, réputés influents, il en a fait une coquille vide.

 

Les syndicats et les professionnels s’inquiètent de l’avenir de la culture plus que du ministère lui-même. Certains se demandent même s’il ne doit pas être réduit en une simple agence, fusionner avec l'éducation nationale, l'enseignement supérieur, ou la recherche et les nouvelles technologies, voire totalement supprimer.

 

Pourquoi le fusionner? Certains avancent l’idée qu’il est nécessaire que la culture ne soit plus identifiée, réduite et isolée aux seules expressions artistiques que constituent le spectacle vivant et les festivals. Etre cultivé ne doit pas relever de l'exception, et c'est en liant éducation et culture qu'il est possible d'empêcher cela. L'éducation assurée par l'école publique est, pour une grande majorité, la seule chance de s'approprier les fondamentaux que sont le français, les langues étrangères, les mathématiques, l'histoire, la géographie et les sciences humaines. La culture ne peut se contenter d'être vécue occasionnellement, elle doit être ce partenaire quotidien de l'éducation. Les artistes et les professionnels de l'action culturelle pourraient alors s'inscrire au coeur du projet éducatif national et ainsi « démocratiser » la Culture.

 

Dans un entretien au Monde en décembre 2008, Jean-Jacques Aillagon, président du château de Versailles et ancien ministre de la Culture lui-même, se pose la question de la suppression complète de la rue de Valois. Il critique le travail accompli par le ministère : « Depuis de longues années, son action est devenue peu compréhensible et perçue comme injuste (…) en étant souvent le résultat d'aléas et de l'influence personnelle des élus, plus que d'une vision déterminée.» L’action territoriale n’est pas rationalisée, et les collectivités locales sont devenues les acteurs centraux de la vie culturelle.

Selon lui, son rôle devrait se limiter à subventionner les institutions et définir des  programmes forts et lisibles qui bénéficient de budgets d'intervention importants. « Empiler les subventions ne fait pas une politique (…) Arrêtons le saupoudrage au profit d'axes clairs. » Il avance même l’idée d’éventuellement supprimer le ministère : « Les missions de l'Etat en matière de culture sont plus importantes que la structure. La question peut donc se poser. Mais elle est politiquement taboue. La France a développé un attachement quasi religieux pour ce ministère. Vouloir le bouger, c'est être accusé de brader la culture, d'être inculte, d'ouvrir la voie au libéralisme pur, dur et sans âme. Si je n'étais qu'un observateur sur Sirius, je verrais des avantages dans le système d'avant 1959 : des actions culturelles, sans ministère. En tant qu'acteur engagé, je sais que c'est impossible. Maintenons ce ministère, donnons-lui plus de moyens, mais qu'il fasse sa révolution. »

 

Une fusion ou un démantèlement de la rue de Valois n’est évidemment pas au goût du jour et provoquerait sans doute un tsunami dans le monde culturel mais le ministère semble conscient que le système et les politiques actuels doivent être améliorés.  En mars 2011, un rapport inédit, intitulé « Culture & médias 2030 », a été remis  à Frédéric Mitterrand sur les enjeux majeurs et la prospective stratégique des politiques culturelles des vingt prochaines années.

 

Dissolution du Conseil de la création artistique

Un peu plus de deux ans après sa création, le Conseil de la création artistique a été dissous le 29 avril 2011.

Cette décision, prise d’un commun accord entre les membres du Conseil et le Président de la République serait justifiée par le fait que la mission confiée au Conseil au moment de sa création était limitée dans le temps et qu’elle serait achevée à la fin de l’année 2011. Selon l’Elysée, il appartient désormais au ministère de la culture et aux acteurs classiques du secteur de prendre le relais du travail de défrichage entrepris par le Conseil.

Et si le bilan du CCA reste pour l’instant difficile à mesurer, Nicolas Sarkozy a "rendu un vif hommage au travail accompli", a indiqué la présidence dans un communiqué, et a "chaleureusement remercié Marin Karmitz et tous les membres du Conseil de leur engagement personnel et bénévole dans cette expérience".

Mais la réalité est nettement plus contrastée. D’abord, la mission du Conseil n’était pas censée être de si courte durée ; au contraire, l’Elysée avait annoncé lors de la nomination de Marin Karmitz, qu’elle ne serait pas limitée dans le temps.

Par ailleurs, au sein même du Conseil, on reconnaît que tous les projets n'ont pas été un succès. Le festival Walls and Bridges, organisé en février 2011 afin de promouvoir la culture française à New York, n'aurait pas vu le jour sans le Conseil. Tout comme le projet Demos et son orchestre de jeunes issus de quartiers sensibles, pour lequel un financement de trois ans est assuré. De même, pour le Centre Pompidou qui a reçu un soutien financier significatif pour son programme de musée mobile qui doit être lancé prochainement.

En revanche, la Colline des arts, qui devait impulser une dynamique entre les nombreux musées et institutions culturelles autour de la colline de Chaillot n'a toujours pas  pris forme.

Quant à l'initiative baptisée « Imaginez maintenant », pour laquelle le Conseil avait investie le plus d'énergie et le plus grand effort de communication, s'est soldée par un échec. Peu de collectivités ont accepté de mettre à disposition des lieux emblématiques pour de jeunes créateurs. Et le public, convié en juillet 2010, a boudé les sites choisis. La proposition de reconduction de l'opération  à l'été 2011 n'a  pas été retenue par le ministère.

Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand n'a, en effet, jamais déployé une franche ardeur à soutenir le Conseil de la création artistique. Et il semble que l’hostilité persistante d’une grande partie du monde de la culture ait eu raison du laboratoire d’idée.

 

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Création: 3 février 1959
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Ministère de la Culture et de la Communication

Aurélie Filippetti
Ministre de la Culture et de la Communication

Aurélie Filippetti est née le 17 juin 1973 à Villerupt (Meurthe-et-Moselle), en Lorraine. Normalienne et agrégée de Lettres, elle commence se carrière comme enseignante avant de rejoindre Les Verts au début des années 2000, où elle est remarquée par Yves Cochet. Six ans plus tard, elle claque la porte du parti et rejoint Ségolène Royal et le Parti socialiste en 2007, puis François Hollande en 2011.

Des mines de la Lorraine à Normale sup

Aurélie Filippetti est née dans un foyer modeste et a grandi à Audun-le-Tiche, en face d'une usine sidérurgique. Son père Angelo Filippetti est un ancien mineur de fond, délégué CGT et militant communiste. Il devient ensuite conseiller général puis maire communiste d'Audun-le-Tiche, de 1983 à 1992 (année de son décès).

Son grand-père paternel est un immigré italien. Il est venu s'installer en France  pour travailler dans les mines de fer de la Lorraine. Résistant, il est arrêté pendant la Seconde guerre mondiale par la Gestapo, alors qu'il se trouve au fond d'une mine, et est déporté dans un camp de concentration avec ses deux frères.

Très attachée et respectueuse de cette histoire familiale et de ses racines, Aurélie Filippetti raconte l'histoire de ce grand-père dans un premier roman intitulé « Les Derniers jours de la classe ouvrière », publié en 2003. Le livre est salué par la critique et connaît un vif succès.

Très jeune, Aurélie Filippetti aime étudier et à une passion pour la lecture. Elle plusieurs fois déclaré « avoir été sauvée par la littérature ». Lors de la passation de pouvoir le 17 mai dernier, au ministère de la Culture et de la Communication, rue de Valois, Aurélie Filippetti a offert à son prédécesseur, Frédéric Mitterrand, un livre de l'écrivain napolitain Erri de Luca, intitulé « Et il dit ».

 

Après son bac, la jeune étudiante quitte sa Lorraine natale pour poursuivre ses études à Lyon, où elle intègre l'Ecole normale supérieure (ENS) de Fontenay-Saint-Cloud.

Normalienne et agrégée de Lettres classiques, elle est, dans un  premier, professeur remplaçante dans des collèges de banlieue, puis au lycée Pasteur de Neuilly-sur-Seine.

En 2006, Aurélie Filippetti publie un second roman « Un homme dans la poche », dont le succès n'est pas comparable au précédent.

Début de carrière chez les Verts

avec un père militant et élu local et un grand-père résistant, Aurélie Filippetti est, dès son plus jeune âge, bercée aux rouages de la politique et aux arcanes du militantisme.

Sensible à l'écologie, Aurélie Filippetti adhère au Parti des Verts, après les élections européennes de 1999 où la liste des Verts conduite par Daniel Cohn-Bendit obtient 9,7% des voix, permettant aux Verts d'obtenir neuf sièges de députés au Parlement européen de Strasbourg.

En 2001, Aurélie Filippetti est repérée en 2011 par Yves Cochet, alors ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire du gouvernement de Lionel Jospin, qui lui propose d'intégrer son cabinet. La fille du mineur communiste et élu d'Audun-le-Tiche fait ses premiers pas en politique.

 

La même année, elle est élue conseillère municipale du Ve arrondissement de Paris, au côté de Lyne Cohen-Solal. Tête de listes des Verts au Premier tour, elle  obtient 13,75% des voix.

 

En 2002, elle se présente aux élections législatives mais n'obtient que 6,55% des voix dans la deuxième circonscription de Paris (totalité du Ve arrondissement et la partie sud du VIe arrondissement). Un an plus tard, elle devient Secrétaire départementale des Verts de Paris et porte-parole.

 

Aurélie Filippetti est vivement critiquée par son Parti pour avoir émis l'idée, au début de l'intervention américaine en Irak, de défiler avec un drapeau israélien et palestinien. « Nous sommes tous des sionistes pro-palestiniens », affirme-t-elle dans les colonnes du journal Libération.

 

La transfuge des Verts rejoint le PS de Ségolène Royal

En 2006, Aurélie Filippetti émet le souhait de revenir dans sa région natale et de se présenter aux élections législatives de 2007 en Lorraine. Le Conseil national inter régional des Verts (CNIR) refuse d'accéder à sa demande d'investiture dans la circonscription de Longwy, lui préférant une autre élue locale de Lorraine.

 

En octobre 2006, la jeune femme claque la porte des Verts. Quelques jours plus tard, elle est approché par Patrick Mennucci, l'un des conseillers de Ségolène Royal, candidate socialiste à l'élection présidentielle de 2007. Très vite les deux femmes se lient d'amitié. Comme elle, Ségolène Royal bien a grandi en Lorraine.  Aurélie Filippetti devient sa conseillère spéciale environnement, culture, éducation et sujets de société.

 

Elle devient surtout l'une de ses plumes, lui écrivant des notes sur la Lorraine et sur l'Ecologie et dont Ségolène Royal se sert pour argumenter ses positions.

 

En mai 2007, Aurélie Filippetti est pressentie pour représenter le Parti socialiste à Longwy, septième circonscription de la Meurthe-et-Moselle. Finalement, elle est investie à Rombas-Bouzonville, dans la huitième circonscription de la Meurthe-et-Moselle et dont le Député sortant ne se représente pas. Face à l'UMP Alain Missoffe, fils d'un ancien ministre de Charles de Gaulle et frère de Françoise de Panafieu, Aurélie Filippetti l'emporte au second tour des législatives, avec près de 51% des voix. Le 17 juin 2007, jour de ses 34 ans, elle fait son entrée à l'Assemblée nationale.

 

Une députée remarquée et tenace

 

A l'Assemblée nationale, Aurélie Filippetti se fait remarquer par sa ténacité et son travail acharné.

Pendant plusieurs mois, elle rapporte et se fait l'écho, à l'Assemblée nationale, du combat mené par les ouvrières d'Arcelor-Mittal, notamment après la fermeture des deux derniers hauts-fourneaux de Gandrange et Florance. Elle s'oppose avec fermeté à la majorité UMP à l'Assemblée nationale et au Président Sarkozy pour ne pas avoir tenu et respecté ses promesses et ses engagements pris à Gandrange.

La jeune femme a également longuement bataillé contre le projet de loi puis l'adoption de la loi Hadopi.

 

En juin 2009, Aurélie Filippetti est candidate aux élections européennes sur la liste de Catherine Trautmann, députée européenne sortante dans la circonscription Nord-Est et ancienne ministre de la Culture et de la Communication du Gouvernement Jospin. En troisième position sur la liste qui n'obtient que deux élus et 17,8%, Aurélie Filippetti n'est pas élue.

Ses orientations au sein du Parti socialiste

Longtemps encartée chez les Verts, Aurélie Filippetti apporte son soutien à la candidate socialiste à l'élection présidentielle Ségolène Royal, en novembre 2006.

 

Elle est porte-parole puis vice-présidente de la « Convention pour la 6e République (C6R) », un groupe de réflexion politique français fondé en avril 2001 par le socialiste Arnaud Montebourg. Elle adhère ensuite au courant pro-Royal « L'espoir à gauche ».

 

Conseillère spéciale de Ségolène Royal pendant la campagne de 2006, Aurélie Filippetti se serait progressivement éloignée de la candidate. La rupture aurait eu lieu au lendemain du Congrès de Reims de 2008, lors de l'échec de Ségolène Royal face à Martine Aubry à prendre les rênes du Parti socialiste.

 

Au Printemps 2011, après la catastrophe de Fukushima qui a frappé le Japon, Aurélie Filippetti a été rappelé à l'ordre par Martine Aubry, Première secrétaire du PS, pour avoir dénoncé la « vision dépassée » du Parti socialiste sur le nucléaire.

 

Pendant la primaire socialiste de 2011, Aurélie Filippetti a soutenu le candidat François Hollande. Elle a été, pendant sa campagne, en charge des questions liées à la Culture.

Quelques heures après sa nomination au ministère de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti a annoncé qu'elle quitterait le Gouvernement si elle venait à perdre les élections législatives de juin 2012. Elle est candidate dans la première circonscription de la Moselle.

Autres engagements

 

Outre sa passion pour l'écriture et son intérêt pour la vie des mineurs, Aurélie Filippetti a un intérêt particulier pour le cinéma. Elle est présidente du Festival international du documentaire (FID), qui se tient chaque année à Marseille.

 

La femme derrière la politique

Aurélie Filippetti est extrêmement discrète sur sa vie privée. Elle n'est pas mariée, et a un enfant d'une union précédente.

En mars 2009, elle s'est rendue dans un commissariat de police pour y déposer une plainte pour "violences" contre son conjoint l'économiste, Thomas Piketty. « Je suis sortie du commissariat à 22h30 et à 6 heures le lendemain matin, l'information était dans le Figaro », a dénoncé la Députée qui souhaitait que cette affaire reste privée.

 

Ouvrages

-« Les Derniers jours de la classe ouvrière », Stock, 2003

-« Un homme dans la poche », Stock, 2006

-« L'école forme-t-elle encore des citoyens », co-écrit avec Xavier Darcos.

 

Synthèse de ses fonctions politiques

 

-2001 à 2002 : conseiller technique au cabinet du ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire, Yves Cochet

-2001 à 2007 : conseillère municipale du Ve arrondissement de Paris

-2007 à 2009 : porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée nationale

-Depuis 2007 : députée de la 8e circonscription de Moselle

-Depuis 2008 : membre du bureau national et du conseil national du Parti Socialiste

-Depuis 2009 : secrétaire nationale du PS, chargée des questions énergétiques

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Frédéric Mitterrand
Ministre de la Culture

Frédéric Mitterrand est un homme à multiples casquettes : scénariste, animateur de télévision, producteur-réalisateur de documentaires et de longs métrages, directeur de l'Académie de France à Rome, écrivain. Le 23 juin 2009, il est nommé ministre de la Culture et de la Communication par Nicolas Sarkozy.

Né le 21 août 1947 à Paris 16e, il est le fils de Robert Mitterrand, ingénieur, et d’Edith Cahier ; mais il est plus connu comme étant le neveu de François Mitterrand (Président de la République de 1981 à 1995).

A douze ans, il apparaît pour la première fois à l’écran sous le nom de Frédéric Robert dans le film Fortunat aux côtés de Michèle Morgan et de Bourvil. Il joue le fils d’un chirurgien arrêté par la Gestapo en France en 1942. Frédéric Mitterrand garde un bon souvenir du tournage. En 2010, alors que Michèle Morgan souffle ses 90 bougies au Fouquet, il vient lui rendre hommage. Il l’appelle sa « maman de cinéma » ; elle le surnomme son « petit Frédéric ». D’un même chœur, ils célèbrent ce jour-là, les louanges de Bourvil. Mais il avoue : « Hélas, j'étais mauvais acteur et je n'ai pas continué. »

Apres avoir suivi des études au Lycée Janson de Sailly, il obtient une licence d’histoire et de géographie à la Faculté de Nanterre. En 1968, il sort diplômé de l'Institut d'Études Politiques (IEP) de Paris dans la section service public. Il passe ensuite un doctorat d'histoire et géographie tout en exerçant pendant trois années le métier de Professeur d'économie, d'histoire et de géographie à l'Ecole bilingue de Paris. Mais il abandonne rapidement l’enseignement pour se consacrer à sa passion : le cinéma et la télévision.

En 1971, Frédéric Mitterrand entame une carrière de gérant de salles de cinéma. Il dirige la salle Olympic dans le 14eme, qu’il rachète par la suite ; puis l’Olympic Palace qu’il restaure. En 1975, il crée un réseau d’une dizaine de salle Art et Essai, puis ouvre l’Olympic-Entrepôt en 1977. Deux ans plus tard, il reprend le Bilboquet et change son nom en Olympic Saint-Germain, ainsi que Les 3 Luxembourg de Charles Rochman en 1983, qu’il rebaptise Olympic-Luxembourg. Entre 1980 et 1984, il travaille également aux côtés de Jean-Jacques Schpoliansky au Balzac.

A cette période, Mitterrand apparaît comme un cinéphile dandy, avec son foulard violet et son gros cigare, patron médiatique de salles de cinéma d'art et d'essai ; « affectif, drôle, intelligent, cultivé, il séduisait déjà tout le monde », se souvient son ancien collaborateur Jean Hernandez. Il se permet une programmation ambitieuse, de Pasolini à Duras, des comédies musicales égyptiennes aux grands films hollywoodiens. Pour les 10 ans de sa société, il loue l'Olympia et apparaît devant le tout-Paris, perché sur un trapèze, déguisé en Lana Turner. C'est l'apothéose, mais aussi le début de la fin. La fin d'une passion amoureuse avec un de ses collaborateurs, dont il fera son film, Lettres d'amour en Somalie (en 1981). La fin d'un cauchemar financier dont il n'aime pas parler, mais qui le laisse ruiné et endetté pour quinze ans.

Au début des années 80, il se lance dans une nouvelle carrière de producteur, réalisateur et animateur d'émissions de télévision. Doté d'une voix lasse et nasillarde, et passionné autant par le gotha mondain et les grands personnages historiques que par le cinéma, Frédéric Mitterrand réalise et/ou présente de nombreuses émissions de cinéma ou consacrées aux grands de ce monde. Il fait ses débuts sur TF1 mais il est remercié par la chaine en 1988. Il dit en avoir « beaucoup souffert ». Il rejoint alors Antenne 2. On lui doit entre autres Etoiles et toiles (1981-86), Ciné-Fêtes (1984), Acteur Studio (1986-87), Permission de minuit (1987-88), Destins (1987-88), Du côté de chez Fred (1988-91), Bonjour la télé (1988-89), Etoile Palace (1990), C'est votre vie (1993-94), Les Amants du siècle (1993-94), Caravane de nuit (1994), Ciné-Club (1996), Légendes du siècle (1996-97), Les Aigles foudroyés (1997), Cercle des arts (1997-98), Mémoires d'exil (1999), Hymne à la voix (1999), Plaisirs de France (2001), 24 heures en direct de (2002), etc. Il devient également l'un des commentateurs attitrés des cérémonies royales sur le petit écran.

La télévision se révèle un bon outil pour regagner l'argent perdu et faire connaître ses dons de conteur. Frédéric Mitterrand subjugue ou énerve, mais ne laisse pas indifférent avec son style précieux, ses génériques nostalgiques et ses périphrases extatiques. Ses collaborateurs ont souvent admiré la facilité incroyable avec laquelle il écrit. Avec lui, un tramway se transforme en un « jouet mécanique pour simulacre de voyage au long cours et supplément de charme pour panoplie de cité moderne. » Mais on lui reproche son manque de recul, notamment sur son portrait flatteur du shah d'Iran. Il répond qu’il n'est pas historien. Il se surnomme avec autodérision « le Shakespeare des supérettes».

L’autodérision, l’auto-caricature sont, en effet, deux grands traits de sa personnalité. Monsieur « bonsoooarr » jubile lorsqu'il « interviewe » deux chaises vides pendant toute une émission parce que ses invités, Juliette Binoche et Léos Carax, se disputent en coulisses. Mais c’est aussi quelqu’un de sensible, qui plus jeune était introverti, complexé et décalé dans sa sexualité. Il dit que la télévision a nourri son « besoin d’être admis et regardé» ; mais il y a rencontré beaucoup de « monstres, surtout féminins : en face, je devenais un paillasson, je faisais la roue, je déprimais, j'étais malheureux », raconte-t-il. « Frédéric est un affectif qui s'est pris des claques, se fait systématiquement refiler les bébés chats et les voitures pourries parce qu'il ne sait pas dire non», sourit un vieil ami. « Mais il a aussi un vrai goût de la catastrophe ! Et endosse avec facilité l'habit de victime quand il raconte sa vie. » 

On le sait aussi capable de coups d’éclat, comme lorsqu’en 1990, il dépose par terre son Sept d’or (de la meilleure émission de divertissement pour Carte Blanche), afin de protester contre l'état du service public. Ce que l’on sait moins, c’est que le lendemain il envoyait ses excuses au président de la chaîne : « J'étais allé trop loin. »

Mais à force d’accumuler les soirées starlettes, des émissions de variété ratées et des publicités lucratives, Frédéric Mitterrand passe de mode. Trop cultivé et vieille France pour les people, trop paillettes et dilettante pour les « cultureux », il est boudé par le public.

Cependant l’actuel ministre de la culture a toujours su rebondir. Certes, il n'arrive plus à vendre ses documentaires, se dit « blacklisté » chez Arte, ne vient plus sur France Télévisions qu'invité par Fogiel et pour présenter le cinéclub ; mais il continue ses interviews intimistes, parfois mielleuses souvent émouvantes, sur Match TV et Europe 1.

En 1997, il se lance, en effet, dans la radio. Il anime une émission littéraire sur Europe 1 jusqu’en 2006 ; et de 2002 à 2006, l'émission d'entretiens Ça me dit sur France-Culture. Il fait aussi dans la presse écrite et pige pour Télé Poche et Têtu.

Homosexuel militant, il collabore également à la chaîne Pink TV où il présente en 2005, l’émission Ca s’est passé comme ca.

De 2003 à 2005, à la demande de son ami Serge Adda, président de TV5, il dirige les programmes de la chaîne française à destination des francophones de l'étranger.  « Son nom nous fait de la pub, mais on pensait que le poste serait bidon. En fait, il travaille vraiment,» commente un salarié. Il séduit même. « Il a un incroyable charisme, il est psychologue, sait écouter les gens et utiliser leurs défauts », témoigne une collaboratrice.

Tout au long de sa carrière, Frédéric Mitterrand produit également plusieurs films et documentaires. Il joue son propre rôle dans Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet (2001). Il écrit aussi quelques livres, dont La Mauvaise vie en 2005, une autobiographie en deux volumes où il fait son coming out. Le livre connaît un beau succès avec près de 180.000 exemplaires vendus au moment de la sortie en librairie.

Il occupe, par ailleurs, diverses responsabilités comme Commissaire général de la saison tunisienne en France en 1996, de l'année du Maroc en 1999 et de la Saison tchèque en 2002. Au Centre National de la Cinématographie (CNC), il préside la Commission Fonds Sud de 1998 à 2000  et la Commission d'avance sur recette de 2001 à 2003.

Sur le plan politique, Frédéric Mitterrand est difficilement étiquettable. Grand admirateur des monarchies et des royautés, fasciné par De Gaulle, il a soutenu pendant un temps son oncle socialiste François Mitterrand, puis a adhéré en 1993 au Mouvement Radical de Gauche (MRG) avant de plébisciter deux ans plus tard la candidature de Jacques Chirac à la présidence de la République. Il ne prend pas position lors de l’élection présidentielle de 2007.

En juin 2008, il est nommé directeur de l'Académie de France à Rome (Villa Médicis) par Nicolas Sarkozy. Mais il fait rapidement part de son ennui à ce poste.  Un an plus tard, le Président le propulse au poste de Ministre de la Culture en remplacement de Christine Albanel, affaiblie par la censure partielle de la loi Hadopi contre le piratage sur Internet.

Mais Frédéric Mitterrand fait des débuts maladroits. Il ne respecte ni le protocole ni les usages. Il agit et réagit plus en artiste passionné et en électron libre, notamment de sa parole, qu'en politique pour qui chaque mot, chaque visite de musée compte. « Il est si heureux d'être là », s'en amuse Jack Lang, ex-ministre de la Culture de François Mitterrand, qui l'aime bien.

Le premier couac intervient avant même sa nomination. Il a tellement envie de confier sa joie à son équipe de la Villa Médicis, qu'il devance l'annonce du remaniement ministériel. Rebelote en septembre 2009, lorsqu’il donne le nom de son successeur à la Villa Médicis, Eric de Chassey, dans un entretien au quotidien italien La Stampa… une fois de plus, avant le communiqué officiel de l'Elysée.

Frédéric Mitterrand est imprévisible. Il bouscule son agenda pour un article lu dans la presse ou un conseil livré par un ami. Il lui suffit d'entendre le chef d'orchestre Hervé Niquet à la radio pour qu'il décide de faire un saut au festival baroque de Saintes.

En septembre 2009, il apporte son soutien total au réalisateur Roman Polanski qui, poursuivi aux Etats-Unis depuis 1977 pour une affaire de crime sexuel et délit de fuite, est arrêté en Suisse sur mandat d’arrêt américain. Le ministre juge « absolument épouvantable » l'arrestation du cinéaste « pour une histoire ancienne qui n'a pas vraiment de sens. » Il suscite immédiatement la colère d'associations de victimes, telle que « Innocence en danger » qui le somme de s'expliquer sur ce qu'elle juge comme des propos complaisants à l'endroit d'un crime sexuel, d’autant plus que la jeune fille violée était, à l’époque, une mineure de 13 ans. Il provoque l’indignation et l’incompréhension de certains hommes politiques et de la presse étrangère, notamment anglo-saxonne.

Le cas Polanski rend le terrain propice aux attaques de Marine Le Pen un mois plus tard. Le 5 octobre 2009, la dirigeante du Front National l’accuse, lors d'un débat télévisé consacré à la récidive chez les délinquants sexuels, d’avoir pratiqué le « tourisme sexuel » et trouvé du plaisir à « payer des petits garçons thaïlandais. » Elle se sert, de façon déformée et hors contexte, d’extraits de son autobiographie La Mauvaise Vie parue en 2005 pour l’attaquer. Mitterrand réfute au journal de TF1 de Laurence Ferrari, avoir eu des relations sexuelles avec des mineurs et condamne avec fermeté tout tourisme sexuel et acte de pédophilie. S’il semble convaincre une majorité de personnes, l’ouvrage lui est toutefois régulièrement rappelé par des opposants politiques ; notamment quelques jours plus tard, lorsqu’une lettre révèle qu’en 2008 il est  intervenu en sa qualité de directeur de la Villa Médicis pour se porter témoin de moralité en faveur de deux jeunes - dont son filleul - impliqués dans une histoire de viol.

Il se fait alors médiatiquement plus discret jusqu'à la fin de l'année. Mais on ne peut s’empêcher de remarquer le nombre élevé de départs du ministère à cette époque. En décembre 2010, de l'équipe de 20 conseillers annoncée en août 2009, 10 ont quitté la maison. Diverses excuses sont avancées mais selon la rumeur, certains ont du mal à supporter le régime Mitterrand. « Il a de bonnes intuitions, le suivi est plus... disons difficile, ose un ancien. Enthousiaste un jour, il lui faut tout, tout de suite. Le lendemain, il est ailleurs. »

Cependant, le ministre connaît également quelques succès. Un des premiers dossiers qu’il doit gérer est le vote très controversé de la loi Hadopi, qui a couté son poste à Christine Albanel. Pendant les discussions, beaucoup pensent qu’il a allié précision technique et verve rhétorique, ce que n'avait pas réussi à faire son prédécesseur. En octobre 2009, il décide de restituer cinq fragments de fresques issus d’un tombeau égyptien acheté par le Louvre, alors que des doutes sérieux étaient nés sur la légalité de leur sortie du territoire égyptien. Il gère également sans problème  la mise en place de la nouvelle organisation du ministère ; et il réussit à garder le budget de la Culture au moins stable, si ce n’est en légère hausse.

Frédéric Mitterrand est reconduit le 14 novembre 2010 à son poste de ministre de la Culture et de la Communication. Mais dès les premiers mois de 2011, il ne cesse de faire parler de lui : le scandale Céline, l’éviction d’Olivier Py de l’Odéon…et surtout ses liens avec l’ancien président tunisien Ben Ali.

Le ministre de la culture fait partie des nombreux responsables français qui ont fait preuve de complaisance envers le dictateur tunisien alors qu’il réprimait sauvagement le mouvement populaire de contestation en janvier 2011. Pis, il avait jugé « tout à fait exagéré » de qualifier la Tunisie de Ben Ali de « dictature univoque ». Ces propos ont déclenché, en France comme en Tunisie, stupeur et consternation. Un peu plus tard, Frédéric Mitterrand fait volte-face et présente ses excuses au peuple tunisien dans une lettre ouverte publiée le 23 janvier par l'hebdomadaire de Tunis Réalités. « Alors que le peuple tunisien est parvenu par ses seules forces à se débarrasser de la chape de plomb qui pesait sur lui, je regrette profondément que mon attitude et les expressions qu'il m'est arrivé d'utiliser aient pu offenser des gens que j'ai toujours voulu aider et que j'admire et que j'aime. » Il tente aussi de justifier la nationalité tunisienne qui lui avait été octroyée par le président Ben Ali dans les années 1990 : « Il se trouve que, sans doute, peut-être, le régime a essayé de me récupérer en me donnant la nationalité, mais je n'ai pas fait de compromis, aucun », assura-t-il sur France Inter. Mais le mal est fait. « Triste pantalonnade » est l'un des commentaires les plus charitables que l'on a pu alors lire sur les journaux tunisiens en ligne.

 

Filmographie
1960 : Fortunat
1981 : Lettres d'amour en Somalie
1984 : Paris vu par… vingt ans plus tard
1995 : Madame Butterfly, adaptation de l'opéra de Puccini
1997 : Mon copain Rachid, court métrage de Philippe Barassat, narrateur
2001 : Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet, lui-même

Télévision
Frédéric Mitterrand a produit et animé des émissions de télévision comme Etoiles et toiles (1981-1986), Acteur Studio (1986-1987), Ciné-Fêtes (1984), Permission de minuit (1987-1988), Etoiles (1987-1992), Destins (1987-1988), Etoile Palace (1990), Du Côté de chez Fred (1988-1991), C'est votre vie (1993), Les Amants du siècle (1993), Caravane de nuit (1994).


Il a reçu en 2003 le prix Roland Dorgelès (qui distingue deux professionnels de l'audiovisuel pour leur attachement à la qualité de la langue française.) La même année; il est nommé directeur général délégué chargé des programmes et de l’antenne de TV5.

Documentaires
- Deux séries sur la chute des monarchies au début du XXe siècle : « Les Aigles foudroyés », « Mémoires d'exil ».
- un film documentaire sur Habib Bourguiba.
- Fairouz, reportage-documentaire, 60 minutes (1998) - diffusion Arte ;
- Je suis la Folle de Brejnev, film documentaire, 74 minutes (2001) - coproduction France 3.

Œuvres
Mémoires d'exil, Robert Laffont, 1990
Destins d'étoiles - tomes 1, 2, 3, 4 - Fixot, 1991-1992
Monte Carlo : la légende, Assouline, 1993
Une saison tunisienne, Actes Sud, 1995
L'Ange bleu : un film de Joseph von Sternberg, Plume, 1995
Madame Butterfly, Plume, 1995
Les Aigles foudroyés - la fin des Romanov des Habsbourg et des Hohenzollern, Pocket, 1998
Un jour dans le siècle, Robert Laffont, 2000
La mauvaise vie, Robert Laffont, 2005
Lettres d'amour en Somalie, Pocket, septembre 2006
Maroc, 1900-1960 Un certain regard, Actes Sud, 2007
Le Festival de Cannes, Robert Laffont, 2007

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